De L’Invitation Au Piège Du Journaliste Sossoukpè

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De L'Invitation Au Piège Du Journaliste Sossoukpè
De L'Invitation Au Piège Du Journaliste Sossoukpè

Africa-Press – Benin. Officiellement invité à Abidjan pour couvrir un salon sur l’innovation digitale, le journaliste béninois Comlan Hugues Sossoukpè, réfugié politique au Togo, a été arrêté dans sa chambre d’hôtel, puis expulsé vers le Bénin dans un avion « privé » selon les révélations de Reporters sans frontières (RSF).

Le 8 juillet 2025, Comlan Hugues Sossoukpè débarque à Abidjan, confiant. Selon Reporters sans frontières (RSF), il avait été officiellement convié par le ministère ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation pour couvrir un salon régional sur l’innovation digitale, en tant que “journaliste reconnu de la sous-région”.

Réfugié politique au Togo depuis 2021, Comlan Hugues Sossoukpè pensait bénéficier de garanties diplomatiques solides. Il loge à l’hôtel Palm Beach, établissement appartenant au Fonds de prévoyance militaire de Côte d’Ivoire, et commence à couvrir l’événement dès le lendemain de son arrivée.

Mais ce que le journaliste ignore, c’est que cette invitation cache une tout autre manœuvre. Selon RSF, tout s’accélère dans la soirée du 10 juillet quand des policiers ivoiriens frappent à la porte de sa chambre. Il tente de résister, mais finit par suivre les agents, convaincu par leur promesse qu’il sera conduit devant un juge.

Direction aéroport, sans audience ni recours?

RSF révèle que le journaliste n’a jamais été présenté à une quelconque autorité judiciaire ivoirienne. Il est conduit directement au salon d’honneur de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, une zone normalement réservée aux invités de marque. Là, un petit avion privé de type Beechcraft 1900D l’attend. Seuls les policiers ivoiriens et les membres d’équipage lui tiennent compagnie à bord. L’appareil décolle pour Cotonou dans un silence administratif complet.

Pourtant, son statut de réfugié politique ne fait aucun doute. RSF, qui a consulté son passeport, confirme que cette mention y figure “noir sur blanc”. Ce document aurait dû garantir sa protection contre toute forme de refoulement. Mais cette garantie n’a pas été respectée par les autorités ivoiriennes, déplore RSF.

À 22h, l’avion atterrit à Cotonou. Comlan Hugues Sossoukpè est immédiatement remis à la brigade économique et financière. Le lendemain matin, il est présenté à un juge d’instruction de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).

Les chefs d’accusation

Trois chefs d’accusation sont retenus contre lui: “harcèlement par le biais d’un système informatique”, “rébellion” et “apologie du terrorisme”. Il est incarcéré sans délai à la prison civile de Ouidah sans aucune communication officielle des autorités béninoises et ivoiriennes.

Son avocat, Me Serge Pognon, joint par RSF, affirme que le journaliste va bien physiquement, mais qu’il se sent “piégé” et “trahi” par la Côte d’Ivoire. RSF rappelle que Comlan Hugues Sossoukpè vivait en exil depuis sept ans, après avoir critiqué les élections législatives béninoises de 2019. Son média Olofofo, interdit au Bénin en mars 2025, avait régulièrement dénoncé des abus politiques.

Un silence complice, une opération coordonnée?

RSF exprime une vive indignation face à ce qu’elle considère comme une “livraison honteuse” d’un journaliste en exil. “Les autorités ivoiriennes se sont rendues manifestement complices de la persécution bien établie d’un reporter en déployant des moyens considérables pour le livrer au Bénin”, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau investigation de RSF. L’ONG exige des explications officielles de la part d’Abidjan, qui reste pour l’instant silencieuse.

Du côté béninois, RSF rapporte que le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, s’est contenté d’affirmer que le journaliste “aura à répondre des accusations portées contre lui”, sans commentaire sur les conditions de son arrestation.

Présenté à la Criet ce lundi 14 juillet 2025, il a été placé sous mandat de dépôt et attend son procès. RSF exige sa libération immédiate et « se réserve le droit d’engager toute action appropriée contre cette dérive de la coopération sécuritaire ».

Pour l’organisation de défense des journalistes, ce qui s’est passé à Abidjan n’est rien d’autre qu’une opération illégale de refoulement politique, rendue possible par un simulacre de procédure, un vol privé et l’instrumentalisation de la diplomatie. Une page sombre pour la liberté de la presse en Afrique de l’Ouest.

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