Africa-Press – Benin. Au cinéma, on appelle cela une préquelle, ou un antépisode. C’est-à-dire le récit de ce qui se passe avant les événements racontés dans un film sorti quelques années avant. C’est un peu l’esprit du Trésor des bâtisseurs, une expérience de réalité virtuelle du studio Excurio proposée depuis le 11 décembre 2025 dans les espaces Eclipso à Bordeaux, Lyon et Paris.
Par le biais d’un casque de réalité virtuelle, le visiteur passe 45 minutes au cœur du chantier de la pyramide de Kheops, en Egypte, mais aussi sur des sites d’extraction de matériaux en Libye et dans le Sinaï, sur des bateaux sillonnant le Nil avec les ouvriers ramenant les blocs de calcaire sur le plateau de Gizeh. Autrement dit, on assiste à ce qui s’est passé avant L’Horizon de Kheops, une autre expérience de réalité virtuelle d’Excurio, datant de 2022 et se déroulant à l’intérieur et aux alentours de la même pyramide.
Le transport des blocs de calcaire sur le Nil (Crédit: Excurio)
Les personnages de la guide Mona, que le visiteur suit du début à la fin, et de la déesse égyptienne Bastet sont communs aux deux histoires, certaines scènes se répondent (les bateaux, la vue du sommet de l’édifice, une déambulation dans les rues de la nécropole de Gizeh). Et dans les deux cas, on a affaire à ce qu’Excurio appelle une « expédition immersive »: le visiteur n’est pas assis sur un fauteuil mais se promène pour de bon, visiocasque sur la tête, dans les lieux reconstitués avec minutie, au gré de la progression de l’histoire. Les mouvements et les distances dans le monde réel correspondent à ce qui se passe dans l’univers simulé.
Rendu visuel calculé en temps réel
Tout est calculé pour éviter les collisions avec les autres visiteurs (visibles sous forme de silhouettes), les murs et les poteaux de la salle immersive (matérialisés par un treillis rouge quand on s’en approche de trop près). Pas besoin de porter un ordinateur dans un sac-à-dos, comme il y a encore quelques années: la salle est bardée de repères visuels aux cloisons et au sol, le casque est doté de capteurs pour connaître la position et l’orientation du visiteur dans l’espace, et communique en WiFi avec l’ordinateur qui calcule en fonction le rendu visuel en temps réel
En termes de contenu, l’approche du Trésor des bâtisseurs est assez différente du récit précédent: beaucoup plus dense en informations, prenant parfois les allures d’une conférence scientifique in situ. « La pyramide est la star de ce projet, mais nous avons voulu étendre le propos, prendre le contexte dans lequel elle a été construite il y a 4600 ans, explique Emmanuel Guerriero, président et cofondateur d’Excurio. Nous remontons dans le temps, explorons les pyramides précédentes pour comprendre par itération comment les Egyptiens en sont arrivés à ce chef-d’œuvre ». Le « visiteur » entre ainsi dans le mastaba d’Ankh-haf, demi-frère de Kheops ou la pyramide de Dahchour pour comprendre quelles connaissances les architectes égyptiens ont accumulées avant d’entreprendre la grande pyramide.
L’expédition immersive emmène le visiteur dans un mastaba, en l’occurrence celui du roi Ankh-haf. L’édifice est aujourd’hui détruit à 90 % (Crédit: Excurio)
Le projet a bénéficié du conseil scientifique de Peter der Manuelian, titulaire de la chaire d’égyptologie de l’université de Harvard (Etats-Unis) mais aussi de la participation de l’architecte français Jean-Pierre Houdin, qui défend l’idée selon laquelle la pyramide de Kheops a été érigée d’abord avec une rampe extérieure, puis, pour le dernier tiers, avec une rampe intérieure en spirale. Théorie mise en scène dans l’aventure virtuelle.
Le « journal de Merer » intégré au récit
L’architecte avait également théorisé en 2003 l’existence de cavités inexplorées à l’époque dans la pyramide. Elles ont bel et bien été découvertes, un corridor de 5 mètres de long, côté nord en 2016 et un tunnel de 40 mètres en 2023, par la mission ScanPyramids, laquelle est devenue en cours de route partenaire du Trésor des bâtisseurs. Ces travaux ont été intégrés au récit.
De même que le « journal de Merer », un papyrus trouvé en 2013 par l’égyptologue français Pierre Tallet qui s’avère être rien moins qu’un registre de chantier. « Il y a des indications sur le transport des blocs de calcaire, sur les cadences, explique Jean-Pierre Houdin. On a l’impression de voir un tableau Excel, très répétitif: ‘On est passé par tel endroit, on a passé deux jours là, on est revenu, on a pris tant de blocs’, et ainsi de suite ».
La guide Mona au centre et la déesse Bastet à tête de félin (Crédit: Excurio)
Car au-delà de la simulation virtuelle, impressionnante, l’enjeu est aussi d’en finir avec les explications fumeuses et autres divagations ésotériques concernant la construction des pyramides égyptiennes, pour ne s’appuyer que sur des connaissances documentées. « Les modèles 3D de cette expédition immersive reposent sur des décennies de travail archéologique, de photos, de plans, de dessins, tous très précis », résume Peter Der Manuelian.
Emmanuel Guerriero ne cache pas que d’autres épisodes consacrés aux pyramides égyptiennes, nourris par les découvertes récentes (les cavités repérées par la technologie de ScanPyramids n’ont pas encore été explorées), pourraient voir le jour dans les années qui viennent. Le Trésor des bâtisseurs peut alors se voir comme le volet pilote, celui qui pose les connaissances de base, avant d’approfondir le sujet.
Le Trésor des bâtisseurs, espace Eclipso, 19-21, rue Saint-Sernin à Bordeaux, 112 cours Charlemagne à Lyon, 45 rue des Pirogues de Bercy à Paris. Renseignements sur le site d’Eclipso.





