« Kaleidoscope » : Dakar et Kinshasa dans l’œil d’artistes africains

« Kaleidoscope » : Dakar et Kinshasa dans l'œil d'artistes africains
« Kaleidoscope » : Dakar et Kinshasa dans l'œil d'artistes africains

Africa-Press – Burkina Faso. Dans la lumière insolente de la Provence, un espace sombre où seules les œuvres sont éclairées. Nous sommes à Apt, en plein Luberon, cette belle région de France où se donne à voir l’exposition Kaléidoscope – Dakar & Kinshasa, une véritable plongée artistique dans le tumulte des capitales respectives du Sénégal et de la République démocratique du Congo.

Centrée sur l’art contemporain africain, la Fondation Blachère, créée en 2003, adossée à l’entreprise du même nom et spécialisée dans les illuminations de Noël, propose deux fois par an des expositions. Elle s’appuie principalement sur le fonds qu’elle a constitué au fil des ans.

Une plongée dans l’ambiance urbaine de l’Afrique

Avec Kaléidoscope, on entre dans la ville africaine. Chaque artiste interprète à sa manière la cité, tour à tour joyeuse, inquiétante, colorée, bruyante et vibrante. Sculptures, maquettes, street-art, peintures, photographies, mais aussi bande sonore et musique plongent le visiteur dans l’ambiance de ces deux capitales, « reflétant l’expérience kaléidoscopique et multisensorielle des villes par les artistes », détaille Jean Michel Massing, professeur au King’s Collège de Cambridge, commissaire de l’exposition.

Les œuvres de 27 artistes*, dont beaucoup de Sénégalais et de Congolais, nous entraînent dans la ville qu’ils perçoivent. Dès l’entrée, le regard est accroché par une maquette très colorée de Jeancy Nsumbu, Limboma, Limboma, un fou, vraiment fou en lingala, qui enchevêtre homme, instruments de musique, pelle mécanique, avec des yeux partout.

Puis le regard est capté par l’intrigante sculpture murale de caoutchouc de Patrick Bongoy qui fait penser à la coiffure d’une femme. Il utilise des matériaux d’origine locale et chargés d’histoire, comme le caoutchouc recyclé, pour dénoncer le passé colonial en Afrique.

De manière plus figurative, dans sa peinture, Jean David Nkot place ses personnages sur des cartographies imaginaires qu’il relie à l’exploitation minière dont il dénonce les impacts écologiques et humains. On découvre aussi une série de photos d’Adama Bamba, en noir et blanc : des bâtiments en construction, sans présence humaine, où la géométrie prend le pas sur tout.

Dans la grande salle, avec sa fresque sur toile Yes ! Dakar, Yagor Yahaut invite à entrer dans la capitale sénégalaise, façon planète des singes avec des « cars rapides » en fond. Mamadou Cissé, lui, nous plonge, vue du ciel, dans un monde de détails et de fourmillement de la capitale sénégalaise avec son tableau Renaissance africaine qui met en scène l’incontournable sculpture nord-coréenne, dans une ville ultra moderne, avec des gratte-ciel et des voitures en file indienne. Ses toiles semblent dialoguer avec celles de Vincent Michéa, qui opte pour un réalisme proche de la photo, tout en épure et en espace, comme le triptyque du mausolée de Seydou Nourou Tall.

Découvrir Dakar par son emblématique marché : Sandaga

Le marché apparaît comme un lieu incontournable des grandes ville, là où tout se passe. À Dakar, la star des marchés, Sandaga, construit en 1933 et qui a scandaleusement été brûlé par un promoteur immobilier en 2021, se retrouve sur les murs de l’expo, photographié en contre-plongée par Boubacar Touré Mandemory ou peint par Vincent Michéa.

Dans les rues de Dakar, les artistes urbains à l’assaut des murs

À Dakar, le street-art souvent porteur de messages se veut social et responsable. Le mouvement du street-art né dans les années 1960 aux États-Unis, sous la forme des graffitis, porté par l’émergence de la culture hip-hop, s’est répandu dans le monde. Ainsi Docta, un artiste sénégalais précurseur du mouvement dans son pays, explique : « J’égaie un environnement pour le rendre plus viable, plus beau à voir… Les Médinois, les habitants de la Médina, un quartier de Dakar, l’apprécient. Les gens viennent me voir et me disent : Il y a un mur chez moi, je te le donne », explique Jean Michel Massing dans le catalogue de l’exposition.

À Kinshasa, le festival Kin Graff habille les murs

Les deux œuvres exposées de Docta, une esquisse et un tableau, racontent l’histoire de l’immigration et de ses dangers : au premier plan, une barque, au loin, une ville et, entre les deux, un cimetière. Si le street-art est une pratique plus récente qu’à Dakar, Kinshasa a son festival, Kin Graff, dont la quatrième édition vient de se dérouler en juin avec une quinzaine d’artistes, dont Tata Nizzoo Kobo qui a peint le portrait d’une femme africaine sur les murs de la fondation.

Les sapeurs de Kinshasa photographiés par Baudouin Mouanda

Kinshasa, la ville de tous les superlatifs, est aussi celle des sapeurs, des dandys modernes qui s’habillent de façon excentrique et élégante. Les photographies de Baudoin Mouanda saisissent les attitudes et le jeu de ces sapeurs qui friment dans les rues de la ville, montrant la marque du costume, arborant des chapeaux, des cannes, des lunettes de soleil. De quoi inspirer le peintre JP Mika qui a réalisé un tableau intitulé « Élégance », qui montre une femme congolaise apprêtée.

Les villes du futur aussi

Les maquettes du Congolais Bodys Isek Kingelez nous plongent dans les villes du futur, et notamment celle de Sète, en 3009. On retrouve les canaux, un tournoi de joutes nautiques. Pour les bâtiments, l’imaginaire prend le dessus. Ils sortent de la mer, se parent de lumières et scintillent sous les paillettes.

À côté, les œuvres de Rigobert Nimi ressemblent à des Lego géants. Avec des matières et des objets qu’il recycle, il construit un « Drone voyageur » qui s’éclaire. Jean Katambayi Mukendi, lui, veut montrer le beau grâce à l’électricité et la lumière. Il construit des installations complexes et mystérieuses qui fonctionnent grâce à des circuits électriques. À côté, il y a les grands et fascinants dessins de Dieuleveut Matula Kiangala. Architecte, il élabore sur le papier des projets futuristes, utopiques, façon dessin industriel.

En perpétuel mouvement, la ville, dans cette exposition, se transforme, s’étend et se distend. « Elle apparaît comme le lieu de tous les possibles, le lieu de tous les rêves éveillés », commente Claude Agnel, administrateur de la fondation.

Au travers de leurs œuvres, les artistes ont ainsi réussi à témoigner de leur regard sur la ville, celui sur leur ville. Et cette exposition Blachère leur a servi de terrain de partage.

**Les artistes présentés : Dawit Abebe (Éthiopie), Daouda Ba (Sénégal), Adama Bamba (Mali), Patrick Bongoy (RDC), Jean-Marie Bruce (Sénégal), Mamadou Cissé (Sénégal), Docta (Sénégal), Douts (Sénégal), Lou Escobar (France), Ablade Glover (Ghana), Jean Katambayi Mukendi (RDC), Kiripi Katembo (RDC), Bodys Isek Kingelez (RDC), Jems Robert Kokobi (Côte d’Ivoire), Boubacar Toure Mandemory (Sénégal), Dieuleveut Matula Kiangala (RDC), Serigne Mbaye Camara (Sénégal), Vincent Michéa (France), JP Mika (RDC), Baudouin Mouanda (Congo), Cheikh Ndiaye (Sénégal), Rigobert Nimi (RDC), Jean David Nkot (Cameroun), Jeancy Nsumbu (RDC), Tata Nizzoo Kobo (RDC), Ingénieur Vancy (RDC), Shaka Fumu (RDC), Yagor Yahaut (Côte d’Ivoire).

* Exposition à voir à la Fondation Blachère, à Apt, jusqu’au 24 septembre.

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