Afrique Payera Pour Excès Du Nord À La COP30

Afrique Payera Pour Excès Du Nord À La COP30
Afrique Payera Pour Excès Du Nord À La COP30

Olivier de Souza

Africa-Press – Burkina Faso. Chaque année, c’est la même scène. Les dirigeants du monde se rassemblent, multiplient les promesses et les envolées morales, pendant que l’Afrique repart les mains vides. Ce rituel des COP tourne à la farce. Les riches parlent, les pauvres écoutent. Les riches polluent, les pauvres paient. Et la crise climatique continue de s’aggraver sous le vernis des discours. La COP30, qui vient de s’ouvrir à Belém, au Brésil, ne fera pas exception. Elle confirmera, une fois encore, l’exclusion du continent africain des véritables décisions.

Après la COP29 de Bakou, plus personne ne peut croire que les négociations climatiques mondiales servent les intérêts africains. Présentée comme la « COP de la finance », elle devait permettre d’obtenir des engagements forts pour les pays du Sud, notamment établir un nouvel objectif de financement climatique qui devra remplacer celui des 100 milliards de dollars par an, qui reste à ce jour très en deçà des besoins réels. Elle s’est terminée sur un accord si faible qu’il frise la caricature. La promesse d’au moins 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour tous les pays en développement a été présentée comme une victoire. En réalité, c’était une manière polie de dire à l’Afrique: prenez ce qu’on vous donne et contentez-vous-en.

Rappelons que les négociateurs africains avaient demandé 1 300 milliards de dollars par an, un montant jugé nécessaire par les experts de l’ONU pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Des prêts, pas des réparations

Le problème, ce n’est pas seulement le montant. C’est la nature même de ces financements. L’Afrique consacre déjà environ 163 milliards de dollars par an au service de la dette, souvent envers les mêmes créanciers qui se disent aujourd’hui solidaires du climat. Corrigée d’une inflation moyenne de 5% par an, la promesse de 300 milliards d’ici 2035 ne représentera guère plus de 175 milliards en valeur réelle, montre une analyse de Kudakwashe Manjonjo, chercheur au Southern Centre for Inequality Studies de l’université du Witwatersrand, en Afrique du Sud.

Sous couvert de financement climatique, on propose des prêts maquillés en aides. Le principe de responsabilités communes mais différenciées, inscrit dans la Convention climat de 1992, a été vidé de tout sens. Au lieu de compenser leurs émissions historiques, les pays développés poussent l’Afrique dans un nouvel endettement. Comme l’a dénoncé l’Alliance panafricaine pour la justice climatique en novembre 2024, « le climat est devenu une nouvelle source d’endettement ».

Cette hypocrisie est d’autant plus flagrante qu’à Bakou, près de 2 000 lobbyistes issus des industries fossiles étaient accrédités, certains ayant même pu accéder aux plus hautes sphères des réunions bilatérales et multilatérales. L’Azerbaïdjan, pays pétrolier revendiqué, a présidé la conférence en se félicitant d’avancer sur les marchés carbone. Ces marchés, censés réduire les émissions, servent surtout à permettre aux pollueurs d’acheter leur tranquillité en « compensant » leurs émissions… en Afrique. Le continent devient ainsi la décharge morale du Nord.

L’Afrique, otage d’un système figé

Les réactions africaines après la COP29 ont été d’une rare froideur. Ali Mohamed, représentant du groupe de négociateurs africains, a parlé d’un accord « trop faible, trop tardif et trop ambigu ». Mohamed Adow, de Power Shift Africa, a dénoncé la « grande évasion » organisée par le monde riche. Et Faten Aggad, du think tank African Future Policies Hub, a résumé le sentiment général: « Pas d’accord vaut mieux qu’un accord où les pays africains n’ont pas de réels fonds pour s’adapter au changement climatique ».

Les conséquences sont déjà visibles. Faute de moyens pour financer leurs transitions, les pays africains se tournent de plus en plus vers les énergies fossiles. Le Sénégal et l’Ouganda exploitent leurs champs pétroliers, d’autres misent sur le gaz ou le charbon. Et pendant que l’Occident les sermonne pour leur manque de cohérence climatique, il continue de subventionner ses propres hydrocarbures.

Avec la COP30, le scénario est déjà écrit. Le décor amazonien offrira de belles images à savoir forêt luxuriante, discours sur la justice climatique, promesses de solidarité. Mais sans réforme du système, rien ne changera. Tant que les financements resteront des prêts, tant que les promesses ne s’accompagneront pas d’un véritable mécanisme de réparation, l’Afrique restera spectatrice d’un théâtre diplomatique dont elle ne contrôle ni le texte ni les acteurs.

D’ailleurs, le problème n’est pas seulement financier. Il est structurel. Le processus des COP reste dominé par un petit nombre de puissances industrialisées, pendant que les 54 pays africains peinent à faire entendre leur voix. Les décisions se prennent à huis clos, la société civile du Sud est marginalisée, et les grandes entreprises du Nord dictent les règles.

Si le Brésil veut donner à la COP30 une portée historique, il devra rompre avec ce modèle. L’Amazonie et le bassin du Congo sont les deux poumons de la planète. Ils devraient être la base d’une alliance Sud-Sud fondée sur la souveraineté et non sur la charité. Mais cela suppose une volonté politique réelle, pas une simple mise en scène.

Pour l’Afrique, la route vers Belém est pavée de promesses non tenues. Un moyen en plus de repousser les vraies décisions d’une année supplémentaire. Pendant ce temps, les communautés africaines paient le prix fort.

Il reste pourtant un levier. L’Afrique détient les minerais stratégiques: cobalt, lithium, graphite, dont le Nord a besoin pour bâtir son économie verte. Le continent devrait s’en servir comme d’un outil de négociation. Pas de financement juste, pas de minerais. Ce n’est pas du chantage, c’est de la justice. La transition énergétique ne peut pas reposer sur l’exploitation de ceux qui en subissent déjà les effets.

En définitive, la COP30 dira si le système mondial peut encore se réformer ou s’il est condamné à répéter ses échecs. Pour l’instant, les faits sont clairs. Les puissants continuent de profiter, les pauvres continuent de payer.

Et lorsque les projecteurs s’éteindront à Belém, on dira encore à l’Afrique d’attendre la prochaine promesse, la prochaine feuille de route, la prochaine illusion. Mais elle n’a plus le temps. L’injustice climatique n’est pas une menace à venir, c’est une réalité. Ici. Maintenant.

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