Africa-Press – Burkina Faso. L’initiative « Zéro tarif », qui doit profiter à 53 pays africains entretenant des relations diplomatiques avec la Chine, vise à corriger les déséquilibres dans les relations commerciales bilatérales. Mais le continent ne peut en tirer profit qu’en levant certains obstacles structurels et opérationnels.
Les pays africains peuvent tirer plein parti du traitement tarifaire nul que Pékin envisage d’appliquer sur leurs exportations, entre autres en développant des chaînes de valeur régionales dans des secteurs à fort potentiel (transformation de produits agricoles, industrie légère, traitement des minerais, etc.) et en renforçant leurs infrastructures et corridors logistiques. C’est ce qu’établit un rapport publié début novembre par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank).
Intitulé « China’s Zero-Tariff Policy and Africa’s Trade Future: A Strategic Inflection Point », le document rappelle que l’empire du Milieu a proposé en juin dernier, une exemption de droits de douane sur tous les produits qu’il importe des pays africains avec lesquels il entretient des relations diplomatiques. Dans une lettre adressée aux ministres africains des Affaires étrangères, qui participaient à une réunion de suivi des décisions du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) dans la ville de Changsha, le président Xi Jinping avait alors annoncé que les 53 pays africains ayant des liens diplomatiques avec la Chine se verraient accorder un « traitement à tarif zéro pour 100% des lignes tarifaires ».

Cette mesure doit faire l’objet d’un futur pacte économique à négocier et signer. La seule exception est l’Eswatini (anciennement Swaziland), un allié de Taïwan, pays avec qui Pékin a des relations tendues.
Une approche à rebours des USA et des atouts importants
Aucune date d’entrée en vigueur n’a pour l’heure été précisée, mais quoi qu’il en soit, cette initiative « Zéro tarif » chinoise se positionne aux antipodes du protectionnisme commercial du président américain Donald Trump, offrant une alternative aux pactes commerciaux conclus entre les pays africains et des puissances occidentales, tels que la Loi américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique (AGOA) et les accords de partenariat économique (APE) signés avec l’Union européenne.
L’exemption généralisée des droits de douane offerte par la Chine n’impose pas de conditions en matière de gouvernance ou de droits de l’Homme, et concerne non seulement les pays africains les moins avancés, qui bénéficiaient déjà depuis septembre 2024 d’un traitement tarifaire nul sur le marché chinois, mais aussi des pays revenu intermédiaire tels que l’Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Au-delà de la portée diplomatique et géostratégique de son initiative qui prend le contre-pied des USA, Pékin facilite la réduction de son excédent commercial colossal avec l’Afrique.
Sur le papier, son geste offre plusieurs opportunités aux économies africaines, notamment un accès élargi à un marché de plus de 1,4 milliard de consommateurs.
Auparavant soumis à des droits de douane chinois standards pouvant atteindre 25 %, les pays à revenu intermédiaire bénéficieront pour la première fois d’un accès à ce marché en franchise de droits de douane. Accessoirement, la politique « Zéro tarif » chinoise pourrait améliorer les marges de négociation des pays africains avec d’autres partenaires commerciaux. Lors d’une éventuelle négociation de nouvel accord commercial avec les USA ou de la révision des APE avec l’Union européenne, ces pays peuvent exiger des règles d’origine et conditions préférentielles plus favorables, en évoquant le précédent chinois.
Aligner les exportations sur la demande chinoise?
Force est cependant de constater que les exportations africaines vers la Chine restent pourvues par une poignée de pays, notamment l’Angola, la République démocratique du Congo et l’Afrique du Sud, et qu’elles sont composées essentiellement de matières premières comme le pétrole, les produits agricoles et les minerais. En conséquence, l’initiative de Pékin risque d’avoir un effet limité en matière de rééquilibrage des relations commerciales bilatérales, car des régimes tarifaires spécifiques existent déjà pour les matières premières.
Il s’agirait donc en premier lieu d’aligner les exportations sur les préférences en constante évolution des consommateurs chinois. Au-delà d’une simple augmentation de la production, ceci exige une approche fondée sur les données pour identifier les produits de niche à fort potentiel, tels que le café de spécialité, les noix de macadamia, les avocats et les minerais de transition. Il est tout aussi important de mettre à niveau les normes nationales et les systèmes de certification, afin de répondre aux exigences strictes de Pékin en matière de qualité, qui constituent souvent une condition préalable à l’entrée sur son marché.

Parallèlement, l’accès à des canaux numériques de vente au détail tels que Alibaba, JD.com et Pinduoduo, et une bonne connaissance des préférences en matière d’emballage, d’étiquetage et de paiement, seront utiles pour conquérir de nouveaux segments de marché et améliorer la visibilité des marques africaines. D’autre part, il est essentiel de renforcer les infrastructures de soutien à l’accroissement des flux commerciaux, comme les zones industrielles à proximité des ports, les liaisons ferroviaires intégrées, les ports secs et les réseaux d’entrepôts frigorifiques. De quoi rendre les exportations africaines plus compétitives sur un marché aussi lointain que la Chine.
Dans cette même optique, l’intérêt devrait se porter sur le renforcement des mécanismes de financement du commerce, comme l’assurance-crédit à l’exportation et les prêts commerciaux libellés en yuan renminbi chinois, afin de réduire les risques auxquels font face les exportateurs, et en particulier des petites et moyennes entreprises. Les pays africains gagneraient également à approfondir leur intégration régionale dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Celle-ci offre une plateforme pour consolider les marchés fragmentés, rationaliser les réglementations et mettre en place des réseaux de production à l’échelle continentale.
La promotion de chaînes de valeur régionales bâties par exemple autour d’un corridor de fabrication textile en Afrique de l’Est ou un pôle minier pour les batteries en Afrique australe, pourrait permettre une mise à l’échelle et une spécialisation, améliorant ainsi les profils commerciaux. La construction d’écosystèmes autour des principaux secteurs d’exportation encouragerait la production de valeur ajoutée.
Enfin, l’harmonisation des normes, de la documentation et des procédures frontalières entre les pays réduirait considérablement les charges administratives et les retards, alors que l’accélération de la digitalisation des systèmes douaniers et de transport permettrait d’acheminer efficacement les marchandises à travers les frontières.
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