Ethiopian Airlines, Une Exception Dans Le Ciel Africain

Ethiopian Airlines, Une Exception Dans Le Ciel Africain
Ethiopian Airlines, Une Exception Dans Le Ciel Africain

Africa-Press – Burkina Faso. Expansion de la flotte, méga-aéroport en construction, 60 millions de passagers en ligne de mire… Huit décennies après sa création, Ethiopian Airlines poursuit sa trajectoire ascendante. La compagnie nationale s’impose comme l’un des rares modèles de réussite publique dans le ciel africain.

Une exception dans l’aviation africaine. Avec 19 millions de passagers transportés en 2025, plus de 784 000 tonnes de fret et 7,6 milliards de dollars de revenus, Ethiopian Airlines Group confirme chaque jour sa domination du ciel continental. Bien qu’elle appartienne entièrement au gouvernement éthiopien, Mesfin Tasew, le directeur général du groupe depuis 2022, aime à rappeler qu’Ethiopian Airlines fonctionne « comme une entité commerciale ». « Ethiopian Airlines Group est la plus grande compagnie aérienne d’Afrique et nous offrons un service de transport aérien ininterrompu sur le continent sous la devise de rassembler les Africains et de les rapprocher du monde », a-t-il promu le 3 novembre dernier à Paris dans le cadre du Forum européen sur l’investissement en Éthiopie, aux côtés de Gedion Timotheos, ministre des Affaires étrangères, et de Ahmed Shide son homologue des Finances.

Ce dernier a même rappelé aux potentiels investisseurs que la notation financière du transporteur – bien que celle-ci soit gardée confidentielle – était meilleure que celle de son pays: Fitch a récemment maintenu Addis-Abeba dans la catégorie « défaut restrictif (RD) », dans une note publiée le 5 novembre.

Boeing, allié quoiqu’il en coûte

« Les perspectives de croissance [d’Ethiopian Airlines] sont très positives. L’Éthiopie est un leader de l’industrie aéronautique en Afrique, Addis-Abeba est une plaque tournante de ce secteur », martèle Ahmed Shide. Forte d’une flotte de 145 avions – dont 122 Boeing – la compagnie espère générer 29 milliards de dollars de revenus annuels et figurer parmi les vingt premières compagnies mondiales. Pour atteindre cet objectif, le pavillon éthiopien ambitionne de multiplier par quatre le nombre de passagers transportés par ses avions. La flotte existante devrait rapidement évoluer pour atteindre 356 avions en 2040.

Pour y parvenir Ethiopian Airlines compte sur Boeing, son fournisseur de toujours dont il est le principal client. Recourir à ce constructeur, qui a installé ses bureaux africains à Addis-Abeba, n’est pourtant pas de tout repos pour la compagnie. Ces dernières années, des grèves internes, des défauts de qualités à régler sur les fuselages du 737 MAX et des crises au sein des propres fournisseurs de Boeing ont découlé sur des retards de production et donc de livraison.

Résultat, Ethiopian attend encore 53 des 88 avions commandés ces dernières années, dont une dizaine de gros-porteurs. En novembre 2024, Mesfin Tasew estimait que l’Américain « dormait » et que ces retards compromettent son plan d’expansion à long terme, dans un contexte de demande en forte augmentation. S’il ne tourne pas le dos à Boeing, le dirigeant a néanmoins indiqué dans une interview accordée à Reuters en juin, qu’il envisageait de se fournir en avions chez Airbus et Embraer.

Les deux groupes sont également liés par le crash du vol ET 302 d’Ethiopian en mars 2019 qui a fait 157 victimes. L’appareil, un B737 MAX 8, s’est écrasé à Bishoftu 6 minutes après son décollage. « Quand le crash du Max est survenu, tout le monde était surpris parce qu’Ethiopian a justement une très bonne réputation en matière de rigueur opérationnelle et de conformité. Très vite, on s’est rendu compte qu’il y avait un problème avec Boeing et que Ethiopian était victime dans cette affaire », relate Sylvain Bosc. Ethiopian – qui a perdu huit membres d’équipage dans cette catastrophe – ressort indemne en termes de réputation de cet accident. Il est en effet ressorti de l’enquête que les pilotes de la compagnie avaient tout fait pour sauver l’avion – en vain, car sa conception était en cause.

En dépit de ces difficultés, Ethiopian Airlines reste fidèle au constructeur avec qui elle entretient un partenariat historique. Créé en 1945, sous l’impulsion du dernier empereur d’Éthiopie, Hailé Sélassié, Ethiopian Airlines s’est construite grâce à un partenariat avec la société américaine Trans World Airlines (TWA). Sa raison d’être était de moderniser et d’ouvrir au monde ce pays à la topographie complexe.

Initialement, les pilotes et techniciens du pavillon éthiopien étaient principalement américains, mais dès les années 1950, un programme rapide d’« éthiopianisation » a permis à des cadres locaux de prendre la relève. Ce transfert de compétences, rythmé par de nombreuses formations technique et managériale, a assuré une stabilité que peu d’autres compagnies africaines ont connue, et ce, malgré les crises politiques et les changements de régimes. Les récents conflits armés dans le pays, notamment dans la région du Tigré, ont néanmoins découlé sur des suspensions de vols entre 2020 et 2022. Ethiopian, qui affirme officiellement que ces crises n’ont pas affecté ses opérations, n’a publié aucun chiffre concernant les répercussions de ce conflit sur son activité.

Une stratégie d’expansion fondée sur l’infrastructure

Outre l’extension de sa flotte, l’un des grands chantiers contemporains d’Ethiopian Airlines est le renforcement de ses capacités d’accueil sur son hub d’Addis-Abeba. Malgré un investissement de près d’un demi-milliard de dollars ces cinq dernières années de la part du groupe Ethiopian Airlines, l’espace disponible sur l’aéroport international de Bole ne permet plus d’extensions. « Il n’a pas été pensé d’emblée pour être un « super connecteur » comme l’aéroport d’Istanbul ou celui de Dubaï. C’est logique pour Ethiopian Airlines de suivre la même voie avec un aéroport conçu sur mesure », estime Sylvain Bosc, directeur général d’Avico et expert aérien. C’est la raison pour laquelle, la compagnie a décidé de construire un méga-aéroport à Bishoftu, à 45 kilomètres d’Addis-Abeba. Développé sur 3 500 hectares, ce projet comprendra deux terminaux et deux pistes, pour une capacité initiale de 60 millions de passagers, extensible à 110 millions.

Le site, situé à une altitude plus basse que Bole, offrira de meilleures conditions opérationnelles. « Nous avons décidé de développer un nouvel aéroport par nécessité. […] Il sera développé en deux phases et conçu comme une véritable ville aéroportuaire », a précisé Mesfin Tasew. Le coût de cette infrastructure est estimé à 10 milliards de dollars, dont 20 % doit être apporté par la compagnie. Sa mise en service est prévue pour la fin de 2029. Bole sera affecté aux vols locaux et à l’aviation privée, dès la fin des travaux du nouveau hub de la compagnie. Dans l’opération, Ethiopian Airlines a dû investir 750 millions de dollars afin de réinstaller en moins d’un an environ 2 500 agriculteurs.

Une compagnie devenue groupe international

Depuis 2017, Ethiopian Airports fait partie intégrante du groupe, aux côtés de huit autres unités stratégiques couvrant le transport de passagers, le fret, la maintenance (MRO) des appareils, la formation, l’hôtellerie et le tourisme. Cette intégration verticale permet au groupe de contrôler l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur aérien, tout en générant des revenus additionnels via des services rendus à d’autres compagnies africaines (Air Burkina et Air Côte d’Ivoire pour la formation des pilotes) et moyen-orientales (Saudia Airlines pour la maintenance au sol).

Au cours de l’exercice 2023-2024, les filiales les plus performantes du groupe ont été l’aviation internationale, qui représente 67 % du chiffre d’affaires global (plus 4,72 milliards de dollars), suivie du cargo et de la logistique (1,68 milliard de dollars) et les vols intérieurs (240 millions de dollars).

Ethiopian Cargo dessert 69 destinations en Afrique et traite 1 million de tonnes de fret avec 17 avions spécialisés. Le groupe emploie plus de 20 000 personnes, ce qui en fait le principal employeur du pays. En 80 ans, il a largement modernisé sa flotte et professionnalisé ses équipes, avec des directeurs généraux nommés par le Premier ministre et pour l’essentiel issus de promotion interne, chacun laissant sa marque.

C’est le cas de Tewolde Gebremariam, en poste de 2011 à 2022. Sous sa direction, le chiffre d’affaires annuel est passé de 1 milliard à 4,5 milliards de dollars. La flotte a été multipliée par quatre, passant de 33 à 130 appareils, tandis que le nombre de passagers a bondi de 3 millions à 12 millions avant la pandémie de COVID-19. « Les autorités Éthiopiennes font très attention à nommer des dirigeants compétents, lesquels peuvent prendre des décisions opérationnelles nécessaires sans interférence de l’État, assure Sylvain Bosc. Le conseil d’administration fixe ou valide quant à lui les grandes orientations stratégiques du groupe ». Parallèlement, le groupe a investi plus de 700 millions de dollars dans des infrastructures clés, notamment le plus grand hôtel d’Afrique, mais aussi un nouveau terminal de fret à Addis-Abeba, des hangars de maintenance, une académie d’aviation ainsi que des simulateurs de vol complets pour ses pilotes.

Au fil de son développement, le groupe Ethiopian Airlines Group a étendu ses intérêts à l’international. Il détient des participations dans quatre compagnies africaines: Asky au Togo (40 %), Zambia Airways (45 %), Malawian Airlines (49 %) et Air Congo. Ces filiales, résultant souvent de partenariats public-privé, permettent à Addis-Abeba d’accélérer ses ambitions de devenir le hub principal du continent. Ces alliances régionales ont permis à Ethiopian Airlines de créer un réseau aérien unique en Afrique, reliant plus de 130 destinations mondiales dont 63 en Afrique, un record sur le continent. Une stratégie bienvenue, qui lui permet de prévenir la concurrence des compagnies issues du Golfe comme Emirates, Turkish Airlines ou Qatar Airways, malgré leurs flottes plus grandes et leur puissance financière.

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