Grippe Espagnole: Génome Reconstruit AprèS 100 Ans

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Grippe Espagnole: Génome Reconstruit AprèS 100 Ans
Grippe Espagnole: Génome Reconstruit AprèS 100 Ans

Africa-Press – Burundi. Il est parfois difficile de faire la lumière sur le passé. C’est le cas lorsque la science essaye de travailler sur certains génomes historiques, à l’instar de la grippe espagnole. Les virus à ARN, comme ceux de la grippe, se décompensent rapidement et posent des difficultés coriaces pour les faire parler. Mais pour la première fois, une équipe est parvenue à séquencer une souche suisse de la grippe espagnole, vieille de plus de 100 ans.

« Cela a été une surprise totale », se souvient le Dr Christian Urban, spécialisé en génomique à l’Université de Zurich (Suisse) auprès de Sciences et Avenir et premier auteur de l’étude publiée dans la revue BMC Biology. « Nous avons prélevé trois poumons et trois foies datant de 1918 de la collection médicale de l’Institut de médecine évolutive de Zurich. » A l’origine, le chercheur pensait travailler sur des cas de pneumonie et d’hépatite. « Mais l’un des poumons s’est révélé positif à la grippe espagnole de 1918 ! » Sans attendre, l’équipe séquence le virus pour en révéler les secrets. « Et tout de suite, nous nous apercevons qu’il comporte trois mutations clé », s’enthousiasme le chercheur.

Trois mutations dès le mois de juillet 1918

L’apparition de la grippe espagnole n’est pas clairement documentée. En Europe, dès 1916 et 1917, une « pneumonie » fait des ravages en France, précipitant vers le décès des ouvriers et des soldats d’origine indochinoise. Mais sur le continent, la grippe espagnole, surnom donné à la pandémie de grippe A H1N1, n’est documentée pour la première fois qu’en avril 1918 à Rouen. L’épidémie se répand alors en Grande-Bretagne en mai, puis aux Etats-Unis, en Italie et en Allemagne au mois de juin. « En Suisse, elle a fait sa première vague au mois de juillet 1918. Le virus avait donc déjà eu le temps de s’adapter à son nouvel hôte, l’Homme », explique le Dr Urban.

En comparant la souche suisse avec une souche allemande et une souche nord-américaine, les chercheurs ont constaté l’apparition de trois nouvelles mutations. Les deux premières concernent les interactions avec le système immunitaire de leur hôte. « Ce sont des mutations très classiques dans les zoonoses, les maladies infectieuses qui se transmettent de l’animal à l’humain. Elles permettent d’infecter plus facilement les malades. » La troisième mutation, elle, concerne une protéine située à la surface du virus. « Elle a pour conséquence de faciliter le passage du virus des oiseaux vers les Hommes. C’était tout à fait dingue de découvrir tout cela en l’espace de deux semaines ! »

Un ARN difficile à reconstruire

Après cette vague du mois de juillet, la Suisse et plus largement l’Europe connaîtront encore deux vagues. La plus meurtrière d’abord, celle de l’automne 1918 ; puis celle du début d’année 1919. En tout, la pandémie a fait plus de 50 millions de morts dans le monde, selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). 2,3 millions de personnes seraient décédées en Europe, dont 25.000 en Suisse (et 400.000 en France selon de récentes estimations). Si la recherche a déjà largement documenté la dynamique du virus à travers le monde et la sévérité des vagues de contamination, l’adaptation du virus et ses mutations ont encore peu été traitées.

Le chercheur insiste sur la rareté d’un tel résultat. En effet, au contraire des adénovirus, responsables du rhume et composés d’ADN stable, les virus de la grippe portent leurs informations génétiques sous forme d’ARN. Or ce dernier se dégrade bien plus rapidement. « Il n’est préservé sur de longues périodes que dans des conditions spécifiques. C’est pour cela que nous n’avons pas tant de souches séquencées du virus de la grippe de 1918 », détaille le chercheur. C’est seulement grâce à des méthodes très spécifiques de récupération d’ADN ancien que cette prouesse a été possible. « Pour les autres souches, on faisait un séquençage classique, morceau par morceau. En tout, il fallait découper le virus en 8 ! » Pour faire parler certaines maladies du passé, il ne reste aujourd’hui que les collections d’échantillons des muséums d’histoire naturelle et écoles de médecine. Un patrimoine crucial pour en savoir plus sur les pandémies passées… et nous armer pour celles à venir.

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