
Africa-Press – Cameroun. Investir au Cameroun) – Face à la décision de Gaz du Cameroun (GDC) de maintenir la hausse de 20% des prix du gaz à usage industriel, en dépit du rejet de cette décision par le Groupement des consommateurs du gaz à usage industriel, d’une part, et malgré l’injonction du gouvernement d’y surseoir en attendant de se conformer à la réglementation sur l’homologation préalable des prix, d’autre part, les clients de GDC semblent ne pas vouloir lâcher du lest. Dans une nouvelle lettre adressée le 26 juin 2023 à la filiale locale de l’opérateur pétro-gazier britannique Victoria Oil & Gas (VOG), le Groupement des consommateurs du gaz à usage industriel engage un bras de fer avec leur fournisseur.
« Vous nous avez fait parvenir un courrier le 10 juin 2023 nous notifiant le maintien de l’augmentation de 20% sur le prix du gaz naturel ; et vos clients que nous sommes vous avions signifié l’impact très négatif que ce changement apportera sur le fonctionnement de nos entreprises. (…) Nous sommes disposés à continuer de payer nos factures selon les taux appliqués en fin mai 2023, c’est-à-dire sans aucune augmentation, et ceci conformément aux instructions du ministre du Commerce, dans son courrier qu’il vous a dressé le 30 mai dernier et réitéré le 14 juin 2023. Par conséquent, si vous maintenez cette augmentation de 20% dans vos prochaines facturations, nous vous paierons les valeurs de nos consommations dénuées de toute hausse de prix », peut-on lire dans la lettre.
Le courrier est signé par les dirigeants de sept entreprises, parmi lesquelles des mastodontes de l’industrie camerounaise. C’est, par exemple, le cas de la Société anonyme des Boissons du Cameroun (SABC), filiale du groupe Castel qui contrôle plus de 80% du marché brassicole dans le pays, après le récent rachat des actifs de Guinness Cameroun. Parmi les signataires de cette correspondance, on retrouve également l’Union camerounaise des brasseries (UCB) ; le chocolatier Chococam, filiale locale du groupe sud-africain Tiger Brands ; le producteur de pâtes alimentaires Panzani ; la Société camerounaise de transformation de blé (SCTB) ; le producteur de sel Sasel et Agrocam, le leader de la filière avicole dans la zone Cemac.
Homologation préalable des prix
En clair, ces entreprises n’ont pas l’intention de payer les coûts supplémentaires induits par la hausse des prix du gaz naturel annoncée depuis le 15 mai 2023, pour entrer en vigueur à compter du 1er juin 2023. GDC explique cette première augmentation en 10 ans par l’explosion de ses coûts de production, en raison de la conjoncture sur le marché international, marquée notamment par la hausse des cours des matières premières et du fret, consécutivement à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Sauf que pour le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, cette décision unilatérale de la filiale camerounaise de VOG n’est pas conforme à la loi, qui impose une homologation préalable des nouveaux prix par le gouvernement. En effet, en son article 115, alinéa 2-a, le décret d’application du Code pétrolier du 4 mai 2023 stipule que « le prix du marché des hydrocarbures gazeux vendus sur le marché domestique est soumis à la procédure d’homologation préalable par le ministre chargé des prix », qui est le ministre du Commerce dans le cas présent.
En fait d’homologation, il s’agit pour l’opérateur économique désireux de revaloriser ses prix de les soumettre préalablement à l’approbation du gouvernement, avec tous les éléments justificatifs de l’augmentation sollicitée. En fonction des contingences et des éléments justificatifs, le gouvernement peut alors simplement rejeter le projet, réduire la proportion de l’augmentation, ou alors l’approuver intégralement.
Explosion des coûts de production
Pour rappel, l’augmentation plutôt significative des tarifs du gaz naturel destiné à alimenter les principales usines de production de la capitale économique du Cameroun survient après l’extension au gaz naturel, de la taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP). Contenue dans la loi de finances 2023 de l’État du Cameroun, cette extension impose depuis janvier 2023 aux entreprises consommatrices de gaz industriel de payer au fisc une taxe de 70 FCFA pour chaque mètre cube de gaz consommé.
Dans le même temps, depuis janvier 2023, l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel) a également revu à la hausse de près de 30% les tarifs de l’électricité pour les clients « grands comptes », vocable regroupant les entreprises industrielles réputées énergivores. À cela, il faut ajouter l’augmentation depuis février 2023 des prix du super, du gasoil et du pétrole lampant utilisé par les industriels. Sur ces sources d’énergie, la proportion de l’augmentation des prix varie entre 15,8% et 36,5%.
Cette explosion des coûts de l’énergie dans le secteur industriel au Cameroun depuis le début de l’année 2023 devrait avoir pour conséquence une augmentation beaucoup plus importante des coûts de production des entreprises. En 2022, ces coûts ont connu leur plus forte progression depuis 6 ans, atteignant 13,3% selon l’Institut national de la statistique (INS).
Brice R. Mbodiam
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