Cameroun – Litige foncier : Le conservateur foncier de Kribi (Sud) procède à la ré-immatriculation des parcelles litigieuses sur instructions de «Yaoundé»

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Cameroun – Litige foncier : Le conservateur foncier de Kribi (Sud) procède à la ré-immatriculation des parcelles litigieuses sur instructions de «Yaoundé»
Cameroun – Litige foncier : Le conservateur foncier de Kribi (Sud) procède à la ré-immatriculation des parcelles litigieuses sur instructions de «Yaoundé»

Africa-PressCameroun. La ville de Kribi, cité balnéaire au Sud du Cameroun, polarise l’actualité nationale ces derniers, pas tant pour son côté pittoresque objet de tourisme, mais pour des micmacs autour du foncier désormais parmi les plus gros scandales de la République. On n’en finit pas de parler des litiges relevant du domaine du foncier. Et il y en a parmi les plus médiatisés du moment qui connait même jusqu’à l’intrusion des pouvoirs publics. Il s’agit de celle opposant le sieur Pierre Orly Tantchou à la communauté Moudjibouri au sujet de l’annulation du titre foncier n°361/O, ayant entrainé par ricochet l’annulation du titre n°1043, sur lequel Pierre Tantchou a obtenu un certificat de propriété en 2019, conforté par une sentence de la Cour Suprême rendue en sa faveur dans cette procédure contre la communauté susmentionnée, et réhabilitant le titre foncier n°361/O, annulé le 4 octobre 2016 par l’ancienne ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, Jacqueline Koung A Bessike, de regretté mémoire.

Décisions, contre-décisions

Le successeur de cette dernière, Henri Eyebe Ayissi, s’appuyant sur une autre décision de la Cour Suprême, rendue en mars dernier, laquelle s’appuie sur une décision rendue par le tribunal administratif d’Ebolowa, a autorisé le délégué départemental des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, de procéder à une ré-immatriculation des parcelles issues du titre foncier n°361/O. La haute juridiction se dédisant au passage dans une affaire sur laquelle elle avait déjà tranché en juin 2019.

En exécution de ces instructions, et en s’appuyant miraculeusement sur une décision d’une juridiction inférieure vainement opposable à celle rendue préalablement par la Cour Suprême en 2019, le conservateur foncier de Kribi, le nommé Christian Emmanuel Nna Alene, a été enjoint d’initier une opération de ré-immatriculation des parcelles issues du titre foncier mère, parmi lesquelles celle appartenant à l’opérateur économique Pierre Tantchou. Un lot sur lequel Christian Nna Alene avait lui-même délivré un certificat de propriété à son propriétaire le 31 octobre 2019, et dans lequel il est spécifié que celui-ci a acquis un « immeuble urbain non bâti » érigé sur le titre foncier n° 1043, « par donation entre vifs de monsieur Tantchou Pierre (le géniteur de l’autre), suivant acte n°2.286 reçu le 30 avril 2025 par maitre Berthe Mine N. Ndoum, notaire à Kribi ».

Instructions de « Yaoundé »

« J’ai reçu des instructions de ma hiérarchie

, se défend le conservateur. Ma hiérarchie m’avait instruit de procéder aux nouvelles immatriculations, parce qu’il y a une décision du tribunal d’Ebolowa qui annulait le titre 361 en septembre 2019. Mais en novembre 2020, le titre foncier a été réhabilité. On était un peu surpris de cette décision. Mais il y a eu tierce opposition et sur la base de cette tierce opposition, je suis allé rencontrer ma hiérarchie qui a demandé de surseoir. Ce n’était plus possible de ré-immatriculer. Malheureusement ou heureusement, en mars, il y a eu un arrêt de la Cour suprême du 24 mars précisément, qui confirme l’annulation du titre foncier 361. Rendu là, avec l’instruction de Yaoundé, j’étais obligé d’avancer », a confié le conservateur dans le quotidien La Nouvelle Expression du jeudi 17 juin 2021.

Henri Eyebe Ayissi a en effet enjoint son représentant au niveau du département de l’Océan, dans une lettre datée du 22 avril 2021, de procéder à la ré-immatriculation de ces parcelles au bénéfice de la collectivité « Moudjibouri », alors que celles-ci appartiennent à des tiers, et immatriculées depuis 1976. Il s’agit d’au moins 6 hectares de terrain au lieu-dit Ebome, dans l’arrondissement de Kribi 1er, département de l’Océan, région du Sud, avec façade maritime.

Au demeurant, le conservateur foncier de Kribi a bien conscience qu’il est pris dans l’étau d’une maffia au sein de laquelle un rôle d’exécutant lui a été attribué, et se contente de jouer ce rôle au risque de représailles. «Vous voyez que le pauvre conservateur que je suis, ne peut pas se mettre à dos la Cour Suprême. Je ne pouvais qu’avancer, surtout que le ministre a donné des instructions, d’appliquer la décision (celle rendue par la Cour suprême le 24 mars 2021, et contraire à la première qu’elle avait rendue le 12 juin 2019, NDLR) et de faire inscrire de nouveaux titres fonciers», argumente-t-il. La quarantaine de propriétaires du TF n°361/O, de guerre lasse, ont fini par abandonner à l’aune des menaces attentant parfois à leurs vies.

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