Africa-Press – Cameroun. Soumise à un ralentissement économique d’une ampleur historique et significative, la Chine se trouve dans une position délicate, marquée par une baisse substantielle des échanges commerciaux et une réduction des prêts accordés. Dans cette conjoncture, l’Afrique émerge comme la première victime collatérale.
Secteur immobilier en berne, demande décroissante pour ses produits manufacturés, tensions commerciales internationales exacerbées par une fragmentation géoéconomique grandissante… Depuis plusieurs semaines, la Chine fait face à plusieurs défis simultanés qui affectent lourdement son économie et, par effet domino, l’économie du monde entier. Fitch Ratings, l’agence de notation américaine, a réagi en ajustant à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2024, soulignant l’ampleur de l’impact.
Principal partenaire commercial
Les conséquences de cette crise sont particulièrement ressenties dans les pays exportateurs majeurs comme l’Australie, la Russie ou le Brésil, à la suite de la réduction des importations chinoises de presque 10 % au dernier semestre de 2023 par rapport à l’année précédente. Cependant, c’est en Afrique que les conséquences pourraient être les plus graves. Depuis plus de vingt ans, l’« usine du monde » a tissé des liens économiques étroits avec cette région, devenant son principal partenaire commercial.
Cette relation se traduit par l’acquisition – par Pékin – d’un cinquième des exportations africaines, principalement des métaux, minerais et combustibles, et, à l’inverse, par la fourniture d’une large part des équipements et biens manufacturés importés par les pays africains.
Le Fonds monétaire international (FMI) a mis en lumière les implications de cette interdépendance, avertissant en 2023 que « le ralentissement économique en Chine pèsera spécifiquement sur la croissance de l’Afrique subsaharienne ». Selon les projections de l’institution, la Chine devrait voir sa croissance annuelle moyenne réduite à environ 4 % à horizon 2030, en baisse par rapport aux 7 % de la décennie précédente. Or, toujours selon le FMI, un recul d’un point de la croissance chinoise pourrait se traduire par une baisse de 0,25 point dans la croissance moyenne de l’Afrique subsaharienne. Ainsi, le continent sera négativement affecté à hauteur de 0,75 point dans les années à venir.
Les pays exportateurs de pétrole, tels que l’Angola et le Nigeria, seraient les premiers touchés par cette situation.
Immobilier qui s’écroule
Pékin a longtemps capitalisé sur le dynamisme de son secteur immobilier (qui représente environ un tiers de son PIB) pour stimuler son développement économique. Toutefois, dans le climat actuel, se reposer sur cette industrie relève de l’impossible. Des groupes immobiliers comme Evergrande, font face à d’énormes dettes (plus de 300 milliards de dollars) après avoir surexploité la facilité de crédit et la tendance des investisseurs chinois à privilégier l’immobilier. Pour se situer, en Chine, 80 % de la richesse des ménages est investie dans l’immobilier, et 20 % des actifs boursiers sont liés à l’immobilier, contre 5 % aux États-Unis.
Cette approche a engendré une surabondance de projets et de ventes d’appartements, parfois avant même leur construction, conduisant à l’abandon de nombreux chantiers.
Pour autant, la situation économique actuelle en Chine ne présente pas, selon les experts, les mêmes risques qu’a connus Lehman Brothers. La solidité des grandes banques chinoises, avec des bilans financiers plus robustes que ceux des banques américaines affectées par les faillites passées, diminue la probabilité d’un effondrement similaire. De plus, le système financier chinois est structuré différemment par rapport au modèle américain, notamment au niveau des prêts hypothécaires à haut risque. Cette différence structurelle suggère que la crise chinoise est peu susceptible d’avoir un impact mondial directement comparable au fiasco des Subprimes en 2008. Par contre, les conséquences se reflètent déjà sur l’évolution et la rapidité de la reprise économique.
Baisse des prêts en Afrique
Au cours de la dernière décennie, l’investissement massif de la Chine, dépassant mille milliards de dollars dans des projets d’infrastructure mondiaux, a marqué son initiative ambitieuse « la Ceinture et la Route ». Cette stratégie a impliqué plus de 150 pays, recevant des financements et des technologies chinoises pour le développement de routes, aéroports, ports maritimes et ponts. Cependant, depuis 2020, les prêts chinois ont connu un net recul, affectés par les répercussions financières de la pandémie de Covid-19 et le changement de cap politique du gouvernement de Xi Jinping.
Selon le Global Development Policy Center de l’Université de Boston, les prêts souverains chinois en Afrique ont chuté à des niveaux non observés depuis 2004, se stabilisant autour d’un milliard de dollars annuellement depuis deux ans. Cette baisse notable fait suite à un pic historique de 28 milliards de dollars en 2016, principalement attribuable aux prêts substantiels à l’Angola. Un vrai coup dur pour le continent puisque Pékin est son premier créancier public bilatéral.
En juin 2023, lors de la troisième Exposition économique et commerciale Chine-Afrique les décaissements de prêts ont été réduits de moitié avec des projets signés pour environ 10 milliards de dollars, contre 20 milliards lors de l’édition 2019. Parallèlement, la nature des prêts a également évolué. Les prêts de la Banque chinoise de développement (BCD) ont drastiquement diminué, avec un seul projet de 15 millions de dollars au Sénégal entre 2021 et 2022.
Depuis les nouvelles priorités énoncées par Xi Jinping lors du congrès des Nouvelles routes de la soie en 2021, la Chine privilégie désormais des prêts plus petits, ne dépassant pas 50 millions de dollars, et ciblant des projets avec des retombées économiques, environnementales et sociales positives, ainsi qu’une portée politique significative. Cette approche marque un tournant vers des investissements qui se veulent « plus durables et responsables ».
Source: JeuneAfrique
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