Les 10 péchés du Camerounais

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Les 10 péchés du Camerounais
Les 10 péchés du Camerounais

Africa-PressCameroun. Malgré ses richesses (ressources humaines et ressources naturelles), le Cameroun reste un pays sous développé qui traine plusieurs tares. Franck ESSI fait la psychanalyse des peuples camerounais et liste une dizaine de caractéristiques qui retardent le Cameroun

CamerounWeb vous propose l’intégralité de la tribune de Franck ESSI

Le Cameroun, par son potentiel tant humain que naturel est un pays béni des dieux. En tant que pays, nous sommes enviés pour le dynamisme et l’entreprenariat de nos populations, l’intelligence et les talents divers de nos élites, la richesse et la diversité de nos ressources du sol et du sous – sol ainsi que pour notre position géographique exceptionnelle.

Malgré ces atouts et cette richesse potentielle significative, on peut se demander pourquoi « l’Afrique en miniature » que nous sommes ne produit pas les changements et le développement attendus.

Sans doute, il y a un problème de leadership politique et de gouvernance. Leadership et gouvernance qui ne sont manifestement pas conformes aux normes démocratiques et patriotiques d’une part, alignés sur des exigences d’intégrité et d’efficacité d’autre part.

Si l’on convient que le développement est l’ensemble des changements mentaux et sociaux qui rendent une population apte à faire croitre cumulativement et durablement des richesses, il est important de s’arrêter un moment pour examiner certains éléments de nos mentalités et de nos comportements qui pourraient expliquer un tel état des choses.

Sans être exhaustif, nous nous proposons de revenir sur quelques éléments qui, de notre point de vue, font partie du problème et pourraient expliquer cette marche lente et chaotique vers le développement que connait notre pays.

On pourrait bien sûr rallonger ou raccourcir cette liste. Mais l’essentiel, c’est de tenter de saisir ce qui dans nos pensées et nos agissements doivent être abandonnés si nous espérons produire le changement et le développement dans notre pays.

1- Le mépris pour l’intérêt général

Nombreux sommes – nous qui sommes incapables de nous poser la question : qu’est – ce qui serait bien pour toute la communauté ? Qu’est – ce qui serait bien pour la majorité des personnes favorisées ? Qu’est – ce qui serait bien pour le pays ?

La plupart du temps, nous sommes convaincus que l’intelligence consiste à défendre d’abord et surtout son intérêt personnel au détriment de l’intérêt général.

Dans la sphère privée comme publique, le réflexe dominant chez les gens en fonction, c’est le contournement des règles dans le but d’accroitre notre avoir et notre pouvoir personnels. Très peu sont les personnes capables de nous dire ce que signifie l’intérêt général.

Ce mépris pour l’intérêt général se manifeste aussi par la dynamique d’implosion que constituent les revendications régionales et communautaires. Au lieu de poser des problèmes généraux, en vue de construire l’ensemble du pays, on pose mal des problèmes réels en les ramenant aux seuls intérêts spécifiques à une région ou une communauté.

Tant que nous ne sommes pas capables de définir clairement, de mettre à jour régulièrement et d’appliquer majoritairement ce que nous considérons être l’intérêt général ou les intérêts communs, nous n’irons nulle part.

Au lieu de se poser la question : « Qu’est – je gagne ? Qu’est – ce que notre communauté gagne ? », nous pouvons et devons-nous poser la question : « Qu’est – ce qui serait profitable pour tous ? Qu’est – ce qui permettrait à tout le monde d’avoir le minimum qui permette de vivre à l’aise, de vivre une vie décente ? ». Ainsi, on éviterait et atténuerait la guerre de tous contre tous qui semble avoir cour dans ce pays.

2- L’incapacité à travailler ensemble et dans la durée pour défendre un intérêt commun

Peu importe le domaine, que ce soit en politique, dans les affaires, dans le domaine sportif, la presse, les associations, les syndicats,etc, les camerounais.es en majorité ne savent pas faire bloc et faire foule pour défendre les intérêts communs.

Tout se passe comme si les gens préfèrent être propriétaires exclusifs d’une petite entreprise qui leur rapporte 100 f cfa que d’être actionnaires d’une entreprise qui leur fait gagner individuellement 1000 f cfa.

Au lieu d’assister au rapprochement et à la fusion des initiatives pour créer des entités plus fortes, on assiste plutôt à la division et la multiplication de sous – entités qui sont toutes très faibles face aux enjeux et défis clés.

Nous nous révélons être des personnes qui sont individuellement talentueuses et porteuses de projets intéressants. Nous sommes cependant incapables la plupart du temps de nous mettre ensemble pour faire avancer nos intérêts communs. Nous n’arrivons pas à créer de grands partis politiques, de grandes entreprises, de grands médias, de grands festivals culturels, etc. Quand il nous arrive de le faire, le problème réside dans le caractère ponctuel et éphémère de telles initiatives.

Et pourtant, c’est l’union qui fait la force. C’est la synergie qui augmente les chances de succès. C’est la collaboration permanente dans le respect de tous.es qui faciliteront l’avènement des changements et du développement tant souhaités.

3- La mentalité de la rareté ou le sentiment qu’il n’ y en aura jamais assez pour tout le monde

Nombreux sommes – nous à nous comporter comme s’il n’y en avait pas assez pour tout le monde. Nous agissons comme s’il n’y a pas assez d’argent pour tous.es, pas de possibilités de succès pour tous.es, pas de fonctions dignes et respectables pour tous.es, pas d’opportunités pour tous.es. Au lieu de chercher à fructifier et partager ce qui existe, on se préoccupe plutôt de s’accaparer indûment des biens disponibles en vue de nous prémunir des futures catastrophes.

Au lieu de se poser la question « Comment ajouter à ce qui existe ? », on pense plutôt « Comment j’enlève et je préserve ma part avant que tout se gâte ? ». Dans cette optique, nous sommes convaincus que demain sera sans doute pire qu’aujourd’hui, qu’il est plus sage de penser d’abord à soi et ne pas perdre son temps à faire grandir ou fructifier pour le bien de tous.es ce que nous avons en reçu en héritage. Avec un tel arrière-plan mental et psychologique, on ne construit rien.

La volonté de tout ramener à soi

Un autre problème est le fait que nous préférons détruire une initiative si elle n’est pas portée par nous.

Ce trait de mentalité renvoie à cette citation de J. P Claretie : « Ceux qui font quelque chose ont contre eux, ceux qui font la même chose, ceux qui font le contraire et la grande majorité, ceux qui ne font rien. » On observe dans bien des cas que nombreux sommes – nous à préférer « gâter » les choses tant que nous ne sommes pas à la tête ou les principaux bénéficiaires.

Si tout le monde n’est pas derrière nous, rien ne doit avancer. Moi ou rien. Moi ou le chaos. Dans cette optique, on veut que les gens soient derrière nous et non que tout le monde soit derrière une cause. Le « Moi d’abord » prime sur « La Cause » qui est synonyme de « Nous d’abord ».On veut gagner plus que les autres, en prenant la part des autres et en méprisant la contribution des autres. Ce qui est le contraire même du changement et du développement.

5- La « soupçonnite » ou méfiance viscérale à l’égard des autres

Ici, c’est l’habitude ou la tendance à rechercher et à ne voir que le mal chez les autres. Quand les autres font bien, ils font semblant. Quand ils font mal, c’est leur vraie nature. Dans cette logique, l’enfer c’est les autres. Ce qui nous conduit à vivre dans le soupçon et la méfiance permanente à l’égard des autres. Cette tendance est la matrice de toutes sortes de préjugés. Elle entretient, amplifie et propage le tribalisme, la xénophobie et le racisme.

Dans une telle optique, la confiance devient impossible. Ce qui rend également improbable toute alliance durable et toute action commune pour la défense d’un intérêt général ou commun qui, n’existe pas.

6 – le culte voué au matériel au détriment du spirituel et de l’idéal

On méprise de plus en plus le savoir. On adore de plus en plus l’avoir et le pouvoir. Sous un tel prisme, l’indicateur le plus probant de possession de l’avoir et du pouvoir, c’est le matériel. Cette situation est causée, entretenue et amplifiée par la trahison et la sécession des fausses élites. Dans un environnement capitaliste et consumériste, ces dernières ont depuis longtemps vendu leur âme au diable. Au lieu de servir le peuple et les intérêts fondamentaux de la nation, elles ont accumulé uniquement le savoir en vue de l’avoir et du pouvoir. L’estomac a pris le dessus sur le cœur et le cerveau. Le ventre et las bas – ventre ont vaincu la tête.

Aujourd’hui, on préfère être bête mais riche plutôt que sage et modeste. Sous une telle perspective, le but de la vie, c’est n’est pas une quête du Bon, du Beau, du Bien, du Vrai et de l’Utile. C’est d’abord l’accumulation maximale des biens matériels et la jouissance continue de toutes sortes de plaisirs.Tout ce qui ne sont pas des dispositions favorables au changement et au développement de notre société.

7- la corruption comme nouvelle norme et style de vie

Très souvent, nous avons l’impression que l’honnêteté et l’intégrité sont considérés comme des délits au Cameroun. Des délits sociaux. Ceux et celles qui s’efforcent de l’être sont considérés comme des personnes qui manquent d’intelligence. Les gens qui refusent la corruption sont moqués, mis en minorité et combattus. Ce qui compte, c’est d’amasser rapidement et autant que possible de l’argent, peu importe les voies et moyens que l’on mobilise.

L’argent, à la fois carburant et finalité de la corruption, devient l’indicateur absolu de tout : beauté, intelligence, succès et autorité.Sur de telles bases, le changement et le développement collectifs deviennent des mots sans attrait et sans substance.

8 – la mentalité du « passager clandestin » ou refus d’assumer une quelconque responsabilité

Ici, le trait de mentalité consiste à se considérer comme non responsable. On veut voyager vers le changement et le développement sans en payer le prix.Le prix de la citoyenneté étant de s’informer intentionnellement et régulièrement sur ses droits et devoirs, se former sur son rôle social, s’organiser individuellement et collectivement, agir pour jouer son rôle et pousser les autres à jouer le leur.

On ne veut prendre aucun risque. Partout et en tout temps, on veut seulement profiter. Et quand les choses se gâtent, on s’organise pour aller vivre dans des pays bâtis et construits par des personnes qui ont acceptés de payer le prix du changement et du développement. Avec cette mentalité, beaucoup de personnes naissent, grandissent et se déploient pour aller vivre et mourir ailleurs faute de travailler à faire de leur pays un eldorado.

9 – Le culte du raccourci et du superficiel

Aujourd’hui, on veut tout avoir ici et maintenant. On ne sait plus se projeter dans le moyen et le long terme. On est dans le règne de la satisfaction immédiate et du buzz permanent. Avec ça, on préfère les apparences à la réalité. L’image du pays est plus importante que la réalité des fléaux du pays. Non, il ne faut pas dénoncer et exposer nos tares au reste du monde. Brûler le drapeau est plus grave que tuer des innocents. C’est plus grave de brûler le drapeau que de violer la Constitution. Insulter le Président de la République est plus grave que détourner impunément les fonds publics. Les clashs et les éclats de voix sur les scandales sont préférés à une discussion polie et profonde sur les problèmes de fond de nos sociétés. Les divertissements sont préférés à l’apprentissage et la formation continue. La majorité de personnes font semblant de travailler. La contrefaçon, la contrebande et la fraude règnent en maitre. Autant d’images, d’exemples et de clichés qui démontrent que l’on se refuse de plus en plus à traiter les vrais problèmes et de ce fait à s’obliger à des solutions.

10- L’inconséquence

Nous disons vouloir le changement, mais nous ne voulons pas changer. Nous voulons des dirigeants honnêtes mais nous célébrons et accueillons dans nos villages et communautés ceux et celles que nous savons malhonnêtes et corrompus. Plus grave, nous tolérons et pratiquons la malhonnêteté dans nos propres familles et associations.

Nous disons qu’il nous faut être forts et unis face aux étrangers mais nous sommes plutôt forts à nous affaiblir. Ce qui pourrait plutôt faire notre force et notre unité, à savoir le renforcement de la justice et de l’équité, nous le bafouons. Nous semons chaque jour les graines du tribalisme, de la corruption, de l’individualisme, de la résignation et de l’ignorance. Mais nous espérons que, comme par magie, nous aurons un pays uni avec des populations intègres, solidaires, engagées et patriotes.

Bref, nous disons des choses auxquelles nous n’adhérons pas vraiment. Nos paroles ne sont pas en accord avec nos actes sur de nombreuses questions essentielles de la vie de nos sociétés. Et c’est en ceci que réside l’inconséquence. Vouloir une chose, s’étonner et s’offusquer de ne pas l’avoir alors que nos actes et nos comportements n’y concourent pas radicalement. Et pourtant, on ne construit pas une société en or avec des individus en plomb. Le Cameroun ne sera pas plus avancé que les Camerounais.es. Pour que le Cameroun change et se développe, il faudra qu’une masse critique de citoyens.es camerounais.es agissent pour le changement et le développement.

Allumons nos cerveaux.

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