Africa-Press – Cameroun. Les multiples travaux de recherche sur le microbiote intestinal l’ont hissé au rang de célébrité. Si vous cherchez à briller lors du prochain réveillon de Noël, il vous faudra peut-être une autre piste, et pourquoi pas: le mycobiome nasal. Derrière ce terme se cache l’ensemble des espèces fongiques présentes sur les parois du nez. Son origine étymologique est issue du grec ancien μύκης (mukēs), « champignon », et « biome » dérivé du grec βίος (bíos), qui signifie « vie ». « De nombreuses études ont analysé le rôle des populations microbiennes dans le développement des maladies allergiques, mais on sait peu de choses sur les populations fongiques du nez et sur leur association potentielle avec les maladies inflammatoires allergiques », déplore Luis Delgado, chercheur à l’université de Porto, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. Avec son équipe, il a mis en évidence les traces de différentes populations de champignons chez les personnes atteintes d’asthme et de rhinite allergique. Leur mycobiome est bien plus diversifié que celui des individus sains. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la revue Frontiers in Microbiology.
Asthme et rhinite allergique sont souvent associés
L’asthme touche entre 2,5 et 3 millions de personnes en France. Dans cette pathologie, les voies respiratoires sont obstruées suite à une inflammation locale et un épaississement des parois des bronches. « Chez les adultes, dans 1 cas sur 2, l’asthme est d’origine allergique. Ce taux atteint 80 % pour les enfants », ajoute l’Assurance maladie. Mais pourquoi ? L’inflammation est souvent déclenchée par des facteurs allergènes tels que les pollens, la fumée de tabac ou la pollution de l’air. Ce sont des cellules immunitaires, les éosinophiles, qui lancent le signal d’alarme et induisent une hyperréactivité des bronches. « On assiste à une inflammation rapide et prolongée des voies respiratoires », souligne l’auteur de l’étude. Les éosinophiles sont d’ailleurs la cible de traitements à anticorps monoclonaux, des molécules immunitaires qui engendrent leur mort.
Les chercheurs ont analysé les champignons présents sur les parois nasales d’enfants et de jeunes adultes. « Nous avons recruté de jeunes patients souffrant de rhinite ou d’asthme, ceux que l’on rencontre généralement dans toute clinique ambulatoire spécialisée dans les soins aux allergiques. Il s’agit principalement de patients sensibilisés aux acariens, aux pollens, aux squames de chat ou de chien par exemple », raconte Luis Delgado. Les scientifiques ont ainsi prélevé le mycobiome de plus de 300 participants, à l’aide d’écouvillons nasaux. Près de la moitié souffraient d’asthme, de rhinite allergique ou, pour la plupart des deux pathologies. L’autre moitié constituait le groupe témoin d’individus sains.
Des champignons allergènes et opportunistes
Dans les échantillons, les auteurs n’ont pas cherché à identifier directement les espèces fongiques, mais des molécules clés, révélatrices de l’activité des champignons: les purines. « On a analysé leurs empreintes en quelque sorte, illustre le chercheur. Chez les champignons pathogènes de l’humain, les purines sont essentielles dans divers processus tels que la réception des signaux, le métabolisme énergétique et la synthèse de l’ADN. » Ils ont alors identifié les signatures correspondant à différentes espèces de champignons.
Résultat: les mycobiomes nasaux sont essentiellement composés de deux groupes de champignons (Ascomycota et Basidiomycota) et de 14 genres, dont 71 % ont été détectés à une fréquence significativement plus élevée chez les patients atteints de rhinite allergique et d’asthme par rapport aux témoins sains. Parmi ces genres dominants, les scientifiques identifient des champignons communs, tels que Penicillium, Aspergillus, Candida ou Malassezia, qui sont reconnus chez l’humain comme des champignons allergènes ou opportunistes.
« Il existe des différences significatives dans l’abondance de la plupart des principales espèces fongiques identifiées dans le nez des patients atteints de rhinite allergique, avec ou sans asthme associé », résume-t-il. Leur mycobiome se distingue tant sur le plan de sa composition que de sa structure. Ses fonctions métaboliques sont différentes, tout comme les connexions qu’ils engagent entre les populations.
Mais ces différences sont-elles la cause ou la conséquence de la rhinite et de l’asthme ? Pour répondre à cette question, il reste à identifier l’évolution de ces champignons au fil du temps. Dans leur étude, les chercheurs de l’Université de Porto ont réalisé les prélèvements à un instant t, mais une étude longitudinale leur permettrait peut-être d’identifier des liens de causalité entre les populations fongiques et les pathologies. Une des hypothèses consiste à penser que ces champignons affectent l’environnement immunitaire du nez. « Si les prochaines études confirment ce lien et identifient les processus impliqués, il pourrait s’agir d’une future cible thérapeutique pour le traitement ou le diagnostic, » concluent les auteurs.
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