Africa-Press – Cameroun. Une crise politique inédite secoue les hautes sphères du pouvoir camerounais, révélant des fractures profondes au sein même du camp présidentiel. L’échec cuisant de Jacques Fame Ndongo à faire annuler un meeting politique dans l’Extrême-Nord met en exergue les jeux d’influence et la hiérarchie parallèle qui structure le pouvoir camerounais.
« Vous ne vous êtes pas demandé comment l’injonction de Fame Ndongo n’a pas fonctionné à l’Extrême-Nord? Il a demandé que le meeting n’ait pas lieu. […] Le ministre d’État Fame Ndongo est qui dans l’Extrême-Nord? Il n’est rien là-bas », a déclaré sans détour Pierre Blériot Nyemeck lors de l’émission LIBRE EXPRESSION sur Info TV.
L’affaire met en évidence l’existence de fiefs politiques au sein même du parti au pouvoir. Alors que Fame Ndongo, ministre d’État et membre influent du bureau politique du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), avait formellement instruit l’annulation d’un meeting partisan, sa directive s’est heurtée à un mur d’indifférence dans l’Extrême-Nord.
Le meeting s’est finalement tenu sous la présidence de Cavayé Yéguié Djibril, président de l’Assemblée nationale, démontrant clairement les limites de l’autorité du ministre. « Cavayé Yéguié Djibril y était lui-même pour diriger le meeting. Donc vous vous imaginez que le président de l’Assemblée nationale dirige le meeting et on vient lui dire qu’il y a un ministre… Fame Ndongo n’est rien pour Cavayé », analyse Pierre Blériot Nyemeck avec une franchise déconcertante.
Cette confrontation indirecte révèle une réalité peu évoquée dans les médias officiels: l’Extrême-Nord constitue le fief incontesté de Cavayé Yéguié Djibril, un bastion que nul ne saurait contester, pas même un ministre d’État. « L’Extrême-Nord appartient à Cavayé, l’Assemblée nationale aussi. Qui est Fame Ndongo? », poursuit Nyemeck, mettant en évidence cette hiérarchie parallèle au sein de l’appareil d’État.
Selon plusieurs analystes politiques, cette friction illustre parfaitement le fonctionnement réel du pouvoir camerounais, où l’influence s’exerce davantage par des réseaux de loyauté régionale que par les titres officiels. Fame Ndongo, malgré son portefeuille ministériel, a découvert à ses dépens l’existence de ces frontières invisibles mais bien réelles.
Cette humiliation publique d’un membre éminent du gouvernement soulève des questions quant à la cohésion du camp présidentiel à l’approche d’échéances politiques importantes. Si les ministres d’État eux-mêmes voient leurs directives ignorées, c’est toute la chaîne de commandement politique qui pourrait s’en trouver fragilisée.
« Il peut faire ses choses-là à Owona Nguini, mais pas à Cavayé », conclut Nyemeck, suggérant que certaines personnalités politiques peuvent être intimidées par Fame Ndongo, mais certainement pas le président de l’Assemblée nationale, qui dispose de sa propre base de pouvoir.
L’incident rappelle avec force que la carte du pouvoir au Cameroun ne correspond pas nécessairement à l’organigramme officiel. Les observateurs y voient un signal d’alarme pour l’exécutif, confronté à ces baronnies locales dont l’influence pourrait s’avérer déterminante dans les années à venir.
Cette affaire offre un éclairage rare sur les dynamiques internes du pouvoir camerounais et suggère que les fissures au sein du camp présidentiel pourraient être plus profondes qu’il n’y paraît. Reste à savoir si cette confrontation indirecte entre deux poids lourds du régime aura des répercussions durables sur l’équilibre politique national.
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