La Météo Agricole, L’Outil Clé des Récoltes

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La Météo Agricole, L'Outil Clé des Récoltes
La Météo Agricole, L'Outil Clé des Récoltes

Africa-Press – Cameroun. Pour les vacanciers, la météo estivale c’est la promesse de voir un grand soleil avec des températures clémentes. Pour l’agriculteur, elle est bien plus qu’un simple bulletin: c’est une information déterminante pour lancer les récoltes, ajuster l’irrigation ou choisir le moment le plus opportun pour les traitements phytosanitaires. D’où un besoin crucial d’outils fiables et performants.

Ainsi connaissez-vous peut-être l’application La météo agricole, laquelle compte, outre le trafic sur son site en libre accès, 12.000 abonnés. Et elle est loin d’être la seule: rien qu’en France, il existe une dizaine de plateformes et d’applications d’agrométéorologie. Parmi les plus connues, les outils et services météo experts pour l’agriculture de Météo France, ceux de Sencrop, de Frogcast (une émanation indirecte du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) ou encore de Weenat. Avec des abonnements annuels qui vont de 39,49 € pour La météo agricole à plus de 500 euros pour Sencrop, dotée de l’option pilotage des fongicides sur vigne !

« Le réel intérêt de ces applications pour les agriculteurs et les coopératives agricoles est d’améliorer leurs conditions d’intervention dans leurs exploitations, en particulier pour tout ce qui a trait à l’irrigation et à l’application de produits « , assure Geoffroy Gilot, conseiller spécialisé au sein de la coopérative Océalia (sous contrat avec Sencrop depuis 2019).

Toutes les plateformes et applications d’agrométéorologie s’appuient sur les mêmes modèles de prévision météorologique que ceux utilisés pour établir la météo grand public. Il en existe une quarantaine, dont 12 globaux à l’image du modèle américain GFS (Global forecast system), l’un des plus utilisés, du modèle européen ECMWF (European centre for medium-range weather forecasts), de l’allemand Icon, ou encore Arpege de Météo France. Chaque modèle découpe le territoire en mailles qui vont de 30 kilomètres à 1 kilomètre environ. Plus la maille est petite, plus les calculs demandent du temps et de la puissance. C’est pourquoi les modèles météo sont coûteux et complexes à développer, et les opérateurs peu nombreux.

Là où l’agrométéorologie se distingue, c’est « dans l’application qui en est faite et dans les données regardées, explique l’ingénieur Mathieu Regimbeau, responsable de l’équipe d’agrométéorologie de Météo France. Prenez la température: pour le grand public, elle va correspondre à un indicateur pour déterminer comment s’habiller. Pour les agriculteurs, elle permet de caractériser l’impact sur la croissance des plantes. Entre certaines dates clés de la croissance des cultures, nous allons pouvoir modéliser leur évolution en cumulant les températures depuis leur semis jusqu’à la date du jour et ainsi connaître leur niveau de stade cultural ou stade phénologique.  »

Les modélisations vont aussi servir à caractériser le risque de gel printanier, indicateur clé pour les arboriculteurs et les viticulteurs, ou à évaluer les risques de températures trop élevées. Les agrométéorologues peuvent notamment modéliser les risques d’altération de la qualité du grain et de la production en combinant le nombre de jours échaudants (lorsque les températures dépassent les 25 °C en juin) et la variété à contrôler.

De même pour les précipitations, le vent ou l’ensoleillement. « Savoir qu’il va pleuvoir est loin de suffire aux agriculteurs. Ils ont besoin d’en connaître la quantité et surtout d’avoir une vision en continu avec la quantité de précipitations cumulées sur les derniers jours, précise Mathieu Regimbeau. Pour le monde agricole, il faut une météo sans interruption et en mesure d’agréger les jours passés et les prochains. »

Des référentiels possédant 30 années de données

« La météo agricole, c’est aussi une météo contextualisée, souligne Martin Ducroquet, cofondateur de Sencrop. Les agriculteurs vont s’attarder sur des données météo différentes selon le contexte de leur culture et selon le moment de l’année. C’est particulièrement vrai pour prévenir le gel, l’arrivée de maladies ou la force des vents.  » Une culture maraîchère sous serre sera ainsi peu sensible au vent, alors qu’une grande céréale sera exposée à un risque de verse selon son stade phénologique.

Concrètement, les applications de météo agricole fournissent donc les données de température heure par heure et sur plusieurs jours, d’humidité, de vent, le point de rosée, l’évapotranspiration potentielle, le rayonnement solaire global, le cumul de précipitations sur le mois écoulé ou encore le déficit hydrique à 30 jours. Et, selon les abonnements choisis, elles apportent des conseils sur les bonnes fenêtres pour intervenir: pulvérisation, protection contre le gel, irrigation, récolte…

Spécialisés par filières de production, les 19 instituts techniques agricoles français privés s’emploient à apporter des solutions opérationnelles et durables aux agriculteurs et aux filières. Dans ce cadre, ils fournissent des modèles de prévision agronomique. Arvalis, l’institut technique des grandes cultures et fourrages, diffuse par exemple des modèles « protection des céréales » pour prévenir les risques de maladies fongiques. L’Institut français de la vigne et du vin (IFV) a développé des modèles « potentiels systèmes » pour lutter contre le mildiou, l’oïdium ou le black rot. Ces modèles reposent sur un référentiel météorologique possédant au moins trente années de données. « Ce référentiel est différent pour chaque vignoble, explique l’IFV. Car 10 mm de pluie en Champagne n’ont pas le même effet sur le mildiou que 10 mm à Gaillac.  »

Caractériser les calamités agricoles

Si l’agrométéorologie a pour rôle principal d’accompagner les agriculteurs et de leur permettre d’anticiper des actions dans leurs exploitations, elle constitue également un instrument pour aider le ministère de l’Agriculture à caractériser les calamités agricoles. « Qu’il s’agisse d’un gel printanier extrême, d’un excès en eau anormal, d’une sécheresse ou d’un orage de grêle inhabituels, Météo France et nos services utilisent les données météo et territoriales pour juger l’événement à la demande du ministère, explique Mathieu Regimbeau. Si une calamité agricole est caractérisée, alors les agriculteurs peuvent déposer un dossier pour être indemnisés. » L’importance de la météo se conjugue aussi au passé.

Pour être précise, l’information doit être « ultralocale »

« Nous intégrons d’un côté les prévisions météo et de l’autre les modèles agronomiques pour les croiser et finalement aider les agriculteurs à prendre des décisions d’intervention et de manipulation éclairées « , explique Nicolas Potier, chef de produit données chez Sencrop. De même, les fournisseurs de données et services agrométéorologiques s’appuient sur des modèles de calcul existants pour fournir des indicateurs comme le point de rosée ou l’évapotranspiration potentielle, qui permettent d’estimer les besoins en eau d’une plante à partir de données météo. « Nous pouvons ainsi renseigner les agriculteurs sur les quantités d’eau à apporter à leurs parcelles et quand intervenir en cas de risque de développement de maladies ou d’attaques de parasites « , précise Mathieu Regimbeau. Car le traitement des cultures dépend aussi des conditions météorologiques. Humidité insuffisante, température de l’air trop élevée, vents supérieurs à 19 km/h peuvent nuire à l’efficacité des produits ou à la sécurisation de leur application.

Reste que pour être précise, l’information doit être également « ultralocale ». La plupart du temps, l’échelle communale ne suffit pas. « Entre deux exploitations séparées d’un kilomètre, certaines conditions peuvent être différentes en raison du relief notamment « , signale Mathieu Regimbeau. Pour augmenter la précision, les fournisseurs de services d’agro-météorologie comparent les modèles de prévisions et intègrent en plus des données d’observation en temps réel.

Un réseau de 20.000 stations météo déployées en France

« Nous travaillons avec des modèles globaux tels que l’ECMWF dont les mailles mesurent 9 km, et d’autres en appoint « , révèle Damien Gentilleau, fondateur de La météo agricole. Pour contenir les coûts, il n’intègre que les données des stations météo en accès libre, telles celles des aéroports. De son côté, Météo France s’appuie sur 25 satellites météorologiques, des avions, des ballons-sondes, des bouées, 39 radars météo ou encore 2000 stations autonomes de métropole et d’outre-mer. Ils alimentent ses modèles d’un million et demi d’observations par heure ! « Cette approche nous permet d’avoir un jeu de données météo complet de qualité identique à celle d’une station qui serait implantée sur la parcelle de l’agriculteur qui a recours à nos services « , explique Mathieu Regimbeau.

Chez Sencrop, le modèle est encore différent. L’entreprise s’appuie d’un côté sur la comparaison de 40 modèles de prévision et de l’autre sur un réseau de 40.000 stations météo déployées à l’échelle européenne, dont 20.000 en France ! Installée par un agriculteur ou une coopérative, chacune permet de mesurer la température, l’humidité, l’hygrométrie du sol jusqu’à 50 cm ou encore la vitesse du vent. Les données remontent toutes les 15 minutes. « Cela nous permet de comprendre ce qui se passe à 1,5 mètre du sol sur un maillage très dense, ponctue Martin Ducroquet. Et la comparaison de tous les modèles de prévision nous permet d’établir leur pertinence en fonction de chaque indicateur et des échelles de temps de prévision.  » « Nos utilisateurs gagnent ainsi en moyenne 15 % de fiabilité sur leurs prévisions, ce qui peut être crucial « , insiste Nicolas Potier.

De nouveaux gains en précision sont à prévoir. Chez Météo France, les 21,48 pétaflops de puissance de calcul de ses deux supercalculateurs (Belenos et Taranis) alliés aux données et à la qualité d’image de Météosat 3e génération, placé en orbite en décembre 2022, vont bientôt permettre d’améliorer la résolution du modèle Arome à 500 mètres ! Sans compter l’arrivée annoncée de l’intelligence artificielle. Elle est par exemple testée chez Sencrop pour prédire la pluie tombée ou la température d’une zone non couverte par des stations. Mais pour l’heure, aucune application ne l’a encore intégrée.

Évaluer l’impact du changement climatique

Si la météo est l’évaluation du temps qu’il fait ou qu’il va faire à très court terme, le climat fait, lui, référence à une moyenne des conditions météorologiques sur une longue période. Les climatologues utilisent généralement des périodes dites de référence de 30 ans. « Aujourd’hui, grâce à la quantité de données accumulées depuis plus de 30 ans, nous sommes aussi en mesure de modéliser le changement climatique sur la base de scénarios de réchauffement global d’ici à 2100 « , explique Mathieu Regimbeau, agrométéorologue à Météo France.

Accessible librement pour la filière agricole, le service Climatdiag permet d’évaluer la vulnérabilité des pratiques et des territoires au changement climatique pour plus de 200 indicateurs ciblés par production agricole (grandes cultures, élevage, arboriculture…) et sur un maillage de 8 km par 8 km. Les résultats sont disponibles pour poser un diagnostic selon trois scénarios de réchauffement fixés par la Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc): +2 °C, +2,7 °C et +4 °C. Les professionnels de la viticulture, par exemple, peuvent quantifier et visualiser l’évolution du risque de gel tardif pour la vigne, l’évolution du déficit hydrique sur le cycle cultural ou encore l’évolution de la disponibilité thermique liée à chaque cépage.

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