Africa-Press – Cameroun. Dans la touffeur de la nuit amazonienne, les senteurs de la végétation tropicale emplissent l’atmosphère ce 12 août, sur le site d’observation Toucan du Centre spatial guyanais (CSG), à Kourou. Dans les faisceaux des projecteurs, des nuages d’insectes sont régulièrement dispersés par le vol rapide de chauves-souris tandis que se découpe au-dessus de l’horizon une imposante lune rousse. A 21h37 (02h37 heure de Paris, dans la nuit du 13 août), les hauts-parleurs retransmettent le décompte final avant que ne s’allument le moteur Vulcain et les deux boosters d’Ariane 6, le nouveau lanceur de l’Agence spatiale européenne (ESA). Une grande partie du ciel s’illumine tandis qu’une boule de feu s’élève vers l’espace. Avec quelques secondes de retard, le bruit intense des moteurs se propage jusqu’au site de Toucan où sont réunis une centaine de membres des équipes impliquées dans l’événement. La nuit est si transparente que la séparation du deuxième étage est clairement visible, ainsi que la redescente des boosters sur fond de ciel étoilé ! « Dix ans de travail, et tout s’est joué en une poignée de minutes », s’exclamera plus tard un ingénieur italien ayant participé au projet.
Le deuxième vol commercial d’Ariane 6
Revoir le lancement (à partir de 27’30 »):
Pour son deuxième vol commercial, Ariane 6 a ainsi placé à environ 800 km d’altitude, en orbite polaire, le satellite MetOp-SG-A1, développé conjointement par Eumetsat, l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques, et l’ESA. Il s’agit du premier exemplaire d’une nouvelle génération de MetOp, des satellites météorologiques européens lancés entre 2006 et 2016, qui fournissaient depuis lors des données météorologiques et de surveillance du climat.
Dès 2011, cependant, il a été décidé de développer une seconde génération de ces satellites, afin d’améliorer la précision des prévisions météorologiques à dix jours et une meilleure connaissance des évolutions climatiques. Pour cela, MetOp-SG-A1, un vaisseau spatial de 4,4 tonnes et 7 mètres de long, emporte six instruments d’imagerie et de sondage atmosphérique opérant dans le visible, l’infrarouge et les micro-ondes.
L’un des instruments les plus imposants par sa masse de 430 kg se dénomme IASI-NG (Interféromètre Atmosphérique pour le Sondage Infrarouge Nouvelle génération) et a mobilisé de nombreux chercheurs français. Ce sondeur dans l’infrarouge, qui promet d’être deux fois plus précis que son prédécesseur, doit fournir notamment les températures de l’atmosphère, de la surface des océans et des continents, ainsi que les teneurs en nombreux composés chimiques, gaz à effet de serre, poussières désertiques, cendres volcaniques, etc. « Au sein du laboratoire Latmos [Laboratoire atmosphères et observations spatiales, NDLR], nous sommes une équipe de 15 chercheurs à travailler sur les gaz importants pour la pollution, explique Cathy Clerbaux, physicienne de l’atmosphère au CNRS. Le dioxyde de carbone, par exemple, permet de suivre les fumées des feux qui affectent le Canada actuellement et traversent l’océan pour finir par atteindre l’Europe. Cela permet notamment d’alerter quand de tels épisodes de pollution touchent la France ».
« Ouvrir un nouveau monde des prévisions météorologiques »
L’autre instrument clé de MetOp-SG-A1 est Sentinel-5 A, un élément du programme Copernicus d’observation de la Terre de la commission européenne. Ce spectromètre est dédié à l’étude, à l’échelle mondiale et avec un taux de revisite de 24h, des principaux polluants atmosphériques et des gaz à l’état de traces dans l’atmosphère, tels que l’ozone, le dioxyde d’azote, le dioxyde de soufre, le formaldéhyde, le monoxyde de carbone ou le méthane ainsi que sur les aérosols et le rayonnement ultraviolet. Autant d’éléments qui ont un effet à petite échelle sur l’air que nous respirons, et à grande échelle sur le climat. « L’analyse des gaz et des aérosols va ouvrir un nouveau monde des prévisions météorologiques, explique Phil Evans, directeur général d’Eumetsat. Et leur surveillance est cruciale aujourd’hui, sachant que la pollution en Europe cause 350.000 morts prématurées par an et que les canicules de 2022 ont entraîné la mort de 60.000 personnes ».
Cette seconde génération de MetOp, outre ses instruments bien plus performants, présente des différences importantes. D’abord, les satellites qui la composent ne sont pas tous identiques comme leurs prédécesseurs, mais vont fonctionner par paires successives composées de satellites différents. MetOp-SG-B1, dont les instruments complémentaires s’intéresseront plus spécifiquement aux dynamiques océaniques, aux précipitations, aux nuages et au vent doit ainsi rejoindre MetOp-SG-A1 en 2026.
« Il y aura ainsi 10 instruments qui vont travailler en synergie entre les deux satellites afin d’obtenir des prévisions météorologiques plus précises », souligne Simonetta Cheli, directrice des programmes d’observation terrestre à l’ESA. A terme, Eumetsat disposera de six satellites MetOp-SG en orbite, soit une constellation de trois binômes capables de fournir des données météorologiques en temps réel à l’échelle mondiale, afin notamment d’anticiper les événements météorologiques extrêmes pendant au moins les 20 prochaines années.
« Une autre nouveauté des satellites MetOp-SG, c’est que pour la première fois on va garder suffisamment de carburant pour opérer une rentrée contrôlée du satellite dans l’atmosphère, souligne Simonetta Cheli. Donc, sur les 750 kg de carburant embarqué, deux tiers – soit 450 kg – seront utilisés en fin de vie du satellite par propulseur supplémentaire qui le désorbitera afin qu’il brûle dans l’atmosphère, limitant ainsi les déchets spatiaux ».
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Cameroun, suivez Africa-Press