Africa-Press – CentrAfricaine. Des fois, on se dit que rien ne peut plus nous choquer dans ce pays. Qu’on a tout vu. Tout entendu. Et puis une histoire arrive, tellement absurde, tellement cruelle, qu’on se demande dans quel monde on vit.
Dans un pays normal, quand quelqu’un commet un crime, c’est lui qu’on arrête. Pas son père. Pas sa mère. Pas son voisin. Mais la Centrafrique n’est pas un pays normal. À Zémio, les FACA viennent de donner une nouvelle preuve de cette barbarie ordinaire qui gangrène l’armée.
À Zémio, dans le Haut-Mbomou, un jeune homme a volé une arme avec des munitions dans une caserne des FACA. Ce jeune n’était pas un inconnu pour eux. Au contraire. Il traînait avec les soldats. Il entrait chez eux. Il sortait. Les soldats le connaissaient si bien qu’il a pu prendre leur arme et partir sans que personne ne réagisse.
Finalement, quand les soldats ont réalisé que l’arme avait disparu, ils ont commencé à poser des questions. Les voisins leur ont dit: on a vu le jeune entrer chez vous et sortir avec quelque chose. C’est lui.
Les soldats ont lancé une chasse. Ils ont fouillé son quartier. Interrogé ses amis. Cherché dans tous les coins. Mais le jeune avait disparu. Peut-être dans la brousse. Peut-être dans un autre village. Impossible à dire.
Alors les soldats ont changé de tactique. Puisqu’ils ne trouvaient pas le fils, ils sont allés chercher le père.
Le père vit dans un autre quartier. Son fils est majeur. Il a sa propre maison. Sa propre vie. Le père ne sait pas ce qu’il fait. Où il va. Qui il fréquente. C’est un adulte indépendant.
Les soldats s’en fichent. Ils débarquent chez le vieux. Ils l’arrêtent. Et ils lui lancent un ultimatum: tu ne sors d’ici que quand tu nous ramènes ton fils avec l’arme.
Le vieux essaie d’expliquer. Mon fils n’habite pas chez moi. Il vit ailleurs. Je ne sais pas où il est. Je ne connais pas ses activités. Comment voulez-vous que je le trouve?
Et puis il pose la question qui fâche: si mon fils pouvait entrer dans votre caserne comme chez lui, prendre une arme et partir avec, ça veut dire que vous le connaissiez bien. Vous étiez habitués avec lui. Donc le problème, c’est vous. Pas moi. C’est à vous de le retrouver.
Le raisonnement est imparable. Logique. Juste. Comment un jeune peut-il entrer dans une caserne militaire, voler une arme chargée, et partir tranquillement si les soldats ne le connaissaient pas? S’ils n’avaient pas une certaine complicité avec lui? S’ils n’avaient pas été négligents?
Mais les soldats n’apprécient pas. Au lieu d’admettre leur part de responsabilité, ils s’énervent. Et ils commencent à frapper.
Ils tabassent le vieux. Le torturent. Pendant des heures. Parce qu’il a osé leur tenir tête. Parce qu’il a osé leur dire la vérité. Parce qu’il a osé refuser de porter le chapeau pour une histoire qui ne le concerne pas.
Et quand ils en ont fini avec lui, ils l’embarquent. Dans un avion de Wagner. Direction Bangui. Pour l’enfermer. Un vieil homme innocent qui n’a commis aucun crime. Qui ne sait même pas où se trouve son fils. Qui a juste eu le malheur d’être le père d’un jeune qui a volé une arme à des soldats trop négligents.
Les gens de Zémio se regardent et se demandent: quel crime ce vieux a-t-il commis? Qu’est-ce qu’il a fait pour mériter ça?
La réponse est simple: rien. Il n’a rien fait. Mais ici, ça ne compte pas. Ici, quand on ne trouve pas un suspect, on arrête sa famille. On torture ses proches. On les garde en otage jusqu’à ce que le suspect se rende. C’est une méthode de terreur. Une méthode pour forcer les gens à se dénoncer mutuellement. Une méthode digne des pires dictatures.
On dit partout que le crime est individuel. Que chacun est responsable de ses actes. Que personne ne doit payer pour les fautes d’un autre. C’est écrit dans toutes les constitutions. Dans tous les codes pénaux. C’est un principe universel du droit.
Mais en Centrafrique, ce principe n’existe pas. Ici, le fils vole, le père paie. Le frère tue, la sœur est arrêtée. Le voisin s’enfuit, tu es embarqué. C’est la justice collective. La punition collective. La barbarie collective.
Les gens qui vivent à l’étranger et qui suivent les nouvelles de la Centrafrique depuis leurs canapés confortables pensent peut-être que c’est un pays comme les autres. Avec des lois. Une justice. Un État. Mais non. Ce n’est pas un pays. C’est un territoire contrôlé par des hommes armés qui font ce qu’ils veulent. Des gangsters en uniforme. Des voyous avec des grades.
Un père qui ne connaît même pas les activités de son fils majeur se retrouve torturé et déporté à Bangui parce que ce fils a volé une arme à des soldats qui le fréquentaient. Le père a osé poser une question logique. Il a osé demander aux soldats d’assumer leur part de responsabilité. Et pour ça, il paie le prix fort.
Source: Corbeau News Centrafrique
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