Africa-Press – CentrAfricaine. L’accord de paix centrafricain paraphé le 19 avril 2025 entre Bangui et les groupes armés 3R et UPC est un exemple parfait de l’art de soigner les apparences sans toucher au fond. Ce document, négocié sous médiation tchadienne, promet cessez-le-feu, désarmement et intégration des rebelles dans l’armée nationale. Une recette éprouvée qui a déjà échoué plusieurs fois dans ce pays meurtri par des décennies de violences.
Les termes de cet accord de paix centrafricain suivent un schéma prévisible. Cantonnement des combattants en trois mois, désarmement en quinze jours, transformation des chefs de guerre en officiers respectables. Ces mesures techniques occultent volontairement les véritables moteurs du conflit: les rivalités ethniques et la course aux ressources naturelles qui déchirent la société centrafricaine depuis l’indépendance.
Les tensions communautaires ne figurent nulle part dans ce texte consensuel. Pourtant, l’antagonisme entre Peuls, chrétiens et musulmans alimente directement les recrutements des groupes armés. Ces fractures identitaires, entretenues par des générations de politiciens opportunistes, nécessitent un travail de réconciliation de longue haleine. L’accord de paix centrafricain de Ndjamena préfère ignorer cette réalité dérangeante pour se concentrer sur des aspects plus facilement négociables.
La dimension économique du conflit disparaît également des radars diplomatiques. Les 3R ne contrôlent pas l’Ouham-Pendé par idéalisme mais pour exploiter les mines d’or près de Bozoum et ailleurs. L’UPC domine certaines zones de la Basse-Kotto et de la Haute-Kotto pour les mêmes raisons prosaïques. Ces groupes fonctionnent comme des entreprises mafieuses dont la violence constitue le principal outil commercial. Leur transformation en gardiens de l’ordre public relève de la pensée magique.
L’intégration promise aux leaders rebelles dans les institutions traduit une conception archaïque de la paix. Cette politique du partage du gâteau entre élites armées récompense la rébellion et décourage l’engagement démocratique. Elle perpétue un système où seule la force ouvre les portes du pouvoir, condamnant le pays à revivre indéfiniment les mêmes tragédies sous des formes légèrement différentes.
Le calendrier fixé par les négociateurs révèle leur déconnexion du terrain. Comment cantonner des milliers de combattants dispersés sur un territoire immense quand l’État centrafricain peine à sécuriser sa propre capitale? Comment organiser un désarmement crédible sans moyens logistiques ni garanties sécuritaires? Ces questions pratiques, pourtant essentielles, ne trouvent aucune réponse satisfaisante dans le document final.
L’histoire centrafricaine regorge d’accords similaires qui ont produit des trêves temporaires avant que les violences ne reprennent avec une intensité renouvelée. Chaque cycle de négociations reproduit les mêmes erreurs: privilégier l’urgence sur la durée, les élites sur les populations, les symptômes sur les causes. Cette approche cosmétique satisfait les chancelleries occidentales sans résoudre les problèmes de fond.
La médiation tchadienne, bien qu’appréciable par son pragmatisme régional, ne peut suppléer aux carences de vision des protagonistes principaux. N’Djaména dispose certes d’une influence sur les groupes armés centrafricains, mais cette influence reste limitée face à des dynamiques internes complexes que seuls les Centrafricains peuvent dénouer.
Les défis structurels demeurent intacts. Comment construire une identité nationale inclusive dans un pays fragmenté ethniquement? Comment redistribuer équitablement des richesses naturelles considérables mais mal gérées? Comment édifier des institutions crédibles après des décennies de prédation? L’accord de paix centrafricain esquive ces interrogations fondamentales pour se cantonner dans l’immédiat et le superficiel.
Cette fuite en avant diplomatique condamne la Centrafrique à reproduire mécaniquement le même scénario: signature d’accords en grande pompe, mise en œuvre chaotique, retour progressif aux violences. Les populations civiles, otages de ces jeux d’élites, continuent de payer le prix fort d’une instabilité organisée par ceux-là mêmes qui prétendent la combattre.
L’accord de paix centrafricain signé à N’Djaména ne constitue qu’un nouvel épisode de cette tragédie à répétition. Sans courage politique pour s’attaquer aux racines du mal, sans vision à long terme pour réconcilier les communautés, sans stratégie économique pour partager les richesses, ce document rejoindra bientôt la longue liste des occasions manquées qui jalonnent l’histoire mouvementée de ce pays au potentiel immense mais constamment gâché….
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