Afrique-France : pas de « sentiment anti-français » dans les affaires ?

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Afrique-France : pas de « sentiment anti-français » dans les affaires ?
Afrique-France : pas de « sentiment anti-français » dans les affaires ?

Africa-Press – CentrAfricaine. Non, le sentiment anti-français qui sévit en Afrique, et surtout dans les pays francophones du continent, n’a pas eu de conséquences économiques manifestes. Plus étonnant encore, alors que les réactions de rejet à l’égard de la France n’ont cessé de se multiplier ces derniers mois, d’après le baromètre Africaleads 2022, publié en mars de cette année par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), l’image et l’impact de la France et de ses entreprises se sont améliorés aux yeux des leaders d’opinion africains.

En l’espace d’un an, l’Hexagone a gagné une place dans le classement, en passant de la 7e à la 6e position des pays les plus appréciés, par rapport à l’année dernière. Devant la France, les États-Unis, la Chine, le Japon, le Canada et l’Allemagne occupent les cinq premières places du classement.

Léger rebond
D’après un rapport de 2021 publié par le ministère français du commerce, l’Afrique représente uniquement 5,3 % du commerce extérieur de la France. Un ratio qui a presque été divisé par deux en quinze ans. Les pays francophones du continent sont d’ailleurs les moins enclins à travailler avec la France : ils ne rassemblent que 0,6 % des échanges mentionnées. Les pays du nord (Maroc, Algérie et Tunisie) sont plus actifs à cet égard que les pays subsahariens, avec la Côte d’Ivoire et le Sénégal comme principaux partenaires commerciaux de la France dans cette région.

L’année 2021 a toutefois été marquée par une augmentation de 10 % des échanges (4,6 milliards d’euros) entre la France et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) par rapport à 2020. Mais selon les données du Trésor public, les trois pays avec qui la France échange le plus sont l’Afrique du Sud (2,6 milliards d’euros en 2021), le Nigeria (3,35 milliards d’euros) et l’Égypte.

De nombreuses explications
Pour le président de la Cian, Étienne Giros, interrogé par Jeune Afrique, il faut prendre les chiffres démontrant la baisse des interactions économiques entre la France et l’Afrique avec des pincettes. D’après ses dires, « l’impact économique de la France n’a pas réellement été divisé par deux », car plusieurs éléments entrent en jeu, et le sentiment anti-français n’en n’est pas un.

LES ENTREPRISES FRANÇAISES SONT EXONÉRÉES DU SENTIMENT ANTI-FRANÇAIS

« Le sentiment anti français joue très peu dans la baisse des interactions économiques avec la France. C’est plutôt une question de débat intellectuel et politique. Or, les entreprises françaises sont exonérées de ce sentiment », explique-t-il. Pour appuyer ses propos, le patron de la Cian explique que les entreprises françaises créent beaucoup de filiales en Afrique, et que ces dernières n’entrent pas en compte dans les statistiques douanières. « Prenez TotalEnergies, Orange, et même Bolloré, ces multinationales françaises ont créé grand nombre de filiales en Afrique », indique-t-il pour illustrer sa démonstration, en ajoutant qu’ »a contrario, les Chinois, qui créent peu d’entreprises locales, travaillent surtout par le biais de l’import-export, ou de projets ponctuels. »

Le dernier Rapport 2022 sur l’investissement dans le monde de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), publié le 9 juin, vient étayer ces propos, puisque les plus gros détenteurs d’actifs étrangers en Afrique sont le Royaume-Uni (65 milliards d’euros) et la France (60 milliards d’euros).

Rude concurrence
Une autre raison qui expliquerait le déclin des relations économiques France-Afrique : la mondialisation. En vingt-cinq ans, l’Afrique s’est ouverte au monde et n’interagit plus uniquement avec les anciennes puissances coloniales, mais aussi avec de nouveaux acteurs, à l’instar des Chinois, des Turcs, des Indiens, ou plus récemment des Malais.

Comme l’a souligné Étienne Giros, « l’impact du digital dans le milieu des affaires a lui aussi totalement bouleversé les comportements et ouvert la voie à de nouvelles opportunités. Dans ces conditions il est tout à fait normal que les acteurs qui étaient dominants voient leur position changer.

Nouvelle stratégie
D’après le ministère des Affaires étrangères français, l’Afrique, qui perçoit environ un tiers de l’Aide publique au développement (APD) bilatérale française (environ 12 milliards d’euros par an, et 3 % du budget de l’État), « est au cœur de la politique de développement française ».
Mais cette stratégie semble de plus en plus obsolète, à en croire les propos du président de la Cian, qui considère qu’il faut « donner une place plus importante aux entreprises, qui sont la première source du développement puisque ce sont elles qui créent de la richesse et de l’emploi, tout en étant les premières sources d’impôts. Plutôt que de soutenir exclusivement les programmes publics (Sénégal Emergent, Plan national de développement de la Cote d’ivoire etc.), les dispositifs d’aide devraient aussi se tourner largement vers les entreprises ».

Un constat partagé par Franck Paris, conseiller Afrique du président Macron, qui indiquait dans une récente publication avoir constaté que « l’attente se situe désormais davantage du côté de l’investissement privé. L’aide publique au développement doit de plus en plus servir à dérisquer l’investissement dans le secteur privé africain, parce qu’aujourd’hui, il y a encore une forme de timidité des investisseurs et des entreprises occidentales à venir en Afrique. »

En tournée au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau la semaine dernière, le président français a déclaré qu’il appartenait aux Français « d’être meilleurs, plus efficaces » en Afrique. Dans cette optique, l’Élysée veut de plus en plus miser sur la jeunesse africaine et les nouvelles technologies. Le « New Deal » économique et financier Europe-Afrique annoncé en décembre dernier par Emmanuel Macon a, selon ses termes, pour objectif de « refonder en profondeur une relation un peu fatiguée ».

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