FMI et Passation de Service en Centrafrique

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FMI et Passation de Service en Centrafrique
FMI et Passation de Service en Centrafrique

Africa-Press – CentrAfricaine. Le régime Touadéra vient de transformer une banale passation de service au FMI en victoire diplomatique majeure. Albert Touna Mama cède sa place à Nazim Belhazine comme chef de mission du Fonds Monétaire International pour la République centrafricaine, et voilà que tout l’appareil de propagande gouvernemental s’emballe pour présenter cet événement administratif comme une preuve du soutien international aux “réformes structurelles” du président.

Dans toutes les institutions internationales, les chefs de mission sont régulièrement remplacés. C’est une rotation normale, une procédure administrative standard qui n’a aucune signification politique particulière. Mais à Bangui, où le régime MCU cherche désespérément à se légitimer avant les élections de décembre, même le changement d’un fonctionnaire international devient matière à célébration.

Les ministres se sont succédé pour saluer cette “transition réussie”. Les médias proches du pouvoir ont relayé cette “bonne nouvelle” comme si le FMI venait d’annoncer des milliards supplémentaires. Les communicants du régime ont présenté cette passation comme une validation de la gestion économique du gouvernement.

Cette manipulation grossière vise à faire croire aux Centrafricains et aux partenaires internationaux que le pays est sur la bonne voie, que les réformes fonctionnent, que la confiance règne. La réalité économique du pays raconte une histoire radicalement différente.

Depuis 2023, la Facilité Élargie de Crédit (FEC) du FMI a injecté plus de 124 millions de dollars dans le budget centrafricain. Ces fonds considérables ne servent pas à développer le pays, à construire des infrastructures, à créer des emplois ou à améliorer les services publics. Ils comblent simplement les trous béants d’un État incapable de mobiliser ses propres ressources.

Le secteur pétrolier, qui représentait autrefois jusqu’à 25% des recettes publiques, ne pèse plus que 9% en 2024. Cette chute vertigineuse témoigne de l’effondrement de la capacité productive du pays. Les pénuries chroniques de carburant paralysent l’économie, la flambée des prix érode le pouvoir d’achat déjà dérisoire des ménages, et l’inflation galopante transforme les salaires en monnaie de singe, pour ne pas dire monnaie des boubou.

Pendant que le régime célèbre une passation de service au FMI, plus de la moitié des Centrafricains – soit 3,4 millions de personnes – dépendent de l’aide humanitaire pour survivre. Ce chiffre catastrophique devrait normalement provoquer une remise en question profonde de la politique économique. Au lieu de cela, le gouvernement organise des cérémonies protocolaires et multiplie les communiqués triomphants.

Le Fonds Monétaire International se retrouve instrumentalisé par le régime Touadéra qui transforme chacune de ses visites, chaque décaissement, chaque déclaration en caution politique. Le FMI finance un budget national largement dévoyé, soutient des “réformes” qui n’existent que sur le papier, et cautionne indirectement un régime qui organise des élections illégales.

Cette complicité involontaire pose des questions éthiques fondamentales. En continuant à décaisser des fonds sans conditionnalités strictes, le FMI permet au régime MCU de maintenir une façade de légitimité internationale. Les annonces du Caucus Économique Africain ou les tables rondes d’investisseurs sont présentées comme des succès alors qu’elles ne changent rien à la réalité quotidienne des populations.

La valorisation excessive de cette passation de service s’inscrit dans une stratégie électorale précise. À moins de trois mois des élections de décembre 2025, le régime Touadéra cherche désespérément à rassurer ses bailleurs de fonds pour obtenir de nouveaux décaissements. Cette apparence de stabilité économique et de réformes en marche vise à convaincre la communauté internationale que le pays va dans la bonne direction.

Mais derrière cette façade soigneusement construite, la corruption prospère sans limite. Les institutions de contrôle comme l’ANIF (Agence Nationale d’Investigation Financière) et la Cour des Comptes sont muselées, incapables de jouer leur rôle de garde-fou. La promesse de “croissance inclusive” répétée dans tous les communiqués reste un slogan vide pendant que les inégalités explosent.

La dépendance financière de la République centrafricaine aux décaissements extérieurs atteint des niveaux pathologiques. L’État centrafricain ne survit que grâce aux perfusions régulières du FMI, de la Banque Mondiale, de l’Union Européenne et des autres bailleurs. Cette situation transforme le pays en éternel assisté, incapable de définir sa propre politique économique.

Cette perfusion permanente arrange parfaitement le régime MCU qui n’a aucune incitation à réformer véritablement. Pourquoi développer la fiscalité, pourquoi lutter contre la corruption, pourquoi améliorer la gouvernance quand les fonds continuent d’arriver quoi qu’il arrive? Cette logique d’assistanat institutionnel pérennise l’incompétence et l’irresponsabilité.

Le plus révoltant dans cette affaire reste l’utilisation de la misère des Centrafricains comme décor de la propagande officielle. Pendant que le régime célèbre une passation de service au FMI, des mères de famille fouillent les poubelles de Bangui pour nourrir leurs enfants. Pendant que les ministres discourent sur les “réformes structurelles”, des malades meurent dans des hôpitaux sans médicaments. Pendant que les communicants vantent la “confiance des partenaires”, des enseignants font grève pour réclamer leurs salaires impayés depuis des mois.

Cette instrumentalisation cynique de la souffrance populaire à des fins de communication politique atteint des sommets de malhonnêteté. Le régime MCU transforme chaque visite d’un fonctionnaire international en “signe de soutien”, chaque décaissement en “succès diplomatique”, chaque rapport technique en “validation de nos politiques”.

Une simple passation de service au FMI devient ainsi un spectacle politique soigneusement organisé pour masquer l’échec patent des réformes économiques et maintenir sous perfusion un régime qui survit uniquement grâce aux financements étrangers.

La question fondamentale demeure: jusqu’à quand les Centrafricains devront-ils supporter que leur misère serve de décor à la propagande officielle? Jusqu’à quand le FMI et les autres bailleurs accepteront-ils d’être instrumentalisés par un régime qui transforme chaque geste administratif en victoire politique?

Source: Corbeau News Centrafrique

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