Vraiment efficaces, les thérapies complémentaires ?

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Vraiment efficaces, les thérapies complémentaires ?
Vraiment efficaces, les thérapies complémentaires ?

Africa-Press – Congo Brazzaville. Pratiques de soins non conventionnelles, interventions non médicamenteuses, thérapies complémentaires… Les termes pour définir ces techniques ne manquent pas. Selon l’Organisation mondiale de la santé, il en existerait plus de quatre cents, des plus farfelues aux plus sérieuses ! Leur point commun: les futurs médecins ne les apprennent pas pendant leurs études. Ce qui n’empêche pas un engouement certain pour ces médecines douces.

Acupuncture: des bienfaits encore mystérieux
Le principe: Cette pratique issue de la médecine chinoise consiste à insérer des aiguilles fines dans le corps à des points spécifiques. Elle découle d’une approche selon laquelle celui-ci est traversé par une énergie vitale appelée « qi « , qui circule à travers des canaux ou des méridiens. Un blocage ou un déséquilibre du qi provoquerait des maladies ou des douleurs.

Quelle efficacité ? L’acupuncture est surtout pratiquée pour gérer toute forme de douleur. Mais son champ d’action est très large, allant de la prise en charge de l’anxiété à celle des addictions. 21 % des Français y ont déjà eu recours, mais les preuves de son efficacité restent fragiles, car elles reposent sur des essais cliniques de faible qualité méthodologique.

En 2022, une méta-analyse publiée dans le BMJ Open concluait que l’acupuncture pouvait soulager les douleurs lombaires des femmes enceintes, sans qu’aucune des dix études considérées n’ait cependant comparé l’efficacité de cette pratique à un placebo. Quant à la revue Cochrane, qui analyse toutes les études scientifiques de qualité sur une question de santé précise, elle faisait état, en décembre 2020, sur les douleurs lombaires, de « données probantes d’un niveau de confiance modéré indiquant que l’acupuncture a produit un soulagement de la douleur et a amélioré la fonction dorsale par rapport à l’absence de traitement ».

Des bénéfices sont également observés dans le soin des nausées et vomissements liés à une grossesse ou une chimiothérapie. L’acupuncture est d’ailleurs remboursée dans quatre indications (nausées et vomissements, traitement antidouleur, syndrome anxio-dépressif et aide au sevrage alcoolique et tabagique). Cependant, ses mécanismes d’action restent mystérieux. Au-delà d’un probable effet placebo, elle pourrait avoir un impact sur la modulation de l’inflammation en régulant la libération de substances chimiques telles que les cytokines, des molécules essentielles pour notre système immunitaire, comme l’a suggéré une étude parue dans Nature en 2021.

En ce qui concerne l’auriculothérapie, forme dérivée de l’acupuncture dans laquelle les aiguilles sont implantées dans les oreilles, il existe « une quarantaine d’essais randomisés, de qualité modeste, rapportent les journalistes scientifiques Alexandra Delbot et Florian Gouthière. Un rapport de l’Inserm évaluant la pratique conclut que trois études démontrent une efficacité supérieure de l’auriculothérapie par rapport à une auriculothérapie placebo dans le traitement de l’anxiété pré-opératoire ».

L’ostéopathie musculo-squelettique: pas mieux que la kiné
Le principe: L’ostéopathie est une approche thérapeutique manuelle qui vise à diagnostiquer et à traiter les dysfonctionnements et les déséquilibres du corps humain en partant du principe que le bien-être d’une personne dépend du fonctionnement harmonieux entre les systèmes neurologiques, viscéraux et musculo-squelettiques.

L’un de ses principes clés est qu’un problème dans une partie du corps peut affecter d’autres parties ou systèmes. Quand la capacité d’auto-guérison de l’organisme est grippée parce que certains tissus ou structures du corps sont moins mobiles, l’ostéopathe a recours à différentes techniques de manipulation: articulaires, vertébrales, musculaires, viscérales ou encore crâniennes.

Quelle efficacité ? L’ostéopathie revendique des effets sur un très large éventail de troubles: maux de dos, troubles digestifs, migraines… Cependant, l’ostéopathie musculo-squelettique, qui vise à soulager les douleurs articulaires et musculaires, est la plus répandue, le mal de dos étant l’un des principaux motifs de consultation.

Ce succès est-il justifié ? La question mérite d’être posée, d’autant que la majorité des ostéopathes n’ont pas le statut de professionnels de santé ; leurs actes ne sont donc pas pris en charge par la Sécurité sociale. Une large étude parue en 2021 dans le JAMA Internal Medicine concluait que les manipulations ostéopathiques avaient « un léger effet sur les limitations d’activité spécifiques à la lombalgie » par rapport au placebo. Cependant, la pertinence clinique de cet effet était « discutable ».

Le verdict de l’Inserm, émis certes en 2012, reste d’actualité: « Les réponses apportées par l’ostéopathie sont potentiellement efficaces dans les douleurs d’origine vertébrale, mais sans supériorité prouvée par rapport aux alternatives plus classiques. » Dans les troubles musculo-squelettiques, elle ferait donc jeu égal avec la kinésithérapie. Dans les domaines viscéral et crânien, les données probantes font défaut.

Bain de forêt: un anti-stress sans effet secondaire
Le principe: Le shinrin-yoku (« bain de forêt », en japonais) a été inventé dans les années 1980 au pays du Soleil-Levant par l’Office national des forêts local. Concrètement, il s’agit de s’immerger totalement dans la nature, tous sens en éveil, et d’observer, de humer, d’écouter, de caresser les arbres…

Quelle efficacité ? Plusieurs études ont démontré que le lien avec le végétal était bénéfique pour la santé. Une méta-analyse parue en 2023 dans The Lancet Planetary Health a mis en évidence une réduction des risques de maladies cardiovasculaires et de dépression. Les preuves d’efficacité les plus fortes se rapportent à la récupération du stress, à la réduction de la fatigue et à l’amélioration de l’humeur. Passer dix minutes par jour dans la nature suffirait à activer le système nerveux parasympathique, qui a un effet calmant sur l’organisme, et donc à faire baisser le cortisol (l’hormone du stress), la pression artérielle et le rythme cardiaque.

Ces effets positifs seraient dus notamment aux phytoncides, des composés volatils émanant des feuilles des arbres qui augmenteraient l’activité de globules blancs capables de détecter et détruire notamment les cellules infectées par un virus. Cependant, la simple vue de la nature serait déjà efficace: selon une étude de 1984, les patients hospitalisés dans une chambre avec vue sur des arbres récupéraient plus vite que ceux dont la chambre donnait sur un mur de béton.

Jeûne thérapeutique: en attente de preuves
Le principe: Le jeûne peut être complet (seule l’eau est autorisée), partiel (apport calorique de 300 kcal/jour), en continu ou intermittent. Dans les années 1930, un médecin allemand, Otto Buchinger, a avancé qu’il favorisait les pouvoirs d’auto-guérison de l’organisme.

Quelle efficacité ?: Le jeûne thérapeutique aurait de multiples vertus: perte de poids, régulation de la glycémie, réparation de l’ADN, lutte contre le vieillissement, réduction de l’inflammation… Le nombre d’études contrôlées et randomisées permettant de conclure sur son efficacité est en revanche beaucoup moins important. Il n’empêche… La privation de nourriture a bien des effets sur l’organisme.

Une étude parue en mars dans Nature Metabolism a montré que les hormones de la reproduction cessent d’être sécrétées au bout de vingt-quatre heures. Autre observation: le niveau de plasma des cellules baisse tout au long du jeûne. Une autre étude publiée en août 2024 décrypte, quant à elle, le processus permettant une régénération des cellules souches intestinales. Les changements sont donc incontestables, mais les preuves de leurs conséquences sur la santé font encore défaut.

Par exemple, le jeûne intermittent ne semble pas plus efficace que le régime calorique restrictif pour la perte de poids ou la baisse de l’HbA1c, un marqueur de la glycémie. Quant à l’idée selon laquelle éviter de manger « affamerait » les tumeurs, elle est contestée, car c’est l’ensemble de l’organisme qu’on risque d’affaiblir… Pour la prétendue amélioration des facteurs de risque cardiovasculaires, elle vient d’être remise en cause par une étude menée pendant huit ans sur 20.000 adultes. Selon celle-ci, un jeûne intermittent de seize heures fait grimper le risque de décès cardiovasculaire de 91 %.

L’hypnose: des bénéfices incontestables contre la douleur
Le principe: L’hypnose thérapeutique est une méthode visant à modifier l’état de conscience du patient: celui-ci est conscient, il ne dort pas, mais il est plongé dans une forme de transe. Ainsi, il est profondément détendu, focalisé et plus réceptif aux suggestions. L’hypnothérapeute utilise diverses techniques pour induire cet état, comme des suggestions verbales, des visualisations ou des exercices de respiration. La personne peut alors être guidée vers des pensées ou des images positives, ou des suggestions visant à changer certains comportements ou croyances ou à traiter des problèmes spécifiques.

Cette approche se décline en trois techniques: l’hypnosédation (à visée sédative, utilisée en anesthésie), l’hypnoanalgésie (contre la douleur) et l’hypnothérapie (à visée psychothérapeutique).

Quelle efficacité ? L’hypnose a déjà largement fait son entrée dans les hôpitaux, et notamment dans les centres de lutte contre la douleur. Elle est même enseignée à l’université depuis 2001. Globalement, elle a démontré son intérêt thérapeutique lors d’une anesthésie ou d’une sédation. Des soins potentiellement stressants, voire douloureux, peuvent être réalisés plus facilement, notamment chez les enfants, les suggestions de l’hypnothérapeute détournant l’attention du patient. L’hypnose est aussi employée en alternative à l’anesthésie générale pour certaines chirurgies peu profondes.

Une large méta-analyse publiée en 2021 et reprenant vingt ans de publications concluait que l’hypnose est « très efficace » pour le traitement de la douleur, la réduisant en moyenne de 73 %. Elle a également fait ses preuves dans la gestion du syndrome de l’intestin irritable, abaissant ainsi les niveaux de stress qui exacerbent souvent les symptômes, mais diminuant aussi l’hypersensibilité viscérale.

En revanche, dans d’autres indications comme le sevrage tabagique, « il n’existe pas de données probantes indiquant que l’hypnothérapie est plus efficace que d’autres approches pour aider à arrêter de fumer », indique la revue Cochrane. Cependant, la Haute Autorité de santé note que « les professionnels de santé ne doivent pas empêcher un patient de bénéficier d’un traitement qui peut être utile de par son effet placebo, si ce traitement est avéré inoffensif ».

Repérer les pratiques dangereuses

La méthode est présentée comme la solution miracle, révolutionnaire, elle soigne toutes sortes de maladies, des séances nombreuses et rapprochées vous sont conseillées… Autant de signaux qui doivent vous mettre la puce à l’oreille ! Et si, pour guérir, il vous est recommandé de renoncer aux soins conventionnels, l’alerte passe au rouge. Depuis avril dernier, « la provocation, au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées » à « abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique » est d’ailleurs considérée comme un délit lorsque cet abandon « est présenté comme bénéfique pour la santé ».

Ce durcissement législatif vise à endiguer les dérives sectaires dans l’univers de la santé. Celles-ci représentent un quart des signalements auprès de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Même si de nouvelles pseudo-médecines émergent régulièrement, cette instance attire aujourd’hui l’attention, notamment, sur les méthodes « psychologisantes » telles que « le décodage biologique ». Appelé aussi « biologie totale » ou encore « médecine nouvelle germanique », il repose sur le postulat selon lequel chaque symptôme ou maladie correspondrait à un choc émotionnel précis, souvent inconscient. « Décoder » ce conflit permettrait de guérir la maladie.

Les méthodes s’appuyant sur l’apposition des mains sont aussi dans le collimateur de la Miviludes, particulièrement le reiki. Le praticien rééquilibrerait l’énergie vitale. Des cas de pseudo-guérison à distance, par téléphone par exemple, ont été signalés. Certains praticiens prétendent qu’il serait donné à chacun, après une formation accélérée, de transmettre ou de recevoir ce pouvoir de canalisation d’une « énergie vitale universelle ». Autant de croyances qui risquent de faire perdre des chances de guérison. Les thérapies reposant sur l’ingestion de substances diverses sont aussi scrutées par la Miviludes ainsi que par le collectif No FakeMed. Ces deux organisations pointent par exemple l’urinothérapie, qui traiterait aussi bien l’embolie pulmonaire que l’obésité ou l’eczéma. Or, absorber son urine expose à une intoxication rénale et à une insuffisance cardiaque.

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