Africa-Press – Congo Brazzaville. Pour mettre un terme aux affaires non résolues, Gérald Darmanin a annoncé être favorable à l’usage d’une technique encore illégale en France: la généalogie génétique. De prime abord, cette méthode semble extrêmement efficace: « Aux États-Unis, c’est un crime par semaine qui est résolu », avance le garde des Sceaux sur France Inter. Il proposera en janvier, dans le cadre d’une loi, l’autorisation de la généalogie génétique par les magistrats, jusque-là sans cadre légal en France. Mais cette méthode suscite de nombreux désaccords… Notamment car elle s’appuie sur des bases de données de généalogies récréatives illégales en France.
Mais de quoi s’agit-il, concrètement? Pour le comprendre, il faut se pencher sur l’origine de la diversité génétique.
L’humanité partage 99,9% de son ADN: le 0,1% restant, voilà ce qui intéresse les généticiens. Ces petites variations constituent le polymorphisme nucléotidique, autrement dit une signature génétique que l’on hérite de nos ancêtres grâce à un mécanisme de division cellulaire: la méiose.
Le brassage génétique
L’objectif de la méiose est de créer des gamètes – spermatozoïdes ou ovules – qui fusionneront lors de la reproduction. Les paires de chromosomes vont se recombiner puis se séparer: c’est le brassage génétique. L’individu transmettra ses gamètes rendues uniques ainsi que leurs particularités à ses descendants.
Lorsque les enquêteurs vont récupérer une trace d’ADN inconnue sur une scène de crime – et si le cadre légal de la généalogie génétique est assoupli comme le souhaite le garde des Sceaux – ils pourront la comparer à d’immenses bases de données. À l’origine, ce sont celles de personnes curieuses d’en savoir plus sur leurs origines qui envoient un kit contenant un échantillon d’ADN, en attente d’un retour pour savoir d’où proviennent leurs ancêtres, ou s’ils sont prédisposés à telle ou telle maladie.
Dans une étude publiée dans Science en 2018, le généticien Yaniv Erlich annonçait que 60% de la population américaine était identifiable grâce à ces fichiers. Même si c’est encore illégal en France, l’Inserm a annoncé qu’entre 100.000 et 200.000 français réalisait ces tests chaque année.
Parmi ces très grandes bases de données, les enquêteurs vont donc rechercher de l’ADN similaire à leur échantillon cible, qu’ils vont évaluer à l’aide d’une unité nommée le centimorgan. Si deux personnes partagent beaucoup de centimorgans, cela signifie qu’elles ont hérité de longs morceaux d’ADN identiques, non brisés pendant la méiose, donc que leur ancêtre commun n’est pas très lointain.
Les enquêteurs peuvent ainsi déduire de ce score la distance qui sépare le coupable et sa parenté de leur plus proche ancêtre commun. Une fois l’aïeul retrouvé, le travail de génétique laisse place à celui de généalogie dont découle la liste de tous les descendants.
Parmi les très nombreux candidats de cette descendance, il sera possible de mettre en place un processus d’élimination à l’aide de la trace d’ADN qui transmet des marqueurs physiques, comme la couleur des yeux, des cheveux ou l’âge. Une fois la liste des suspects réduite, les enquêteurs pourront tester l’ADN des suspects un par un, et les comparer à l’ADN recueilli sur les lieux du crime, afin de confirmer l’identité du coupable.
De précieuses données
« Nous souhaitons tous que les auteurs de crimes atroces soient identifiés. C’est une évidence. Maintenant, il faut savoir jusqu’où l’on va pour ça », s’inquiète Joëlle Vailly, généticienne et sociologue à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux de l’EHESS. Celui qui envoie son ADN à ce type d’entreprises prend un engagement pour lui-même, mais également pour sa famille biologique passée, présente, et future, sans pouvoir la consulter, déclare l’autrice d’ »ADN policier » (Presses universitaires de France). « L’apparenté à un utilisateur de ces bases va, sans qu’il le sache, avoir plus de risque d’être soumis à une enquête policière que la population générale ».
Contrairement aux 21 marqueurs génétiques aujourd’hui encadrés par le Fnaeg (Fichier national automatisé des empreintes génétiques), les tests génétiques récréatifs recueillent des centaines de milliers de marqueurs, allant de l’origine dite géographique de l’individu à son état de santé. « Ces données ont une valeur marchande importante: elles peuvent être vendues, revendues, volées », explique Joëlle Vailly. « Elles peuvent intéresser pas mal d’organismes, des laboratoires pharmaceutiques pour proposer des traitements, des prêteurs lors d’emprunts financiers, des assurances vie, des assurances santé aux Etats-Unis… »
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