Liberté de la Presse: Black-Out Médiatique en Est

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Liberté de la Presse: Black-Out Médiatique en Est
Liberté de la Presse: Black-Out Médiatique en Est

Africa-Press – Congo Kinshasa. Alors que le monde célébrait le 3 mai la Journée internationale de la liberté de la presse, un angle mort persistait sur la carte congolaise: 124 000 km2 de territoires occupés par le Rwanda et ses proxies du RDF/M23, où le droit à l’information est réduit à néant, un black-out médiatique orchestré, symptôme d’une balkanisation en marche.

Depuis trois ans, Bunagana, Rutshuru, et d’autres localités tombées sous le joug des terroristes sont des zones de non-droit médiatique, où les journalistes sont soit réduits au silence, soit enrôlés de force dans la machine de propagande de l’agresseur. Ce silence n’est pas un hasard. Il est l’arme absolue d’un projet de balkanisation méthodique, visant à effacer la présence congolaise pour légitimer l’annexion rampante.

Comment un pays peut-il prétendre défendre son intégrité quand 124 000 km2 de son territoire sont devenus une chambre noire, où les exactions se commettent hors de tout regard? Dans ces zones occupées, la liberté de la presse est un leurre. Les rares médias encore en activité sont sous tutelle du RDF/M23, contraints de relayer la narration terroriste rwandaise sous peine de représailles.

À Bukavu, une réunion organisée par les responsables de la communication du RDF/M23 en février 2025 a officialisé la censure: black-out sur les informations gouvernementales, interdiction de critiquer voire même de parler du Rwanda et des exactions commises par son armée. Les contrevenants risquent la disparition, comme en témoignent les dizaines de journalistes contraints à l’exil ou réduits au silence.

Pire, des reporters sont enrôlés de force dans des camps rebelles, soumis à un endoctrinement idéologique et même formés au maniement des armes. « Ces pratiques signent la mort du journalisme indépendant », dénonce l’ONG Journaliste en danger (JED). Comment, dans ces conditions, espérer un récit impartial des événements? Face à cette tragédie, la communauté internationale reste étrangement muette.

La complicité silencieuse d’une communauté internationale aveugle révulse. Les Nations unies, pourtant informées des exactions contre la presse, n’ont sanctionné aucun commandant terroriste. Les pourparlers de paix, médiés par les États-Unis, omettent systématiquement la question de la liberté des médias dans leur agenda. Pendant ce temps, les rares journalistes encore libres travaillent clandestinement, au péril de leur vie.

Leur crime? Refuser de transformer leur micro en mégaphone de la milice. Dans cette guerre, le journaliste congolais est le dernier soldat abandonné au front, armé seulement de sa plume. La solidarité nationale est en berne. La RDC se meurt par indifférence. Ce qui frappe, au-delà de l’occupation, c’est l’indifférence coupable d’une partie de la classe politique et médiatique congolaise.

Certains, aveuglés par des calculs partisans ou des intérêts économiques, minimisent l’ampleur de la catastrophe. D’autres, instrumentalisés par des forces étrangères, contribuent à banaliser l’invasion rwandaise sous couvert de « neutralité journalistique ». Pourtant, les faits sont têtus: 124 000 km2 perdus, des millions de déplacés, des médias réduits au silence.

Ce n’est pas une crise, c’est une liquidation programmée de la souveraineté congolaise. La balkanisation n’est pas une théorie: c’est une stratégie ancienne, recyclée aujourd’hui par Kigali et ses alliés. Lorsque l’information est étouffée, c’est toujours un prélude à la mort d’une nation. Le travail de Patrick Muyaya Katembwe pour permettre à chaque voix congolaise de toujours s’exprimer en ce sens est à saluer.

La journée de la liberté de la presse, célébrée dans le reste du monde, sonne comme une mascarade dans l’Est congolais. Là où devrait régner le droit à l’information, il n’y a plus que des salles de rédaction vides, des radios pillées, des plumes brisées. Ce silence n’est pas un vide: c’est le son d’un pays qui se délite. C’est l’âme de tout un peuple qui saigne et souffre sans aide.

Et ceux qui, par indifférence ou complicité, détournent le regard aujourd’hui devront répondre demain de cette trahison historique. Car sans voix pour la dénoncer, la balkanisation avance masquée – et le Congo, déjà amputé, risque de ne plus se reconnaître. Comme l’a dit Patrick Muyaya: « La liberté de la presse est le fondement d’une démocratie solide. Elle garantit l’accès à l’information et permet aux citoyens de s’exprimer librement. Défendons-la avec détermination. »

TEDDY MFITU, Polymathe, chercheur et écrivain/ Consultant senior cabinet CICPAR

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