Les 1001 défis de l’accord entre la RDC et le Rwanda

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Les 1001 défis de l’accord entre la RDC et le Rwanda
Les 1001 défis de l’accord entre la RDC et le Rwanda

Africa-Press – Congo Kinshasa. La RDC et le Rwanda ont signé vendredi 27 juin un accord de paix qualifié d’historique et censé mettre fin à 30 ans de conflit. Mais l’histoire nous apprend à être prudent. La réussite de l’accord dépendra de sa mise en oeuvre et des résultats des négociations de Doha avec l’AFC/M23, actuellement dans l’impasse.

La paix à tout prix ! Donald Trump ne cache pas sa satisfaction après la signature de l’accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. « Un jour merveilleux » pour le président américain, censé mettre fin à « l’une des pires guerres jamais vues ». Le texte entérine les différentes dispositions négociées par les deux pays ces dernières semaines: respect de l’intégrité territoriale, arrêt des hostilités, désarmement et intégration conditionnelle des groupes armés, ainsi qu’un mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité. Mais le cœur de l’accord reste le sujet sensible du retrait des troupes rwandaises du sol congolais, appelle pudiquement « mesures défensives », et la neutralisation des FDLR, ce groupe armé héritier des génocidaires hutus, que Kigali considère comme « une menace existentielle ». Comme souvent, la rédaction de ce type d’accord se transforme en subtil numéro d’équilibriste, dans lequel chacune des parties doit pouvoir s’y retrouver. Kinshasa se satisfait du « respect de son intégrité territorial » et du « désengagement » de l’armée rwandaise. Et Kigali a obtenu que ces dispositions soient réalisées contre la neutralisation des FDLR. Quant à Donald Trump, il a clairement avoué que son implication dans le conflit congolais était conditionnée à l’accès des États-Unis aux minerais stratégiques de l’Est de la RDC.

Pas de baguette magique

La réussite de cet accord de paix pour ramener la paix dans les Kivus est conditionnée à plusieurs facteurs. L’accord, qui a été signé le 27 juin à Washington, est un vague copié-collé des nombreux accords précédents… qui n’ont jamais été respectés. Le seul élément nouveau, et de poids, est l’implication américaine. Un médiateur qui a les moyens de faire pression sur Kigali et Kinshasa. Mais pour que l’accord se concrétise sur le terrain, il faudra que la pression américaine soit maximale, et surtout, s’inscrive dans la durée. La paix ne reviendra pas d’un coup de baguette magique, car les difficultés ne manquent pas pour mettre fin à une guerre de 30 ans. Tout va résider dans la bonne volonté des deux parties (et c’est loin d’être gagné) et dans la mise en application de l’accord. Et c’est là que l’affaire se corse.

Neutraliser les FDLR,un défi de taille

Le premier obstacle réside dans la neutralisation des FDLR qui doit ouvrir la voie au désengagement des forces rwandaises. Les deux séquences sont liées, ce qui met la pression sur Kinshasa pour mettre rapidement la main sur les FDLR. Le hic, c’est que le groupe armé collabore avec les FARDC, l’armée régulière congolaise, justement pour combattre le M23. Un changement de paradigme qui sera difficile à avaler pour les FARDC, qui ont déserté les lignes de front pour se réfugier à Kisangani, ou plus au Sud dans l’ex-Katanga. Dernière incertitude: depuis 20 ans la lutte contre les FDLR n’a jamais porté ses fruits. En 2005, 2009 ou 2024, l’armée congolaise n’a jamais réussi à éradiquer ce groupe armé, que ce soit avec l’aide des casques bleus de la Monusco, ou même avec l’aide de l’armée rwandaise. Sa neutralisation constitue donc un défi de taille. Depuis quelques mois, il se dit que la Monusco travaille sur le dossier.

Quid de l’AFC/M23?

L’autre fragilité de l’accord réside dans l’absence de la rébellion de l’AFC/M23 dans ce plan de paix. Le texte renvoie aux négociations menées en parallèle par le Qatar entre le gouvernement congolais et les rebelles. Problème: les discussions sont actuellement au point mort. À Doha, le M23 est en position de force. La rébellion n’a jamais contrôlé des territoires aussi vastes. Elle administre les deux villes les plus importantes de l’Est congolais, Goma et Bukavu, et continue d’enrôler de nouvelles recrues. Il faudra donc des arguments sérieux pour les obliger à se retirer. Washington a donc redonner la patate chaude entre les mains de Kinshasa, chargée de se débrouiller avec les rebelles, espérant que Kigali fasse baisser les prétentions des rebelles. 6 mois après la prise de Goma, l’AFC/M23 a fait monter les enchères et revendique une « co-administration » des territoires qu’elle contrôle, en plus d’une amnistie et d’une intégration dans l’armée et dans les institutions politiques. Des revendications actuellement inacceptables pour Kinshasa.

Tout vase jouer à Doha

Sur le papier, Washington et Doha ne sont que les répliques des processus de Luanda et Nairobi, qui ont tous échoué. D’ailleurs, l’Union africaine, à la manoeuvre dans ces initiatives de paix avortées, semble bien absente de la résolution du conflit congolais à la mode américaine. Le facilitateur des processus fusionnés de Nairobi et Luanda, Faure Gnassingbé, n’était pas présent à Washington. Pourtant, l’Union africaine sera partie prenante du mécanisme conjoint de coordination de la sécurité, aux côtés des États-Unis et du Qatar. La Monusco devrait également faire son retour par la petite porte. Reste maintenant à savoir ce qui se passera en cas de non-respect des engagements? Donald s’est porté garant, mais peut-on encore croire tout ce que dit le président américain? Et garant à quelle hauteur, et pour combien de temps? On imagine mal les États Unis envoyer des troupes au Congo.

Patience

Sur le terrain, la mère des batailles se déroulera donc autour de la neutralisation des FDLR, dont la zone d’influence (le Rutshuru et le Masisi) se trouve actuellement contrôlée par le M23. Certains se sont même réfugiés au Burundi. Concernant le calendrier, le mécanisme conjoint de coordination de la sécurité doit être mis en place fin juillet, et la neutralisation des FDLR devrait s’étaler sur 4 mois, en plusieurs phases. Le contenu du deal économique « minerais contre sécurité » n’est pas encore connu. Il doit faire l’objet d’un nouvel accord et être discuté en septembre. Vous aurez donc compris que pour un règlement rapide et définitif du conflit à l’Est du Congo, il faudra encore patienter et éviter les multiples chausse-trappes qui jalonnent le long chemin de la paix à l’Est du Congo.

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