Transformer la Tempête en Levier pour la RDC

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Transformer la Tempête en Levier pour la RDC
Transformer la Tempête en Levier pour la RDC

Africa-Press – Congo Kinshasa. Alors que la République démocratique du Congo discute d’un partenariat stratégique avec les États-Unis sur les chaînes d’approvisionnement critiques, la tentation est grande, dans ce contexte géopolitique incertain, de voir dans cet accord une réponse aux pressions immédiates.

Mais ce serait une erreur.

Ce partenariat ne doit pas être une rustine conjoncturelle ni un simple contrat d’exploitation de nos ressources. Il doit devenir l’acte fondateur d’une mutation structurelle qui manquait à notre pays depuis des générations.

Il doit marquer ce moment où, face à l’adversité et à l’instabilité, la RDC choisit enfin de tirer parti d’une tempête extérieure pour opérer une transformation interne profonde.

Bâtir une souveraineté industrielle: la RDC doit imposer sa grammaire

Ce partenariat n’est pas une rupture avec la Chine ni une exclusivité américaine. Il doit être un instrument de souveraineté économique.

Nous avons désormais le devoir d’imposer un modèle contractuel qui dépasse la simple extraction. Ce modèle doit obliger tout partenaire — américain, chinois ou autre — à s’aligner sur trois priorités vitales:

1. Transfert de compétences et de technologies, non théorique mais opérationnel, dans chaque projet ;

2. Transformation locale systématique des minerais ;

3. Intégration immédiate et obligatoire des technologies transférées dans les programmes éducatifs congolais, jusque dans les zones rurales les plus isolées.

Chaque interaction technique doit être maîtrisée par nos ingénieurs et techniciens.

Nous devons former les formateurs: chaque expert formé doit être contraint de transmettre à son tour son savoir, dans une dynamique de démultiplication locale.

C’est ainsi que nous freinerons la fuite des cerveaux et que nous créerons des passerelles pour rapatrier vers la RDC les intelligences de notre diaspora, afin qu’elles viennent cultiver les nôtres.

Nous devons exiger des Américains qu’ils fassent au moins aussi bien que les Chinois en matière d’infrastructures, tout en capitalisant sur ce qui distingue les standards occidentaux: la qualité technique, la rigueur et la sécurité dans la construction des mines.

La connaissance, clef de la souveraineté: bâtir notre machine scientifique

On ne peut pas négocier ce que l’on peine à valoriser.

Notre déficit de connaissance géologique et économique sur nos sous-sols a longtemps handicapé la RDC dans les négociations minières.

Nous devons bâtir notre propre machine de prospective et d’exploration minière.

Le pillage d’un pays comme le nôtre commence toujours par des cartes géologiques, souvent mieux maîtrisées par les investisseurs étrangers.

Les priorités des autres sur nos ressources se décident sur la base de leur intelligence géologique.

Notre réponse doit être de la même nature, mais conçue sur une trajectoire de long terme.

Cela implique:

• Une cartographie minière nationale sécurisée, actualisée et maîtrisée par la RDC.

• Un centre congolais de recherches géoscientifiques de pointe, doté de moyens pérennes.

• Des capacités internes de valorisation économique de nos actifs miniers, intégrées aux négociations.

Dès la phase de préparation, nous devons inclure des clauses qui couvrent les « inconnues » en matière de valorisation future:

• Mécanismes de révision automatique si les gisements s’avèrent plus riches que prévu.

• Quotas d’offtake réservés à des entreprises congolaises ou à capital congolais avec minorité de blocage.

• Clauses de revalorisation en cas de hausse majeure des prix ou de surperformance.

Piloter nos relations extérieures avec zèle et discipline

Chaque coopération extérieure doit être strictement pilotée pour maximiser nos intérêts.

Il ne suffit plus de signer des accords ; il faut les contrôler et les exploiter avec le zèle le plus extrême.

Comme tout bon lutteur traditionnel, la RDC doit savoir utiliser et transformer la puissance de l’adversaire en un catalyseur de son propre décollage.

Ce que nous n’avons pas su obtenir en périodes de paix, nous pouvons aujourd’hui l’arracher grâce à cette confrontation mondiale d’intérêts.

Deux batailles: externe et interne — L’alignement national, pierre angulaire du succès

La RDC doit simultanément gagner deux batailles stratégiques:

1. La bataille externe, face aux puissances étrangères.

2. La bataille interne, pour aligner l’ensemble de la nation derrière une vision commune.

Même le meilleur accord sera inutile si le pays reste désuni ou passif.

Nos compatriotes doivent comprendre que ces accords ne sont pas des fins en soi, mais des instruments pour matérialiser un choix de société clair.

Nos réformes éducatives, nos plans de formation, nos politiques industrielles et nos infrastructures doivent être synchronisées avec cette vision. Les accords ne sont que les outils extérieurs de notre transformation intérieure.

Devenir l’Arabie Saoudite du XXIe siècle: l’économie comme moteur de paix

La RDC peut devenir, dans les 100 prochaines années, l’Arabie Saoudite des ressources critiques.

Mais cela exige des accords économiques finement négociés, assortis:

• d’objectifs clairs de production locale ;

• de préalables stricts mais équilibrés, comme le transfert technologique, la formation locale et l’investissement dans les infrastructures éducatives.

Ces accords deviendraient de véritables échanges de valeur. Ils rendraient même caduque la question de la sécurité.

La paix se construirait mécaniquement, car la partie américaine assurerait elle-même la stabilité régionale, par intérêt, pour protéger ses investissements, sans que nous ayons à la solliciter.

Mobiliser la jeunesse et les talents: une urgence nationale

Aucune transformation ne sera possible sans notre jeunesse et nos cerveaux.

Je plaide pour:

• La mise en place d’un programme national de formation et de reconversion, notamment dans la géologie, l’ingénierie, la métallurgie et les technologies numériques.

• La création d’une Académie des Ressources Stratégiques adossée à la Présidence.

• Un dispositif national de rapatriement des compétences congolaises de la diaspora, avec un objectif: former les formateurs dans nos provinces et nos écoles.

Conclusion: Transformer l’adversité en levier historique

La RDC peut enfin donner un sens au long sacrifice de ses fils et filles à travers les âges.

Notre histoire tourmentée, nos blessures, nos privations peuvent devenir la matrice d’un renouveau, si nous transformons cette tempête géopolitique actuelle en tremplin pour un avenir structurel et souverain.

Ce partenariat RDC–USA n’est pas une fin.

C’est une opportunité de prendre enfin notre destin en main.

Face aux circonstances conjoncturelles hostiles, la RDC a l’opportunité unique de réussir la mutation structurelle que nos ères de paix n’avaient pas su apporter.

Tout dépendra de notre capacité collective à:

• Refuser la naïveté.

• Cultiver la discipline stratégique.

• Aligner le pays derrière un projet industriel et éducatif clair.

La balle est dans notre camp. Nous pouvons réussir ce tournant.

Nous devons le réussir.

Car au-delà des mines, c’est l’avenir de notre dignité nationale et de nos enfants qui se joue.

Par Eric Mboma
Expert Stratégie | Mines & Infrastructures | Services Financiers

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