Africa-Press – Congo Kinshasa. Les récents contrats de sponsoring signés entre la République démocratique du Congo (RDC) et les prestigieux clubs européens de football FC Barcelone, AC Milan et AS Monaco continuent de provoquer une vive controverse au sein de la société congolaise. Si le gouvernement justifie ces accords comme une stratégie de « soft power » visant à renforcer la visibilité du pays et à dynamiser le secteur sportif, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles jugent être des dépenses excessives, déconnectées des réalités socio-économiques du pays. Sur les réseaux sociaux, la grogne est palpable: de nombreux internautes critiquent ces partenariats, estimant que la RDC devrait prioriser les investissements dans les infrastructures essentielles telles que les routes, l’électricité, l’accès à l’eau potable, la salubrité, les transports et la santé, avant de consacrer des sommes considérables au sponsoring sportif à l’étranger. Ces critiques traduisent un profond mécontentement face à ce qu’ils perçoivent comme un gaspillage des ressources publiques dans un contexte de besoins sociaux urgents.
Cette polémique souligne les tensions persistantes entre les choix stratégiques du gouvernement en matière de communication internationale et les attentes légitimes de la population, confrontée à de nombreux défis sociaux et économiques. Alors que la RDC investit 90 millions d’euros dans ces partenariats sur plusieurs années, le débat est loin d’être clos quant à la pertinence et à l’impact réel de ces contrats pour le pays.
Par ailleurs, dans une démarche politique, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD/Fédération Benelux), proche de l’ancien président Joseph Kabila, a adressé une lettre aux dirigeants des trois clubs concernés, intitulée « marché des dupes et pourrissement du football par la kleptocratie congolaise ». Cette missive demande clairement la résiliation de ces contrats, dénonçant non seulement le caractère inéquitable de ces accords, mais aussi les motivations des autorités congolaises qu’elle qualifie de suivisme et d’« abus de faiblesse ».
« Les équipes (AS Monaco, Milan AC et FC Barcelone) qui ont signé avec la dictature sévissant au Congo-Kinshasa ont des millions de supporters dans ce pays. La meilleure manière de les garder est de résilier ces contrats léonins et coloniaux (de l’esclavage des temps modernes où les pauvres empiffrent les riches) qui profitent de l’incompétence des dirigeants politiques incapables de mener des politiques de développement. Il faut éviter de jouir du fait que le prétendu partenaire n’y comprend pas grand-chose, c’est un abus de faiblesse », lit-on dans le courrier.
Le PPRD veut faire échouer les contrats
Pour la Fédération Benelux du PPRD, ces partenariats illustrent une forme de mimétisme déconnecté de la situation réelle de la RDC: « Vouloir faire comme le Qatar, c’est se fourvoyer en se gargarisant pour son propre plaisir. Le Qatar achète l’équipe la plus prestigieuse de France, des immeubles, et même le stade du Paris Saint-Germain », dénonce le parti, qui considère que la RDC n’a ni les moyens financiers ni l’infrastructure pour se permettre de telles initiatives.
L’organisation reproche également aux autorités de négliger des secteurs essentiels, éducation, recherche, jeunesse, au profit de ces dépenses somptuaires dans « le monde du spectacle et de la distraction ». Elle souligne: « Alors qu’aucun étudiant ne touche une bourse d’étude pour alléger la tâche pécuniaire de ses parents dans le financement de ses études, alors qu’aucun chercheur n’est soutenu financièrement, des ministres trouvent du plaisir à dépenser de l’argent pour espérer voir les initiales du pays (même pas son nom) sur la manche de vareuse. Pire, les écrits en question ne sont même pas lisibles et le nom du pays n’est pas clairement indiqué. »
La Fédération Benelux prévient en outre que ces partenariats, en plus d’être contraires aux intérêts du peuple congolais, pourraient ternir la réputation des clubs européens concernés: « Ce pays où la misère et la déshérence de la population émeuvent le monde entier, ce pays en guerre avec plus de sept millions de déplacés et de millions de réfugiés, ce pays incapable d’organiser un championnat national de football, ce pays où les compétitions de jeunes n’existent pas, ce pays où les enfants étudient dans les pires conditions sans recevoir un bulletin à la fin de l’année scolaire, ce pays qui vit d’aide extérieure et de subsides de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, ce pays où la sécurité et la défense sont privatisées avec l’utilisation des mercenaires et des armées étrangères, ce pays où le taux de chômage atteint jusqu’à 84% selon Perspectives Monde, ce pays où le taux de mortalité infantile varie entre 80 et 90 décès pour 1 000 naissances, etc. C’est ce pays-là qui vient de signer des contrats de plus de 100 millions d’euros par an avec des équipes opulentes d’Europe, puisant ainsi dans ses maigres ressources financières d’un pays classé parmi les plus démunis du monde. »
Selon les informations disponibles, la RDC a engagé plus de 40 millions USD dans ces partenariats sportifs avec le FC Barcelone, l’AC Milan et l’AS Monaco. Le contrat le plus important, signé avec le FC Barcelone, représente à lui seul 43 millions d’euros hors taxes sur quatre saisons. Effectif depuis le 1er juillet 2025, il prévoit notamment la promotion de la marque « RDC cœur de l’Afrique » sur les maillots d’entraînement des joueurs catalans les jours de compétition, ainsi qu’une visibilité dans le stade du Spotify Camp Nou, dont la réouverture est programmée pour le 10 août.
Ce partenariat inclut également deux minutes d’affichage publicitaire par match et par support, un salon VIP, la privatisation du stade une fois par an, un showroom de plus de 80 m2, et l’organisation de quatre stages annuels de formation pour une cinquantaine de jeunes joueurs congolais. Un premier versement de 10 millions d’euros a déjà été effectué, le montant augmentant progressivement chaque saison pour atteindre 11,5 millions d’euros en 2028-2029, à la fin du contrat.
Remédier d’abord aux problèmes sociaux
Dans un pays où les besoins en infrastructures, en éducation, en santé et en développement humain restent immenses, cette stratégie de visibilité à coût élevé soulève donc de vives critiques. En qualifiant ces accords de « contrats léonins et coloniaux », la Fédération Benelux du PPRD espère faire pression sur les clubs européens pour qu’ils revoient leur position et rompent avec ce qu’elle considère comme une « exploitation de l’ignorance » des dirigeants congolais.
Ces contrats de sponsoring font face à une forte opposition au sein de l’opinion publique congolaise. Pour de nombreux Congolais, ces accords ne répondent pas à une urgence nationale et constituent un gaspillage de ressources dans un contexte où le pays fait face à d’importants défis sociaux et économiques.
Sur les réseaux sociaux, les critiques insistent sur la nécessité de prioriser les besoins fondamentaux comme les infrastructures, la santé ou l’éducation avant de financer des partenariats sportifs coûteux.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Congo Kinshasa, suivez Africa-Press