Membres Fantômes Et Leur Impact Durable Sur Le Cerveau

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Membres Fantômes Et Leur Impact Durable Sur Le Cerveau
Membres Fantômes Et Leur Impact Durable Sur Le Cerveau

Africa-Press – Congo Kinshasa. Ils disent toujours ressentir le chaud ou le froid, les picotements, parfois de vives douleurs, voire même avoir l’impression de pouvoir continuer à bouger… alors qu’ils ont perdu un membre. Ce phénomène de « membre fantôme », rapporté par des personnes ayant subi une amputation, a été l’objet de nombreuses recherches, parfois contradictoires. Cette fois, une nouvelle étude publiée dans Nature Neuroscience vient clore le débat. Elle montre que dans le cerveau des personnes amputées, la « carte mentale » de leurs corps reste inchangée. Les zones qui contrôlaient le membre désormais perdu sont toujours là et ne s’effacent pas avec le temps. Une découverte qui ouvre la voie à une meilleure prise en charge de la douleur et à la conception de prothèses plus efficaces.

Une « carte mentale » intacte après plus de 20 ans

Dans notre cerveau se trouve une sorte de « plan » ou de « carte » de notre corps entier. Elle est nichée dans le cortex somatosensoriel, la région du cerveau qui traite toutes les informations sensorielles: le toucher, la douleur, la température ou encore la position du corps. Quand nous touchons quelque chose de chaud avec la main, une région s’active ; si on se cogne le coude, ce sera au tour d’une autre. De précédentes recherches supposaient qu’après un accident ou une amputation, le cerveau réarrangeait cette carte du corps en faisant disparaître la zone attribuée au membre perdu et en compensant avec d’autres zones pour amortir cette perte.

Pourtant, de nombreuses personnes amputées relatent des sensations de membre fantôme. À l’imagerie, des individus à qui l’on demandait de bouger des doigts manquants présentaient une activité cérébrale distincte pour chacun d’eux. Pour aller plus loin, une équipe de l’Université de Cambridge a réalisé des IRM du cerveau à des volontaires qui se préparaient à subir une amputation de la main. La première imagerie, celle de référence, a été prise avant l’amputation, alors que les participants pouvaient encore mouvoir tous leurs doigts. Ensuite, les imageries se sont poursuivies à différents intervalles. Une fois juste après l’amputation, ensuite trois mois après, puis six mois, et ainsi de suite jusqu’à un an et demi après avoir perdu leurs membres. Et le résultat s’est montré surprenant.

Au fil des mois, la région cérébrale s’activait de façon presque identique, sans aucune diminution notable. Pour enfoncer le clou, ils ont comparé ces IRM avec celles de 26 participants amputés en moyenne 23,5 ans auparavant. Encore une fois, les imageries n’avaient pas bougé. « La représentation de la main dans le cerveau est restée remarquablement stable et préservée, même plusieurs années après que le membre a été amputé. Le cerveau n’efface donc pas la mémoire du membre manquant. Il maintient sa présence », raconte à Sciences et Avenir le Dr Hunter Schone, spécialisé en neuroplasticité à l’Université de Pittsburgh, qui s’est dit « époustouflé » à la découverte des résultats de son étude.

L’activité cérébrale liée à la main (en rouge) reste la même avant et après l’amputation. A titre de comparaison, l’activité de la bouche (en bleu) reste aussi similaire. Crédit photo: Tamar Makin / Hunter Schone

Faciliter la vie des personnes amputées

Cette découverte pourrait faciliter la vie des personnes amputées à bien des égards. A commencer par les thérapies destinées à traiter les douleurs dans les membres fantômes. L’approche actuelle consiste à tenter de restaurer la représentation du membre dans le cerveau. « Il y a sans doute de meilleures approches à envisager. Il faudrait commencer par comprendre d’où vient la douleur fantôme, peut-être de changements au niveau des nerfs sur le site d’amputation ou peut-être de la moelle épinière », explique le chercheur.

Par ailleurs, cette « carte mentale » du corps bien préservée dans le cerveau ouvre la voie à des travaux plus avancés sur les prothèses. Ils supposent que le cerveau pourrait les contrôler avec d’autant plus de facilité qu’il se « souvient » avec précision du membre initial. Un gros avantage pour l’utilisation de neuroprothèses, avec une interface cerveau-machine. « Le cerveau pourrait produire les signaux de contrôle vers des prothèses de membre nécessitant l’exécution de contractions musculaires très fines. Mais décoder ces signaux de sortie restent un grand défi », pondère le Dr Schone. Pour le moment, l’équipe veut se frotter à la question centrale qui ressort de ces travaux: pourquoi donc le cerveau maintient-il une représentation intacte du membre perdu, et ce, au fil des années? En trouvant ces réponses, il espère un jour pouvoir permettre aux personnes ayant perdu une main de retrouver de véritables sensations: les textures, la posture, voire même la température.

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