Squat de Pompéi Pendant Quatre Siècles Avant Abandon

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Squat de Pompéi Pendant Quatre Siècles Avant Abandon
Squat de Pompéi Pendant Quatre Siècles Avant Abandon

Africa-Press – Congo Kinshasa. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’histoire de Pompéi ne s’est pas arrêtée avec l’éruption du Vésuve de l’an 79 de notre ère. Après la catastrophe, certains habitants sont revenus chez eux, des sans-abri y ont trouvé refuge ; la vie a repris tant bien que mal dans ce semblant de ville, qui ne sera définitivement abandonnée que vers la fin du 5e siècle.

De nouvelles fouilles archéologiques dans le quartier de l’Insula Meridionalis viennent d’en apporter la preuve tangible, démontrant au passage combien le travail d’exhumation des vestiges enfouis dans le sol ressemble, avec toutes ses ambiguïtés sélectives, à celui de la mémoire. Car en allant chercher les seules couches relatives à la vie avant l’éruption, les fouilleurs d’autrefois ont en effet effacé le passé le plus proche, et voué à l’oubli cette période où la vie a tenté de reprendre le dessus.

Les ruines de Pompéi ont été squattées pendant quatre siècles avant son abandon définitif

Comme l’expliquent les chercheurs réunis autour de Gabriel Zuchtriegel, directeur du Parc archéologique de Pompéi, dans le dernier Journal des fouilles effectuées sur le site, le quartier de l’Insula Meridionalis fait actuellement l’objet de mesures de restauration et de sécurisation. Si les premières observations effectuées dans la zone sud de l’ancien centre urbain ne sont encore que préliminaires, elles confirment toutefois des hypothèses déjà énoncées, laissant entendre que la cité romaine a été occupée après l’éruption du Vésuve. L’image de la catastrophe est tellement prégnante que l’on a tendance à penser que tous les habitants ont péri, corps et biens, mais ce n’est pas le cas.

Certains habitants se sont enfuis dans d’autres villes

En 2019, une étude avait déjà mis en évidence qu’un certain nombre de Pompéiens avaient pu quitter la ville à temps et s’établir dans d’autres villes de Campanie (Cumes, Naples ou Pouzzoles). Il suffit également de comparer le nombre d’habitants de la cité – estimé à au moins 20.000 en 79 de notre ère – avec le nombre de victimes retrouvées – environ 1.300 depuis le début des fouilles au 18e siècle – pour se rendre compte que seule une petite proportion des Pompéiens (un peu plus de 10% selon les chercheurs) semble avoir perdu la vie, dans la mesure où les deux tiers de la ville ont déjà été mis au jour.

Certains sont sans doute morts aux abords de la cité, mais la plupart ont survécu et tous n’avaient pas les moyens de refaire leur vie ailleurs. Pour les chercheurs, ceux-là sont donc revenus à Pompéi, sans doute suivis par d’autres, probablement attirés par ce qu’ils pourraient trouver dans les décombres des maisons abandonnées.

On accédait aux maisons par les étages supérieurs

Mais comment ces personnes ont-elles pu vivre dans une ville enfouie sous des couches de pierres ponces et de cendres? Force est de constater que certains bâtiments ne l’étaient qu’en partie, et que les nouveaux habitants ont réussi à s’installer, dès la fin du 1er siècle, en accédant aux maisons par les étages supérieurs, situés au-dessus des couches volcaniques.

Dans le quartier de l’Insula Meridionalis, qui comptait certaines des villas les plus luxueuses de la ville pourvues de terrasses offrant une vue imprenable sur le littoral, les anciens entrepôts (Horrea) sont restés largement intacts et portent les traces des réaménagements opérés après l’éruption. De nouvelles parois y ont été élevées pour créer des espaces plus confinés, des matériaux de récupération ont servi à installer des escaliers pour descendre vers les étages inférieurs, transformés en sous-sols et en caves. Les nouveaux habitants y ont aménagé des foyers, des fours, des meules et y ont laissé des lampes à huile et des récipients en céramique originaire d’Afrique du Nord.

Rome n’a pas vraiment réussi à reprendre le contrôle de la cité

« Ces preuves de fréquentation d’une partie de la ville de Pompéi quelques décennies après l’éruption de 79 ap. J.-C. sont tout à fait en accord avec la reprise de contrôle de la zone vésuvienne, écrivent les chercheurs. C’est ainsi entre 120 et 121 ap. J.-C. que la route entre Nuceria et Stabies (directement au sud de Pompéi, ndlr) a été officiellement rouverte ; puis la reconstruction de la route côtière qui relie Naples à Pompéi s’est poursuivie en direction de Stabies et de Sorrente. » Pour autant, Pompéi n’a jamais retrouvé son statut de cité romaine au sens propre.

Même si l’empereur Titus envoya en Campanie deux anciens consuls chargés de promouvoir la refondation de Pompéi et d’Herculanum, en redistribuant aux « cités affligées » les biens de ceux qui n’avaient pas laissé d’héritiers, pour Gabriel Zuchtriegel, cette tentative n’a pas été décisive, car Pompéi « est restée une ombre, une ville invisible, tant au niveau institutionnel (il n’y a pas d’inscriptions, de bâtiments publics ayant laissé des traces, etc.) qu’au niveau de la mémoire archéologique ».

La ville a plutôt été squattée

Les artefacts et les structures mis au jour laissent en effet deviner une ville plus « squattée » que réinvestie, où régnaient l’incertitude et la précarité. Quel contraste avec la richesse et la splendeur qui caractérisaient autrefois ce quartier ! Il faut imaginer des installations de fortune dans les plus belles villas, comme en atteste la présence d’un petit four à pain familial aménagé dans une ancienne citerne au sous-sol de la Maison des Mosaïques géométriques – c’était autrefois l’une des plus grandes villas de Pompéi, elle comptait 60 pièces et s’étendait sur 3000 mètres carrés.

La présence de ce four ne peut être interprétée que comme l’indice d’une vie sur le fil, fondée sur une économie de subsistance et d’autosuffisance: « Dans une période d’instabilité économique, politique et commerciale, la capacité à produire du pain de manière indépendante est devenue plus importante », analysent les chercheurs.

Une concentration de fours à pain

Ce four ressemble étrangement à un autre, notent-ils d’ailleurs, mis au jour dès 1936 tout près, dans la maison Championnet, et qui était lui aussi posé sur des couches éruptives. Alors comment se fait-il qu’à l’époque on n’ait pas pris en compte cette période de réoccupation de la ville? C’est toute l’ambiguïté du travail de fouille, qui choisit ce qu’il met au jour, ce qu’il laisse enfoui, et ce qu’il détruit.

C’est la Pompéi de 79 qui l’emporte sur les autres

Car il n’existe pas qu’une seule Pompéi, rappelle Gabriel Zuchtriegel, mais « de nombreuses Pompéi souterraines, avant et après 79 ap. J.-C. ». Pour autant, c’est la cité telle qu’elle existait au moment de l’éruption qui est la plus importante archéologiquement parlant. Dès les premières fouilles, au 18e siècle – qui relevaient plus de l’excavation pure et simple que de fouilles organisées car on souhaitait avant tout, et avidement, extraire statues, fresques et objets précieux –, on a donc littéralement « balayé les faibles traces de la réoccupation du site sans aucune documentation », rappelle le directeur du Parc archéologique.

Protéger le patrimoine archéologique pour les générations futures

Pour éviter de réitérer ces erreurs, qui ne sont pas uniquement caractéristiques des premiers temps de l’archéologie, le chercheur rappelle que le patrimoine archéologique est désormais protégé en vertu d’une convention européenne, signée en 1992 à La Valette, instaurant la nécessité d’établir « des ‘zones de réserve archéologique’, même en l’absence de vestiges visibles en surface ou sous l’eau, pour la préservation des preuves matérielles qui peuvent être étudiées par les générations futures ».

On considère en effet que dans la mesure où les scientifiques disposeront certainement à l’avenir de possibilités et de technologies d’investigation toujours plus performantes, les archéologues actuels doivent accepter « d’oublier » dans le sol une partie des sites qu’ils fouillent.

Les chercheurs du futur trouveront ainsi peut-être le moyen d’expliquer la véritable fin de Pompéi, dont on ne sait ni à quelle date exacte, ni pour quelles raisons précises elle fut définitivement abandonnée. On présume pour le moment que ses habitants l’ont quittée suite à une nouvelle éruption dévastatrice du Vésuve en 472 de notre ère, quatre ans à peine avant la chute de l’Empire romain.

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