Africa-Press – Congo Kinshasa. Le procès du braquage de l’agence Rawbank de la Place Victoire à Kinshasa, ouvert après les événements du 16 octobre 2025, connaîtra une étape décisive ce vendredi 14 novembre 2025. À cette audience, le ministère public présentera son réquisitoire, les parties civiles exposeront leurs conclusions et les avocats de la défense tiendront leurs plaidoiries des moments appelés à éclairer, de manière cruciale, le rôle respectif des prévenus et des forces de sécurité impliquées.
Lors de l’audience mardi 11 novembre au tribunal militaire de garnison de Kinshasa–Gombe, les juges ont projeté, pour la première fois, des images de vidéosurveillance tournées à l’intérieur de l’agence le jour du braquage. Ces enregistrements corroborent des éléments jusque-là contestés et ont conféré au dossier un tournant particulier: on y voit, a posteriori, des policiers et des militaires déployés pour sécuriser l’agence se servir dans la caisse et vider le sac de la présumée braqueuse, Honorine Porsche, citoyenne allemande d’origine congolaise, inculpée pour terrorisme, association de malfaiteurs et vol à main armée.
Le tribunal a en conséquence ordonné au ministère public de déférer les agents de sécurité identifiés appartenant à la Police nationale congolaise et à la Task Force afin que des suites disciplinaires et judiciaires leur soient données. L’auditeur militaire a, pour sa part, été chargé de préparer les réquisitions disciplinaires et judiciaires en vue de la prochaine audience.
Honorine Porsche, arrêtée lors d’une opération menée par la police et les forces armées après l’échec du braquage, avait affirmé devant le tribunal que l’argent qu’elle avait dérobé avait été récupéré par des hommes en uniforme présents sur le site. Les images projetées viennent désormais étayer sa version: on y aperçoit notamment la banquière Bénédicte Tshiola remettant des liasses d’argent à la prévenue vers 9 h 45, séquence que celle-ci a reconnue à la barre en déclarant: « Oui, je reconnais qu’elle m’avait donné l’argent après l’avoir menacée de mort. C’est alors qu’elle m’a remis de l’argent ».
Les bandes de surveillance montrent également, quelques minutes après l’incident, la présence d’un militaire de la Task Force de la 14e région et d’un autre individu non identifié, en train de récupérer des liasses d’argent. Toutefois, aucun des quatre militaires déjà déférés devant le tribunal n’a été formellement localisé sur les lieux au moment précis des faits, selon les éléments communiqués en audience.
Un médecin du CNPP évoque des troubles mentaux
Autre élément saillant de l’audience du 11 novembre: l’audition du docteur Roland Nengi, spécialiste du Centre neuro-psycho-pathologique (CNPP) de Kinshasa, qui a estimé que la prévenue souffrirait de troubles mentaux résultant d’un passé personnel traumatique. Le médecin a fait état d’une « personnalité anti-sociale » attribuée à des traumatismes de l’enfance, aggravés, selon lui, par le refus de la garde de ses enfants et un lourd endettement contracté auprès des institutions financières en Allemagne. « Elle paraît en bonne santé, mais sa tête est dérangée », a-t-il résumé, avant d’ajouter que nombre de personnes à Kinshasa souffrent de dépression sans le savoir.
Ce diagnostic a immédiatement été mis en avant par la défense, qui a plaidé pour la non-imputabilité des faits au motif d’un état mental défaillant. Le magistrat du parquet a, en revanche, rejeté cette thèse en soulignant la lucidité manifestée par la prévenue au moment des faits: selon le parquet, son comportement au cours du braquage contredirait l’existence d’un trouble mental exonératoire.
L’arme qualifiée de « jouet » mais assimilée à une arme de guerre par simulation
S’agissant de l’objet exhibé par la prévenue lors du braquage, le magistrat a précisé qu’il s’agissait d’un « jouet ». Toutefois, la jurisprudence retient que la simulation d’une arme, dès lors qu’elle inspire la peur et permet la commission d’un vol, peut être assimilée à l’usage d’une arme de guerre par simulation, qualification susceptible d’aggraver la nature des charges retenues.
Rappel des procédures parallèles
Ce dossier judiciaire s’inscrit dans une série de procédures connexes. La Cour militaire de Kinshasa–Gombe avait rendu, le jeudi 6 novembre, un jugement dans l’affaire des traitements inhumains et dégradants infligés à Honorine Porsche après son arrestation. Dans ce volet, un adjudant a été condamné à dix ans de prison, tandis que les officiers poursuivis ont été acquittés. La cour a, par ailleurs, accordé à la prévenue des dommages et intérêts d’un montant de 5 000 dollars américains. Toutes les parties avaient annoncé leur intention de faire appel.
L’affaire a suscité une vive émotion publique et des réactions diplomatiques: l’ambassade d’Allemagne avait, dès le 20 octobre, condamné les traitements infligés à sa ressortissante et appelé les autorités congolaises au respect des droits humains. Les images virales montrant des militaires déshabillant la prévenue et l’exposant publiquement au mépris ont renforcé l’indignation et poussé le parquet militaire à réclamer des sanctions exemplaires contre les auteurs de ces actes dégradants.
À l’approche de l’audience du 14 novembre 2025, le dossier reste donc profondément polarisé: d’un côté, la mise en cause d’agents des forces de sécurité désormais filmés en train de se servir dans la caisse ; de l’autre, la question de la responsabilité pénale et de l’état mental de la prévenue, soumise à expertise. L’audition du réquisitoire, les conclusions des parties civiles et la plaidoirie de la défense, devront permettre d’éclaircir ces points et de déterminer la suite judiciaire à donner à cette affaire complexe.
La justice est appelée à trancher ou du moins à poser des jalons décisifs sur la responsabilité pénale, civile et disciplinaire de différents protagonistes impliqués dans le braquage et ses suites.
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