Africa-Press – Congo Kinshasa. Le contraste est frappant. Il y a deux semaines, le président congolais Félix Tshisekedi repartait de Paris avec des promesses de soutien solide de la France, tant sur le plan économique que sécuritaire. Lors de sa visite, Emmanuel Macron avait affirmé avec force la position de la France en faveur de la souveraineté de la RDC, tout en appelant à la fin des ingérences étrangères et des soutiens aux groupes armés dans l’Est du pays. Pourtant, hier, le 16 mai, la France a conclu un accord de coopération militaire renouvelé avec le Rwanda, jetant une ombre sur ses engagements envers la RDC et soulevant des questions sur les véritables alliances de Paris en Afrique centrale.
La visite récente d’une délégation des Forces de Défense du Rwanda (RDF) à Paris, menée par le Général de Brigade P. Karuretwa, a abouti à la signature d’une nouvelle feuille de route pour la coopération militaire entre la France et le Rwanda jusqu’en 2025. Ce renforcement des liens militaires intervient alors même que Paris assurait Kinshasa de son soutien contre les agressions militaires orchestrées par des groupes armés soutenus par Kigali, notamment le tristement célèbre M23.
Cette situation suscite des interrogations légitimes sur la sincérité des engagements français envers la RDC. Comment expliquer que Paris, qui se pose en défenseur de l’intégrité territoriale de la RDC, renouvelle en parallèle sa coopération avec un État accusé de déstabiliser cette même intégrité ?
La réponse réside peut-être dans la géopolitique complexe de la région. Le Rwanda, sous la présidence de Paul Kagamé, a su se positionner comme un partenaire incontournable pour les puissances occidentales. Fort de son influence régionale et de sa capacité à maintenir une relative stabilité interne, Kigali offre à la France une porte d’entrée stratégique en Afrique de l’Est. Le Rwanda est également un acteur clé dans plusieurs opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’Union africaine, ce qui renforce son statut de partenaire militaire privilégié.
Cette dualité dans les relations franco-africaines n’est pas nouvelle. La France, comme d’autres puissances, pratique une diplomatie de réalpolitik où les intérêts stratégiques et économiques priment souvent sur les discours officiels et les engagements moraux. Le partenariat avec le Rwanda, riche en ressources naturelles et positionné de manière stratégique, semble ainsi répondre à des impératifs géopolitiques et économiques clairs.
En parallèle, la France ne peut se permettre d’ignorer le poids économique et géopolitique de la RDC, un pays vaste aux ressources immenses et aux enjeux cruciaux pour la stabilité de l’Afrique centrale. D’où l’équilibre délicat que tente de maintenir Paris, entre soutien affiché à la RDC et partenariat renforcé avec le Rwanda.
Pour le président Tshisekedi et son gouvernement, cette situation pose un défi de taille. La confiance en la France, déjà ébranlée par les événements passés, pourrait être sérieusement compromise. Les Congolais peuvent légitimement se demander si les promesses de soutien et de coopération sont sincères, ou simplement des paroles en l’air destinées à apaiser temporairement les tensions.
Les engagements récents de Paris à l’égard de Kigali rappellent brutalement que dans les relations internationales, les alliances peuvent être fluides et dictées par des intérêts souvent opaques. Pour la RDC, cela signifie redoubler de vigilance et diversifier ses partenariats, tant sur le continent qu’au niveau international, afin de ne pas dépendre d’un allié dont la loyauté semble fluctuante.
L’annonce du renouvellement de la coopération militaire entre la France et le Rwanda met en lumière une réalité complexe et souvent cynique des relations internationales. Pour la RDC, il s’agit d’une piqûre de rappel sur la nécessité de renforcer ses propres capacités diplomatiques et militaires pour assurer sa souveraineté et défendre ses intérêts face à des partenaires dont les engagements peuvent changer avec les vents de la géopolitique.
Paris joue un jeu délicat, jonglant entre ses intérêts stratégiques en Afrique de l’Est et ses promesses de soutien à un Congo en proie à des défis sécuritaires et économiques majeurs. Seule l’histoire dira si cette approche équilibriste pourra durablement servir les intérêts de la France en Afrique centrale, sans compromettre ses relations avec des partenaires essentiels comme la RDC.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Congo Kinshasa, suivez Africa-Press