
Africa-Press – Congo Kinshasa. Mars n’a pas toujours été la planète ocre, froide et désertique qu’on observe aujourd’hui. Elle était bien plus chaude et humide il y a plus de trois milliards d’années, abritant alors un océan, des lacs et des rivières qui ont laissé de nombreuses traces dans les paysages martiens.
Une partie de cette eau se trouve désormais dans les régions polaires sous forme de glace ou de permafrost. Mais la majorité se serait échappée dans l’espace, supposent les planétologues, en raison d’une série de bouleversements climatiques et géologiques comme la disparition du champ magnétique de Mars.
Suffisamment d’eau liquide pour couvrir la planète
Trois chercheurs américains remettent en question cette théorie. Ils soutiennent que d’immenses quantités d’eau liquide seraient toujours présentes dans le sous-sol de la planète: dans la partie médiane de la croûte martienne, à des profondeurs comprises entre 11,5 et 20 kilomètres, où l’eau se serait infiltrée dans les pores, failles et anfractuosités des roches.
Selon leurs calculs, ce réservoir contiendrait suffisamment d’eau liquide pour couvrir la planète entière et former un océan « de 1 à 2 kilomètres de profondeur », précise un communiqué de l’université de Californie à Berkeley.
Représentation de la structure de la croute martienne qui contiendrait de très importantes quantités d’eau liquide à partir de 11,5 km de profondeur. Crédits: James Tuttle Keane and Aaron Rodriquez, courtesy of Scripps Institution of Oceanography
Tremblements de Mars
Le trio de scientifiques se fonde, pour cela, sur l’analyse d’ondes sismiques captées entre 2018 et 2022 par la mission de la Nasa InSight (Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport). Grâce à son sismomètre développé en France par l’Institut de physique du globe de Paris, elle a enregistré plus de 1300 « tremblements de Mars » causés par l’activité géologique de la planète ainsi que des impacts de météorites.
Ainsi, en étudiant les variations de vitesse de différents types d’ondes sismiques et en comparant ces profils avec des modèles mathématiques décrivant divers matériaux, les chercheurs américains estiment que ces signaux trahissent l’existence d’une épaisse couche de roche saturée en eau.
Vue d’artiste de l’atterrisseur InSight et son sismomètre déposé sur la surface de Mars. Crédits: NASA/JPL-Caltech
Un environnement potentiellement habitable
Avec, potentiellement, de profondes implications pour la compréhension de l’évolution climatique de Mars… et même la présence éventuelle de vie ! « Établir qu’il existe un grand réservoir d’eau liquide donne une idée de ce qu’était ou aurait pu être le climat martien, avance le géologue Michael Manga, coauteur de l’étude. Et l’eau est nécessaire à la vie telle que nous la connaissons. Je ne vois pas pourquoi (ce réservoir souterrain) ne serait pas un environnement habitable (…). Nous n’avons trouvé encore aucune preuve de vie sur Mars, mais au moins avons-nous identifié un endroit qui pourrait, en principe, être capable d’héberger la vie. »
D’autres interprétations sont possibles
Mais ces conclusions ne font pour le moment pas consensus. « Je ne suis pas vraiment convaincue par ces résultats, objecte Chloé Michaut, professeur à l’Ecole normale supérieure et au Laboratoire de géologie de Lyon. Les variations de vitesse des ondes sismiques semblent certes correspondre à des roches fracturées dans cette partie de la croûte. Mais la présence d’eau liquide, dans les pores, n’est pas solidement établie par les données. D’autres explications sont tout à fait possibles. »
Ce n’est pas tout. Car l’équipe américaine a utilisé les vitesses enregistrées sous l’atterrisseur InSight pour les extrapoler à la planète entière. « Elle aurait pu exploiter d’autres mesures, légèrement différentes mais plus globales, qui auraient pu conduire à d’autres interprétations », signale Chloé Michaut.
Magnitude 5
En 2023, en analysant les ondes produites par le plus gros séisme détecté par InSight, d’une magnitude proche de 5, des sismologues français étaient parvenus d’ailleurs à une tout autre conclusion. Selon eux, la croûte martienne serait en effet « sèche et hétérogène ». La prudence est donc de mise. D’autres études et d’autres types de preuves seront ainsi nécessaires pour mieux comprendre ce qui se trouve dans le sous-sol martien.
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