Est de la RDC : à New York, Félix Tshisekedi tente de sortir de l’impasse

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Est de la RDC : à New York, Félix Tshisekedi tente de sortir de l’impasse
Est de la RDC : à New York, Félix Tshisekedi tente de sortir de l’impasse

Africa-Press – Congo Kinshasa. António Guterres en a-t-il trop dit ou pas assez ? Interrogé le 18 septembre sur les moyens dont dispose la rébellion du M23, le secrétaire général de l’ONU l’a comparée à une « armée moderne, avec des équipements lourds qui sont plus perfectionnés que ceux de la Monusco ». Il a en revanche refusé de prendre position sur la question d’un soutien du Rwanda à ce groupe armé, se contentant de dire que « [les rebelles du M23] n’étaient pas nés dans la forêt [et qu’ils venaient] de quelque part ». Kinshasa en a-t-il été déçu ? « On ne peut pas dire que cela soit une surprise, répond un diplomate congolais. L’ONU tient ce discours depuis plusieurs mois. » « Il s’agit d’un aveu d’impuissance des Nations unies », renchérit un ministre de Félix Tshisekedi.

À la tribune de l’ONU, où il s’exprimait le 20 septembre, le chef de l’État a néanmoins réitéré ses accusations contre Kigali. « L’implication du Rwanda et sa responsabilité dans la tragédie que vivent mon pays et mes compatriotes des zones occupées par l’armée rwandaise et ses alliés du M23 ne sont plus discutables », a-t-il affirmé. Félix Tshisekedi a également appelé les « Nations unies, l’Union africaine, les communautés régionales africaines et les partenaires de la RDC à ne plus se fier aux dénégations éhontées des autorités rwandaises ».

Paul Kagame lui a indirectement répondu lors de son discours, le 21 septembre, à la même tribune. « Il est urgent de trouver la volonté politique de s’attaquer enfin aux causes profondes de l’instabilité dans l’est de la RDC. Le jeu des reproches ne résout pas les problèmes », a déclaré le président rwandais, qui nie, depuis le début de la crise, apporter un quelconque soutien aux rebelles et accuse en retour l’armée congolaise de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

La communauté internationale prudente et divisée

Le discours de Félix Tshisekedi n’est pas surprenant. Il s’inscrit dans la lignée des propos qu’il martèle devant ses différents interlocuteurs depuis plusieurs mois. En quête de soutiens diplomatiques, le président se heurte à une communauté internationale divisée. La déclaration du secrétaire général de l’ONU est à cet égard révélatrice de la prudence qui prévaut face à la crise qui oppose, depuis plusieurs mois, la RDC et le Rwanda, lequel demeure par ailleurs l’un des principaux contributeurs des troupes mobilisées pour les opérations de maintien de la paix des Nations unies.

Plusieurs chancelleries occidentales à Kinshasa confient pourtant détenir des éléments tendant à confirmer l’implication – ne serait-ce que logistique – du Rwanda auprès du M23. Certaines de ces preuves, obtenues notamment par la Monusco, ont d’ailleurs alimenté un rapport du groupe d’experts de l’ONU. Selon ce document, qui a fait l’objet d’une fuite début août, « l’armée rwandaise a lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des positions des Forces armées congolaises ». Kigali a une nouvelle fois rejeté ces allégations.

Les États-Unis ont été parmi les premiers partenaires de la RDC à pointer, par le biais de leur ambassade à Kinshasa, « la présence signalée de forces rwandaises » aux côtés du M23. En visite au Rwanda et en RDC en août, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a abordé ce sujet ainsi que celui de la collaboration entre l’armée congolaise et les FDLR.

Mais Washington peine à assurer un suivi de ce dossier sur le terrain. Son ambassadeur sur place, Mike Hammer, a été nommé au poste d’envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique et sa remplaçante, Lucy Tamlyn, n’a pas encore pris ses fonctions. Pour ne rien arranger, les États-Unis n’ont plus d’envoyé spécial dans les Grands Lacs depuis 2020.

Kinshasa, qui s’est offert les services de deux cabinets de lobbying américains, tente toujours d’obtenir un soutien plus franc de l’administration Biden. Pour ce faire, ces derniers poussent la RDC à déclarer légalement le M23 comme groupe terroriste, ce qui permettrait de demander des sanctions en cas de complicité avérée.

Selon un proche conseiller du président congolais, les États-Unis, comme la France, ont néanmoins œuvré en coulisses ces derniers mois « pour faire passer des messages au Rwanda et à l’Ouganda ». Paris, qui suit de près cette affaire, adopte pour le moment une position d’équilibriste. Les relations avec Félix Tshisekedi sont bonnes, mais Emmanuel Macron reste proche de Paul Kagame, par ailleurs impliqué dans plusieurs dossiers stratégiques pour la France tels que la Centrafrique ou le Mozambique.

Cohérence stratégique

Le chef de l’État congolais a multiplié les interlocuteurs, au détriment, peut-être, d’une certaine cohérence stratégique. La Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), que la RDC a rejointe en mars dernier, a pris, avec le Kényan Uhuru Kenyatta, la tête d’un premier processus de médiation. Lequel a abouti à un dialogue avec les groupes armés, dont le M23 est aujourd’hui exclu, mais le Rwanda n’a jamais été indexé comme soutien des rebelles. Kigali a en revanche été mis à l’écart de la force régionale conjointe de l’EAC et ses troupes devront se contenter de contrôler leur frontière avec la RDC.

Au sein de la sous-région, le rapport de force n’est pas clair pour autant. L’Ouganda, qui s’est à nouveau rapproché du Rwanda, est soupçonné par Kinshasa d’avoir pris fait et cause pour Kigali. De plus, Uhuru Kenyatta, qui entretenait de bons rapports avec Félix Tshisekedi, a quitté le pouvoir. Avec William Ruto, qui lui a succédé, les relations sont bien plus distantes. L’autre médiation, confiée au chef de l’État angolais, João Lourenço, a quant à elle été freinée par la tenue, en août dernier, de l’élection présidentielle.

Alliée historique de Kinshasa, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), que préside Tshisekedi, a également été sollicitée pour prendre position. Lors du sommet qui s’est tenu dans la capitale congolaise en août dernier, le chef de l’État avait dénoncé « l’agression lâche et barbare » de son voisin. Il a aussi profité de l’occasion pour remercier ses homologues tanzanien, malawite et sud-africain, dont les troupes alimentent la brigade d’intervention de la Monusco (FIB). Mais, là encore, le communiqué final du sommet n’a pas directement épinglé le Rwanda.

L’Afrique du Sud, poids lourd de la SADC, entretient depuis plusieurs années des relations délicates avec le Rwanda. Mais Pretoria se montre également méfiant vis-à-vis de Kinshasa, qui lui a semblé privilégier ces dernières années un rapprochement avec ses voisins de l’EAC, au détriment d’autres pays clés de l’ère Kabila. La proximité que continuent d’entretenir plusieurs caciques de l’ancien régime avec l’Afrique du Sud alimente également la méfiance entre les deux pays.

DGSE

Si l’entourage de Tshisekedi regrette en privé le manque de soutien de la communauté internationale, le projet d’évoluer vers un dialogue tel que préconisé par l’ONU et d’autres partenaires semble, à ce stade, assez illusoire. D’autant qu’à l’approche de l’élection présidentielle, qui doit normalement se tenir fin 2023, Félix Tshisekedi pourrait se montrer réticent à l’idée de négocier avec le Rwanda. L’opinion publique congolaise pourrait ne pas apprécier.

Il subsiste malgré tout des canaux de discussion. Des émissaires du président rwandais ont fait le déplacement en RDC en juillet. Par ailleurs, comme l’a révélé Jeune Afrique, la France mène actuellement une médiation via la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Cette dernière a réuni à Paris, le 16 septembre, les chefs des services de renseignement de la RDC, de l’Ouganda et du Rwanda.

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