Africa-Press – Djibouti. On la distingue sur les étals de marchés kényans par sa couleur verte et sa forme potelée. Epaisse, cueillie avant mûrissement, la banane matoke ressemble de loin à sa cousine, la plantain. Mais la variété locale, fruit des « bananiers d’altitude d’Afrique de l’Est », puise ses racines sur les hauts plateaux tropicaux de la région des Grands Lacs.
La matoke, ou matooke, est comme chez elle en Ouganda, le deuxième plus grand producteur de bananes au monde après l’Inde. Ici, elle est consommée quotidiennement par 75 % de la population. Elle constitue l’aliment de base pour 30 millions d’individus entre l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya, portant le nombre de consommateurs sur le continent à 100 millions. A tel point qu’à Kampala, le mot est devenu synonyme de nourriture.
A la vapeur ou bouillie, tranchée ou entière, il existe mille façons de cuisiner cette banane fortement amidonnée et sans goût prononcé. Elle est généralement découpée, cuite dans des feuilles de bananier, écrasé en purée ou servie en ragoût pour devenir le fameux matoke.
« C’est un plat de confort, familial, que nous préparaient nos grands-mères pendant notre enfance, on le consommait à la maison, raconte Chanya Mwanyota, une jeune entrepreneuse kényane. Mais avec les nouveaux modes de vie urbaine, les gens se décident à le déguster sur le pouce », explique celle qui a lancé à Nairobi, la capitale kényane, Grandma Ruks, un service de livraison à domicile de gastronomie locale pendant la pandémie de Covid-19.
« Il fait un carton, car c’est un plat local, peu cher et que vous pouvez accompagner d’à peu près tout », renchérit-elle. Sur son menu, les options sont légion : garni de poisson, de bœuf ou de chapatis. Le tout pour 450 shillings (3 euros). Un tarif qui n’est pas à la portée de toutes les bourses dans un Kenya soumis à l’inflation, où les travailleurs journaliers préfèrent le déguster à la va-vite, et pour un tiers du prix, dans l’un des nombreux kibanda, les gargotes de bord de route.
« Vegan et sans gluten »
Ces dernières années, la banane verte a connu un retour en grâce au sein de la classe moyenne kényane à la faveur des injonctions du bien-manger et du manger local. Au Kenya, une étude du ministère de la santé démontre que 45 % des femmes âgées de 20 à 49 ans sont en surpoids ou obèses. « Nous avons parfois oublié en Afrique de cuisiner des plats sains », affirme Paulino Awino, une cheffe kényane installée aux Etats-Unis.
« Parce que nos pays ont connu un développement rapide, la nouvelle classe aisée dans les villes a voulu copier les habitudes occidentales des fast-foods et des plats frits », dit-elle. Aujourd’hui, la banane verte tient sa revanche et apparaît même sur les menus des restaurants chics de Nairobi.
Dans son dernier livre de recettes Africa Eats : Traditional & Ancient Foods for the Modern Kitchen, Pauline Awino accorde une place de choix au matoke, qu’elle décrit comme un plat « tendance », « rempli de protéines, vegan et sans gluten ». De fait, il est riche en vitamine B, vitamine C, potassium et fibres, et illustre son slogan : « La plus grande richesse c’est la santé ! »
« Les gens réalisent que la nourriture occidentale est prestigieuse, mais que nos plats indigènes sont meilleurs, souvent plus faciles et moins coûteux à préparer », insiste la cheffe née à Nairobi et dont la famille est originaire de la ville de Kisumu, proche de la frontière ougandaise, dans une région où prospèrent les plantations de bananiers verts.
Bien qu’elle soit vendue partout, la banane matoke est avant tout répandue dans l’ouest du Kenya. « Dès que quelqu’un revient de Kisumu, je lui demande de m’en rapporter des kilos, c’est très spécial pour moi », avoue-t-elle depuis son exil culinaire américain. Si elle décrit, dans son ouvrage, la recette traditionnelle est-africaine du matoke, en ragoût avec du bœuf, sa touche secrète consiste à noyer la banane dans une sauce à la cacahuète. Un « délice », dont Pauline Awino a abusé pendant la pandémie de Covid-19, époque ou elle a effectué son propre « retour vers les nourritures du terroir ».
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