Marie Toulemonde et Matthieu Millecamps
Africa-Press – Djibouti. En se retirant de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, Vladimir Poutine prend le risque d’accentuer l’insécurité alimentaire sur le continent, déjà frappé par une inflation galopante. Il existe pourtant une parade à cette situation : le recours aux cultures locales.
La coïncidence peut paraître surprenante. À quelques jours du sommet Afrique-Russie qui doit se tenir à Saint-Pétersbourg les 27 et 28 juillet, Vladimir Poutine a décidé de ne pas reconduire l’accord céréalier en mer Noire. Depuis le 17 juillet, les céréales ukrainiennes destinées à l’exportation ne peuvent donc plus emprunter la voie maritime. « Des centaines de millions de personnes souffrant de la faim et des consommateurs confrontés à une crise mondiale du coût de la vie en paieront le prix », a prévenu Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies.*
Des conséquences catastrophiques qui promettent d’être plus désastreuses encore sur le continent, où plusieurs pays sont dans une situation d’extrême dépendance aux céréales importées, notamment celles importées de Russie et d’Ukraine. Pas moins de 30 % du blé consommé sur le continent venait, avant la guerre, de ces deux pays.
Bataille de narratifs
Pour tenter de désamorcer les critiques des dirigeants africains qu’il a conviés à Saint-Pétersbourg, voire inverser le « narratif » déployé par ses ennemis occidentaux, le ministre russes des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé que l’Ukraine n’avait « pas rempli ses obligations » vis-à-vis des pays les plus pauvres.
Moscou assure par ailleurs que les engrais – dont l’Afrique, qui en produit très peu, est grande consommatrice – et les produits alimentaires russes destinés à l’exportation sont soumis à des sanctions. Peu importe que cela soit factuellement faux, le message est passé à la veille d’un sommet où il est notamment prévu de mettre en avant le « partenariat Russie-Afrique en faveur de la souveraineté alimentaire ».
Solutions technologiques ou locales ?
Comment, dès lors, le continent peut-il sortir de cette dépendance extrême aux céréales importées ? En mars 2022, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé une levée d’1 milliard de dollars pour soutenir le secteur agricole africain, en misant notamment sur des solutions technologiques pour améliorer la productivité, notamment via des variétés de blé plus résistantes à la chaleur. Akinwumi Adesina, patron de la Banque africaine de développement, l’affirmait alors avec force : « S’il y a un moment où nous devons vraiment augmenter de façon drastique la production alimentaire en Afrique, pour la sécurité alimentaire de l’Afrique et pour atténuer l’impact de cette crise alimentaire découlant de cette guerre, c’est maintenant. » Plus d’une année après cette déclaration, les résultats concerts de cette nouvelle stratégie de la BAD se font attendre.
Une autre piste, déjà largement explorée par plusieurs pays et qui a l’avantage de moins dépendre de la (mauvaise) volonté des bailleurs de fonds, est le retour aux céréales locales. Mieux adaptées au climat que les céréales « occidentales », dotées de bien meilleures qualités nutritives, mil, sorgho, fonio ou teff ont pâti des politiques agressives mises en place lors de la période coloniale, puis de la concurrence déloyale du blé ou du maïs largement subventionnés par les pays exportateurs. Une piste que prône notamment Makhtar Diop, directeur de la Société financière internationale (IFC), qui plaidait en juin dans un entretien à Jeune Afrique en faveur d’une plus grande mobilisation du secteur privé et insistait sur l’urgence à « booster la production du fonio, du mil et la production locale du riz ». Décryptage, en infographies, des raisons qui plaident pour un recours massif à ces céréales locales.




(*) Nous republions ce 21 juillet cette infographie, initialement diffusée le 10 mars 2022, dans une version réactualisée au regard de l’annonce de la suspension de l’accord de la Mer Noire.
La Source: JeuneAfrique.com
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