Africa-Press – Djibouti. Le télescope spatial James Webb (JWST) enchante tellement les astronomes avec ses images époustouflantes du cosmos que certains se prennent à rêver qu’il résolve même le mystère de la matière noire. Ainsi, une équipe de chercheurs de l’Université d’Austin, au Texas, annonce la potentielle découverte d’étoiles faites de matière noire… Si cette information était confirmée, ce serait effectivement une révolution. La matière noire représente 27% de la matière totale contenue dans l’Univers, mais on ignore tout de sa nature, sa présence étant révélée uniquement par son interaction gravitationnelle avec la matière classique. Or, les chercheurs d’Austin, dans un article publié dans la revue Pnas (le journal de l’Académie des sciences américaine) désignent les objets JADES-GS-z13-0, JADES-GS-z12-0 et JADES-GS-z11-0, observées par le JWST fin 2022, comme des candidates potentielles au titre de premières étoiles « noires ». Pour l’instant, ces objets sont recensés comme étant des galaxies très précoces, observées entre 320 et 400 millions d’années seulement après le Big Bang. Mais pour Katherine Freese, co-auteure de la publication, « cela peut être des galaxies contenant des millions d’étoiles […] ou bien des étoiles noires car une seule étoile noire émet assez de lumière pour rivaliser avec une galaxie tout entière », explique-t-elle dans un communiqué de presse de l’Université du Texas.
Une « étoile noire » brille jusqu’à 10 milliards de fois plus que le Soleil
En effet, selon un modèle proposé en 2008 par Douglas Spolyar, Katherine Freese et Paolo Gondolo dans la revue Physical Review Letters, une étoile noire pourrait théoriquement atteindre plusieurs millions de fois la masse de notre Soleil, et briller jusqu’à 10 milliards de fois plus. Ces astres se seraient formés au tout début de l’Univers, avant même les étoiles ordinaires, d’où l’excitation autour des observations du James Webb, puissante machine à remonter le temps. Les premières protogalaxies auraient été peuplées d’amas très denses de matière noire, ainsi que d’hydrogène et d’hélium gazeux. Au fur et à mesure que le gaz s’est refroidi, il s’est effondré sur lui-même, entraînant la matière noire avec lui. La densité augmentant, les particules de matière noire se sont trouvées comprimées jusqu’à s’annihiler entre elles, dégageant de la chaleur. Ce chauffage s’est alors opposé à l’effondrement gravitationnel du gaz, ce qui a empêché le noyau d’atteindre la densité nécessaire pour initier la fusion nucléaire, comme dans une étoile ordinaire. Au lieu de cela, l’astre a continué d’amasser du gaz et de la matière noire, devenant beaucoup plus gros et brillant que les étoiles ordinaires.
Un modèle de formation controversé
Voilà pour la théorie… Mais en pratique, c’est plus compliqué, comme l’explique à Sciences et Avenir Stéphane Charlot, chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris, et qui travaille précisément sur ces galaxies lointaines observées par le JWST. « Ma première réaction serait d’appliquer le principe du rasoir d’Ockham : pourquoi invoquer une nouvelle classe d’objets exotiques potentiels, alors que ces observations peuvent être expliquées avec des populations stellaires ou des noyaux actifs de galaxies bien connus… » En effet, bien que ces galaxies semblent très précoces, elles peuvent malgré tout s’expliquer grâce aux modèles actuels de formation des galaxies, quitte à les ajuster.
Mais le modèle théorique des étoiles noires pose lui-même des problèmes. « Comme le souligne ma collègue Raffaella Schneider, de l’Université de Rome, elle et ses collègues ont montré en 2010 que le taux de chauffage plus important fourni par l’annihilation des particules de matière noire catalyse la formation d’hydrogène moléculaire. Ce taux de chauffage est alors compensé par le taux de refroidissement plus important de l’hydrogène moléculaire. Ces effets de l’annihilation de matière noire sur la chimie de l’hydrogène moléculaire ne sont a priori pas pris en compte dans les modèles présentés par Katherine Freese et son équipe ».
Enfin, des simulations en 3D réalisées par Athena Stacy, de l’Université de Californie, et ses collaborateurs en 2014 indiquent que la densité centrale de matière noire est en réalité moins forte que prévu par les modèles. Donc les réactions d’annihilations seraient moindres, ce qui signifie que l’effondrement du gaz pourrait en réalité bel et bien se produire… « Il s’agit probablement de l’effet le plus sérieux pouvant entraver la formation d’étoiles noires », conclut Stéphane Charlot. En attendant d’éventuelles autres observations du JWST, la seule « étoile noire » connue reste donc celle de la saga Star Wars…
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