Africa-Press – Djibouti. Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°214 daté juillet/ septembre 2023.
Et un beau jour, un coin d’obscurité s’illumina. C’était il y a près de 4,6 milliards d’années : le Soleil émergeait progressivement des ténèbres, près de cinq fois plus grand qu’il ne l’est aujourd’hui, et dix fois plus lumineux. Sa surface bouillonnante soufflait un vent de particules intense, dispersant le cocon opaque de gaz et de poussières au sein duquel il s’était formé, annonçant ainsi à l’Univers qu’une étoile était née.
Pendant les quelques centaines de millénaires qui avaient précédé, la nébuleuse solaire, simple grumeau au sein d’un gigantesque nuage moléculaire, avait commencé à s’effondrer sous son propre poids. Avec un coup de pouce essentiel, comme le montre l’observation, par exemple, de la nébuleuse d’Orion : la formation d’étoiles géantes – qui explosent en supernovas assez rapidement -déstabilise certaines régions plus ou moins denses de leur voisinage, qui s’effondrent à leur tour pour donner naissance, en cascade, à d’autres étoiles. Les soleils naissent ainsi par portées de quelques milliers d’astres de toutes tailles, formant des amas dits ouverts.
D’abord lent, l’effondrement de la nébuleuse solaire s’est emballé, divisant son diamètre par 500.000 ! Si follement concentré, le matériau d’origine non seulement s’est échauffé pour former une protoétoile brillante, mais il est aussi entré en rotation rapide sous l’effet de la conservation du moment cinétique – celle qui permet aux patineurs artistiques de tourner sur eux-mêmes de plus en plus vite en ramenant leurs bras le long du corps. De par cette rotation, environ deux pourcents de la nébuleuse se sont organisés en un disque relativement épais. Pendant une centaine de milliers d’années, le matériau de ce disque dit « protoplanétaire » a continué à chuter en spirale sur le protosoleil, jusqu’à ce que, comme on l’a vu, il soit soufflé vers l’extérieur, il y a 4,6 milliards d’années.
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Une boule de plasma dont l’éclat est alimenté par la seule gravité
À ce stade, le Soleil, bientôt accompagné de deux grandes planètes gazeuses formées au sein du disque protoplanétaire – Jupiter et Saturne -, est une étoile dite T-Tauri, dont l’éclat n’est alimenté que par la seule gravité : une boule de plasma qui se contracte, maintenant ainsi constante sa température malgré l’énergie thermique qu’elle perd en rayonnant dans l’espace. Pendant encore dix millions d’années, son diamètre se réduira encore. Jusqu’à ce que, près du centre, une région atteigne une densité suffisante pour retenir durablement la lumière émise par le gaz brûlant : c’est la « zone radiative », d’où les photons, constamment absorbés et réémis par les atomes qui encombrent le passage, mettent actuellement près de 100.000 ans à s’échapper. L’hémorragie d’énergie ainsi réduite, la contraction de l’étoile est considérablement ralentie. Le Soleil a désormais à peu près sa taille actuelle, et sa température augmente graduellement.
Cinquante millions d’années plus tard, le disque protoplanétaire a été largement nettoyé, le gaz en a été dispersé, laissant tout juste aux planètes Uranus et Neptune le temps d’atteindre des tailles nettement inférieures à celle de leurs sœurs aînées. Plus près du Soleil, ce qu’il reste de matériau solide commence à s’agglomérer en quatre petites planètes rocheuses : Mercure, Vénus, la Terre et Mars. C’est aussi à cette période que s’achève la dispersion de l’amas formé par le Soleil et ses sœurs.
Notre étoile commence à dériver seule dans la Voie lactée, au moment même où elle entre dans sa phase adulte : en son centre, la densité et la température ont en effet atteint des valeurs suffisantes pour que les noyaux d’atomes d’hydrogène – des protons chargés positivement – surmontent leur répulsion électrostatique et fusionnent successivement en noyaux de deutérium, puis d’hélium. Ces réactions libèrent de colossales quantités d’énergie qui viennent compenser exactement celle que l’étoile émet dans l’espace. La pression interne de l’astre équilibre enfin son poids, et sa contraction s’arrête. Après une enfance extraordinairement turbulente, le Soleil entre dans ce qu’on appelle sa « séquence principale », pendant laquelle il sera paisiblement alimenté par la fusion de l’hydrogène.
L’évaporation des océans terrestres
Aujourd’hui, dans son cœur actif, 620 millions de tonnes d’hydrogène sont transformées chaque seconde en 616 millions de tonnes d’hélium. La différence correspond à l’énergie libérée, en vertu de la célèbre équation E=mc2. Paradoxalement, rapportées au volume dans lequel se produit cette fusion, ces valeurs sont très faibles : votre propre corps au repos irradie environ cinq fois plus d’énergie sous forme de chaleur que n’en génère un volume équivalent de matière dans le noyau du Soleil ! C’est qu’évidemment le noyau solaire, si grand qu’on pourrait y caser 13.000 Terre, représente un nombre faramineux de fois votre volume corporel. Et si la température reste aussi colossale, c’est – comme on l’a dit plus haut – que la « zone radiative » autour du noyau retient durablement l’énergie qui y est produite.
La fusion thermonucléaire est, on le voit, un processus très lent, raison pour laquelle, au bout de quelque quatre milliards d’années, notre étoile n’est pas encore à mi-parcours de sa séquence principale. Il n’empêche, avec le temps, les noyaux d’hélium s’accumulent au centre du Soleil et sapent, pour ainsi dire, le bon fonctionnement de la chaudière solaire. Lentement, la région où l’énergie est produite se contracte et s’échauffe pour maintenir le rythme de fusion de l’hydrogène nécessaire à l’équilibre de l’étoile. Conséquence : la luminosité du Soleil augmente d’environ 10 % par milliard d’années. Dans à peine plus d’un milliard d’années, notre étoile sera si chaude que les océans terrestres s’évaporeront. Mais le Soleil aura encore quatre milliards d’années à passer dans la séquence principale.
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Bouquet final en deux temps
Inévitablement, pourtant, son noyau finira par être saturé d’hélium et, privé de l’énergie de fusion, commencera à se contracter sous son propre poids. L’effondrement du cœur fournira assez d’énergie à ses couches supérieures pour offrir à l’astre un spectaculaire bouquet final, en deux temps. Tout d’abord, après quelques centaines de millions d’années, la température atteindra un niveau suffisant pour provoquer la fusion de réserves d’hydrogène jusque-là intactes dans des régions de plus en plus étendues hors du noyau. Le Soleil enflera pour devenir une géante rouge : une boule de plasma à 3.000 degrés, plus vaste que l’orbite actuelle de la Terre… jusqu’à ce que près de la moitié de sa masse soit transformée en hélium et que, de nouveau, la fusion s’arrête. Le cœur s’effondrera alors, atteignant les centaines de millions de degrés nécessaires à la fusion de l’hélium en carbone. Alimentée par cette nouvelle source d’énergie, l’étoile, revenue à un diamètre dix fois supérieur à son diamètre actuel, entamera une brève seconde vie d’à peine 100 millions d’années. Et recommencera à enfler. .. La fusion de l’hydrogène recommencera dans ses couches supérieures avant que de titanesques vents stellaires ne les expulsent dans l’espace.
Douze milliards d’années après sa naissance, il ne restera ainsi du Soleil qu’une scorie brûlante de carbone et d’hélium, d’une densité de l’ordre d’une tonne par centimètre cube : une « naine blanche ». Quant à l’autre moitié, elle sera allée enrichir d’hélium et surtout de carbone le milieu interstellaire où continueront à naître de nouvelles étoiles. Puissent-elles en faire bon usage…
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