David Whitehouse
Africa-Press – Djibouti. La question de l’adoption d’une monnaie commune pour briser leur dépendance au dollar est un sujet récurrent au sein du groupe des économies émergentes. Mais le chemin est encore long. Analyse.
L’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite, l’Iran, les Émirats arabes unis et l’Argentine réussiront-ils à faire vaciller le rôle de leader du dollar américain dans le commerce international ? L’élargissement des Brics à six nouveaux membres décidé au sommet de Johannesburg relance la question, même si le sujet ne figurait pas à l’ordre du jour.
Sous la houlette du président brésilien Lula da Silva et du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui soutiennent l’idée d’une monnaie commune, la déclaration finale a souligné la nécessité d’une plus grande utilisation des monnaies locales dans les échanges et les règlements internationaux, ainsi que le renforcement des réseaux de correspondants bancaires.
Discours « fantaisiste »
Il est évident que le bloc élargi des Brics cherchera à réduire l’utilisation du dollar, affirme Ahmadi Ali, membre exécutif du Centre de politique de sécurité de Genève. « Des pays comme l’Égypte et l’Éthiopie se sentent ignorés par le système international dirigé par les États-Unis. Ils pensent que cette adhésion leur donnera plus de poids et, peut-être, un meilleur accès au financement du développement », explique-t-il.
Pourtant, les tentatives de dédollarisation ont été peu concluantes jusqu’à présent même si la Nouvelle banque de développement créée par les Brics en 2015 pour les prêts au développement et la dédollarisation, a « lutté pour se sevrer du dollar ». Selon les estimations de Silk Road Briefing, le commerce inter-Brics en monnaie propre représente environ 30 à 35 % du total, le dollar américain et l’euro représentant la majeure partie du reste.
Du point de vue de l’Afrique du Sud, aucun des six nouveaux membres potentiels n’est un partenaire commercial majeur, et les États-Unis à eux seuls offrent plus d’opportunités que les pays ajoutés en termes de commerce de marchandises, selon l’étude de Jee-A van der Linde, économiste à Oxford Economics Africa. L’idée que le dollar perde du terrain en tant que monnaie de réserve mondiale est exagérée et le discours sur une monnaie commune des Brics est « fantaisiste à notre avis », écrit Van der Linde.
Militarisation du dollar
Partout, les acteurs économiques se méfient des monnaies disponibles et, en l’absence d’une réserve de valeur parfaite, ils finissent par choisir ce qu’ils espèrent être l’option la moins mauvaise.
Les nouveaux membres des Brics vont probablement « réfléchir à deux fois » avant de soutenir une coalition économique centrée sur le renminbi (yuan chinois), étant donné le « bilan très mitigé » de l’initiative chinoise « Belt and Road », déclare Harry Broadman, président de la pratique des marchés émergents au Berkeley Research Group LLC à Washington. Steve Hanke, professeur d’économie appliquée à l’université Johns Hopkins aux États-Unis, affirme que le nombre de monnaies dominantes au niveau international est très faible dans l’histoire. « Cela suggère que tous les adversaires du dollar, y compris la monnaie proposée, mais non définie, des Brics, auront des difficultés à s’imposer. »
« La chemise sale la plus propre qui soit »
Certains affirment que la militarisation du dollar américain par le biais de sanctions pourrait lui nuire. Hanke reconnaît que le recours aux sanctions par les États-Unis accroît la vulnérabilité du dollar, mais il ne voit pas de solution de remplacement évidente. L’euro ne peut pas faire l’affaire, la zone euro imposant à la Russie pratiquement les mêmes sanctions financières que les États-Unis. Pour l’instant, « le dollar est la chemise sale la plus propre qui soit », note-t-il.
Le seul moyen d’en fabriquer une nouvelle serait que les Brics établissent une caisse qui se limiterait à l’émission de billets et de pièces librement convertibles en une monnaie de réserve ou d’ancrage, ou en une matière première telle que l’or, à un taux fixe. C’est une solution préconisée par Steve Hanke pour les pays en développement souffrant d’une forte inflation, dont les banques centrales ne peuvent plus imprimer de monnaie au risque de continuer à alimenter la hausse des prix. « La monnaie des Brics serait alors aussi bonne que l’or », envisage-t-il.
Source: JeuneAfrique
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