Africa-Press – Djibouti. Un trésor n’est pas toujours d’or ou d’argent. Pour preuve, le trésor exhumé près de Melsonby, en Grande-Bretagne, par les archéologues de l’université de Durham. Il consiste en plus de 800 objets métalliques datés de l’âge du fer britannique. On y trouve essentiellement des pièces ouvragées de chariots, qui sont autant d’indices de la richesse des tribus celtes qui vivaient dans la région du Yorkshire avant et pendant la conquête romaine. Or on pensait jusqu’à présent qu’il s’agissait essentiellement d’agriculteurs… Considérées comme un trésor national, ces découvertes remettent en cause l’image que l’on s’était forgée des Celtes du nord de l’Angleterre.
Le trésor de Melsonby révèle la puissance et la richesse des Celtes du nord de l’Angleterre
À la fin du 20e siècle, la Grande-Bretagne a mis en place un dispositif d’inscription des découvertes archéologiques réalisées par les particuliers, qui doit être évoqué dans le cadre de cette découverte. Car à Melsonby, comme pour d’autres trouvailles de prix, c’est un détectoriste qui est à l’origine des fouilles. En 2021, alors qu’il arpente un champ avec l’autorisation de son propriétaire, cet amateur décèle un dépôt d’objets métalliques enfoui sous terre. Après avoir réalisé qu’il avait certainement une valeur archéologique, il contacte le professeur Tom Moore, directeur du département d’archéologie de l’université de Durham, qui réalise des fouilles sur un site voisin.
Ce dernier se rend rapidement compte que le dépôt relève sans doute de la catégorie des « trésors » et s’adresse aux autorités compétentes en la matière, à savoir le Programme des antiquités portables (Portable Antiquities Scheme) géré par le British Museum, et l’organisme de protection des monuments historiques britanniques, Historic England, qui débloquent fonds et supervision pour démarrer l’excavation.
L’inscription au titre de trésor est achevée en 2025
Le champ est fouillé l’année suivante, et ce n’est qu’en mars 2025, après avoir nettoyé et stabilisé une partie des objets afin de stopper le processus de dégradation, que la procédure d’inscription au titre de « trésor » a pu être achevée.
Selon la Loi sur les trésors (Treasure Act) de 1996, sont considérés comme trésors en Grande-Bretagne les objets contenant de l’or ou de l’argent et les pièces de monnaie datant de plus de 300 ans, de même que tout groupe d’objets métalliques datant de la préhistoire ou « apportant un éclairage exceptionnel sur un aspect de l’histoire, de l’archéologie ou de la culture nationale ou régionale ». Une fois cette qualification acquise, le trésor, qui appartient soit au propriétaire du terrain où il a été trouvé, soit à la Couronne, peut être acheté par une institution, tel un musée.
Pour celui de Melsonby, évalué à 254.000 livres sterling (soit 303.718 euros), c’est le musée du Yorkshire qui vient de lancer une campagne de collecte de fonds afin de pouvoir le conserver dans ses collections. L’annonce de la découverte du trésor de Melsonby s’inscrit donc dans le cadre de cet appel à la générosité du public, et ne manque pas de souligner son importance pour l’histoire du pays.
L’un des plus grands assemblages métalliques jamais exhumés en Angleterre
On comprend ainsi pourquoi le dépôt de Melsonby est considéré comme un trésor archéologique. Les plus de 800 artefacts retrouvés datent de 2000 ans (du 1er siècle avant notre ère au 1er siècle de notre ère), et c’est l’un des plus grands assemblages jamais exhumés en Angleterre, comme l’explique le directeur des fouilles, Tom Moore, dans un communiqué de l’université de Durham: « Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait beaucoup plus que ce que nous avions vu au départ – nous avons compris qu’il s’agissait d’un trésor d’une ampleur et d’une taille exceptionnelles pour la Grande-Bretagne, et probablement même pour l’Europe. »
Les objets sont imbriqués les uns dans les autres
De fait, le trésor se constitue de deux dépôts d’artefacts enchevêtrés, si bien que le second dépôt, plus petit que le premier, a dû être excavé en bloc afin d’être fouillé en laboratoire. Pour les objets composant le premier dépôt, les archéologues ont procédé à un enregistrement numérique en 3D systématique au fur et à mesure de l’excavation ; il était en effet indispensable de reconnaître la forme et le positionnement des objets avant de les extraire, tant ils étaient collés les uns aux autres.
Des harnachements en ferronnerie et des bandages de roue
C’est seulement après leur extraction qu’il est apparu que les objets arrachés à la terre étaient essentiellement des pièces en ferronnerie et en alliage de cuivre qui, pour la plupart, provenaient de harnais de chevaux ou de véhicules de l’âge du fer. Les archéologues distinguent ainsi d’une part « des mors de bride, des ferrures de joug et des anneaux dans lesquels on passait les rênes, souvent richement rehaussés de coraux rouges de la Méditerranée et de verre coloré », et d’autre part des pièces d’au moins sept chariots à deux ou quatre roues, dont 28 bandages de roue (des cercles métalliques qui servent de surface de roulement) en fer.
Les dépôts comprenaient aussi des pointes de lance et deux grands récipients: un chaudron renversé et un autre doté d’un couvercle et richement décoré.
Les circonstances du dépôt
N’en étant qu’aux prémices de l’analyse, les archéologues admettent qu’ils ne savent pas encore à quoi correspond exactement ce double dépôt. Ils ont tout de même récolté suffisamment d’indices pour déterminer que plusieurs objets ont été soumis à une chaleur intense avant d’être enfouis sous terre. Ils auraient donc été brûlés, mais pas sur place.
D’autres éléments ont été délibérément brisés ou déformés, comme le chaudron qui a été enfoncé par une grosse pierre. Ces circonstances évoquent un rituel funéraire, mais il n’y a aucune trace de restes humains dans le champ sondé.
Un rituel d’affirmation de pouvoir ?
Une chose est sûre cependant: cette destruction délibérée est une affirmation de la richesse et du pouvoir du propriétaire de ces objets. D’autant que le trésor témoigne de relations qui dépassent largement les frontières du Yorkshire. Selon les chercheurs, les véhicules sont en effet proches de ceux mis au jour en Europe continentale, en France, en Allemagne et au Danemark.
Les récipients à boire présentent aussi des caractéristiques inconnues sur l’île, comme le révèle une analyse minutieuse au scanner à rayons X. Le chaudron porte des motifs typiques du style de La Tène, qui s’est développé à la fin du premier millénaire avant notre ère en Europe occidentale Quant au deuxième récipient – une coupe pour boire du vin –, il est somptueusement décoré de perles ou de clous en corail et de deux masques en alliage de cuivre coulé représentant des visages humains, un type d’ornementation que l’on retrouve sur les récipients étrusques.
Des preuves d’échanges avec l’Europe continentale
Tous ces indices signifient que le propriétaire du trésor entretenait des relations au-delà des mers, suggérant des échanges de biens commerciaux, mais aussi de technologies et de techniques artisanales entre le nord de l’Angleterre et le reste de l’Europe. « Le propriétaire des objets de ce trésor faisait probablement partie d’un réseau d’élites qui dépassait la Grande-Bretagne et s’étendait jusqu’en Europe, peut-être même jusqu’au monde romain de l’époque », analyse ainsi Tom Moore.
Un trésor trop riche pour de simples agriculteurs
Or au moment où le trésor de Melsonby a été enfoui, au 1er siècle de notre ère, la population locale, comme celle de tout le nord de l’Angleterre, est censée être essentiellement composée d’éleveurs et d’agriculteurs. La découverte contredit donc cette image d’un nord plus pauvre que le sud de l’île britannique: « Ce trésor très inhabituel remet en question les hypothèses d’un âge du fer britannique septentrional appauvri et confirme que le Yorkshire du Nord était une région au pouvoir important pendant l’âge du fer britannique », signalent ainsi les chercheurs.
D’autant que les pièces de véhicules de Melsonby apportent la plus ancienne preuve de la présence de chariots à quatre roues dans l’Angleterre de l’âge du fer.
Quand la tribu des Brigantes cède au pouvoir romain
Les dépôts datent de l’époque de la conquête romaine de la Grande-Bretagne sous le règne de l’empereur Claude (de 41 à 54 de notre ère). Il est donc envisageable qu’ils soient liés à la tribu celte des Brigantes, qui vivait alors dans la région et s’est soumise au pouvoir romain. Sous le règne de la reine Cartimandua (de 43 à 69), cette confédération informelle de tribus celtes a entretenu des relations d’alliance en tant que cliente de Rome. D’après l’historien romain Tacite, la souveraine a même livré en 51 aux troupes de l’empereur Claude le roi celte Caratacos qui menait la défense contre l’envahisseur. Plus tard, en 69-70, son ancien époux, le roi consort Venutius, s’est révolté contre l’occupant et lui a repris le trône. Pour mettre fin à ces troubles, le pays des Brigantes fut directement incorporé dans la province romaine de Bretagne en 83.
Le début ou la fin de quelque chose ?
Le trésor de Melsonby a-t-il donc un lien avec l’arrivée des Romains dans la région ? Si pour Tom Moore, la destruction d’autant d’objets précieux pourrait être liée à un événement commémoratif, pour Keith Emerick, inspecteur des monuments anciens au sein d’Historic England, il se pourrait que les Brigantes aient compris qu’une nouvelle ère se profilait avec l’arrivée des Romains et qu’ils aient sacrifié leur trésor lors d’une crémation rituelle pour cette raison: « Lorsqu’on regarde ces objets, on se demande si ce peuple a pensé que quelque chose était en train de s’achever ou s’il s’est dit que quelque chose de nouveau était sur le point de commencer. » Une énigme que seules de futures analyses permettront peut-être d’éclairer.
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