Africa-Press – Djibouti. À Djibouti, où l’explosion démographique et l’urbanisation rapide font de la gestion des déchets un défi majeur, trois jeunes entrepreneurs ont décidé de transformer le problème en opportunité. Leur société, Écotech, pionnière du recyclage industriel du plastique dans le pays, bâtit pas à pas une filière circulaire alliant innovation, inclusion sociale et impact environnemental. Du ramassage de quartier à la transformation en matière première, l’initiative redonne de la valeur aux déchets tout en offrant des revenus aux populations vulnérables — posant ainsi les jalons d’un Djibouti plus propre et plus solidaire.
Créée il y a plusieurs années par trois jeunes Djiboutiens, l’entreprise Écotech a débuté humblement avec un simple compacteur et un broyeur. Pas à pas, grâce à un travail constant, au soutien du groupe Coubèche et à un investissement considérable, elle dispose aujourd’hui de la seule et unique ligne de production industrielle du pays capable de recycler le plastique.
Plus qu’une entreprise, Écotech est avant tout un projet de conviction: bâtir une économie circulaire qui offre des revenus aux populations les plus vulnérables.
Pour l’instant, ce modèle repose sur un effort soutenu et un retour sur investissement qui ne pourra s’apprécier qu’à long terme.
Portée par Fayssal Hachi, Écotech s’est imposée comme un maillon structurant de cette économie naissante: collecte de PET (polyéthylène téréphtalate) et de HDPE
(polyéthylène haute densité) , tri, transformation en matière première, et mobilisation d’un réseau d’associations et d’habitants — notamment à Balbala — pour faire du plastique une ressource, un revenu et un levier d’inclusion.
Un modèle opérationnel enraciné dans les quartiers
Dans un pays au littoral exposé aux vents et aux plastiques orphelins, Écotech a retenu une voie courte et concrète: ramasser, trier, peser, racheter, revaloriser. La colonne vertébrale du dispositif tient aux alliances locales tissées avec des associations, des centres communautaires et des collectifs qui transforment l’effort citoyen en flux réguliers.
SOS Environnement Djibouti, engagé de longue date dans la sensibilisation et la collecte, cite Écotech comme partenaire pour capter et acheminer les volumes de PET au plus près des quartiers, tandis que des structures de proximité comme le centre servent de relais de tri et de pesée.
L’inclusion n’est pas un slogan. À Balbala, la coopérative « Ecos Femme » est formée aux standards de tri et de préparation des flux, ce qui ouvre un débouché direct et digne où chaque sac correctement trié se convertit en revenu régulier. À la main du dispositif, Fayssal Hachi agit en chef d’orchestre: coordination des flux, traçabilité par pesées publiques et bilans, entretien d’alliances entre associations, centres et entreprises, et garantie que chaque maillon, du collecteur de quartier à l’acheteur de matière, trouve son intérêt à entrer et à rester dans la boucle.
Des preuves chiffrées et un écosystème qui s’étoffe
Les volumes racontent la trajectoire. « Mi-avril, le centre livre en deux jours 170,5 kg de plastique, dont 100,5 kg de PET et 70 kg de HDPE, avec pesées publiques à l’appui. Le 21 avril, une nouvelle livraison enregistre 98,5 kg de PET et 50,5 kg de HDPE. Début août, douze collecteurs apportent en une seule journée 347,5 kg de PET au centre de valorisation. »
« Et fin août, un record historique est atteint: plus de 2,2 tonnes de plastique collectées en une seule journée, grâce à la mobilisation d’une trentaine de particuliers venus directement apporter leur plastique à recycler ». Un signal fort de l’adhésion citoyenne et de la capacité de la filière à changer d’échelle. Au total, l’entreprise revendique plus de onze tonnes de plastiques recyclés sur les seuls mois de juin et de juillet, signe qu’un seuil industriel est franchi et que les gestes de tri se diffusent au rythme des partenariats.
À mesure que la filière se structure, les usages s’élargissent: bouchons broyés en HDPE, paillettes de PET, ballots compactés, autant de matières secondaires négociables qui ancrent la viabilité du modèle.
En arrière-plan, l’écosystème national se densifie. À Obock, l’Organisation internationale pour les migrations et Plastic Odyssey ont déployé «La Fabrick », micro-usine conteneurisée annoncée pour traiter environ 50 tonnes par an et produire jusqu’à 500 pavés par jour. Des dalles en pavés plastiques ont déjà été posées, y compris dans la cour du lycée d’Obock. Parallèlement, des institutions nationales expérimentent briques et parpaings en plastique recyclé pour des salles modulaires, notamment l’ADDS, l’OVD, leMENFOP et l’UNICEF.
Sans confusion des rôles, Écotech n’opère pas ces unités, mais ces initiatives publiques et onusiennes convergent vers une même équation: créer des débouchés locaux, stabiliser les prix des matières issues du tri et sécuriser des volumes pour solvabiliser durablement l’effort de collecte.
Consolider la filière et changer d’échelle
La suite logique tient en un programme de consolidation. Multiplier les points de collecte dans les écoles, commerces et administrations afin d’augmenter la capillarité. Contractualiser l’approvisionnement avec les gros pourvoyeurs, à commencer par les distributeurs, les hôtels et les bases, pour lisser les flux.
Brancher la commande publique sur des produits en matière recyclée, comme pavés, bancs et signalétique, pour créer une demande domestique prévisible.
Pour faire de la courbe des tonnages une tendance de fond, il faut entretenir la confiance: qualité contrôlée des paillettes de plastique, barèmes de prix lisibles, reporting public, audits partagés avec les acheteurs. Cette rigueur transforme l’économie circulaire en habitude concrète, celle d’un pays qui convertit un passif urbain en actif social.
Écotech en apporte la démonstration: le plastique peut payer, à condition d’en faire à la fois une ressource, une dignité et un métier. On rémunère, on transforme, on valorise et on exporte — pour un Djibouti plus propre.
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