Par Mathieu Galtier
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Doubler le chiffre d’affaires à court terme, telle est l’ambition affichée par Nuria Fernandez, directrice générale d’Axa Afrique et Turquie et directrice du développement des Affaires d’Axa International Markets depuis février. Avec un taux de pénétration de 3 % contre une moyenne mondiale de 7,4 %, le continent demeure à la traîne en matière d’assurance. Mais en contrepartie, cela signifie que le potentiel est très important. Le sixième assureur mondial, avec 711 milliards de dollars de total au bilan, a regroupé ses implantations africaines dans trois régions: au nord (Maroc, Algérie et Égypte), à l’ouest (Nigeria, Côte d’Ivoire et Sénégal) et dans le centre (Gabon et Cameroun).
Pour atteindre les quelque 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires envisagé – selon nos estimations, Axa ne dévoile pas ses résultats pour l’ensemble du continent – la compagnie d’assurances ne compte pas s’étendre géographiquement. Au contraire, le groupe présidé par Thomas Buberl entend renforcer sa présence dans ces pays où il est classé parmi le top 5 national, et ce, en diversifiant ses offres.
La santé restera un pilier essentiel pour nous en Afrique et en Turquie, mais nous souhaitons également accélérer notre développement dans nos autres secteurs d’activité, à commencer par l’assurance-vie et l’épargne.
Retour à l’assurance-vie
« La santé restera un pilier essentiel pour nous en Afrique et en Turquie, explique la dirigeante espagnole, mais nous souhaitons également accélérer notre développement dans nos autres secteurs d’activité, à commencer par l’assurance-vie et l’épargne. Aider les familles à épargner, c’est, selon moi, contribuer à améliorer leur qualité de vie. » « Accélérer », voire redémarrer cette activité: en effet, en Afrique subsaharienne francophone, Axa-UAP avait vendu plusieurs filiales Vie (Sénégal, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, Cameroun et Gabon) à Pathé Dione, lui permettant de créer Sunu.
« Je ne sais pas pourquoi Axa n’a pas voulu continuer son activité Vie dans la région. Il était évident que cela serait le moteur de croissance du secteur avec la montée de la classe moyenne », constate Mamadou Faye, vice-président de la Fanaf (Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines) et administrateur directeur général de SEN Assurance Vie, au Sénégal.
Innovation et micro-assurance, leviers de croissance
Il faudra proposer des produits vraiment innovants car les assureurs locaux sont déjà bien installés.
Selon la Fanaf, les primes Vie ont augmenté en 2023 (derniers chiffres publiés) de 9 % dans 12 pays d’Afrique francophone subsaharienne*, contre 0,9 % au niveau mondial. Aujourd’hui, pour refaire son retard sur Sunu, devenu entretemps leader des primes Vie dans la zone, « il faudra proposer des produits vraiment innovants car les assureurs locaux sont déjà bien installés », selon Mamadou Faye, aujourd’hui candidat à la présidence de la Fanaf.
Et c’est bien par l’innovation qu’Axa compte doubler son chiffre d’affaires sur le continent, qui représente environ 0,9 % du total de la multinationale fondée en 1946. « Nous proposons des solutions très intéressantes en matière de micro-assurance permettant à nos clients d’être protégés non seulement pour leur santé mais aussi pour leur vie, grâce à des partenariats avec des opérateurs télécoms, des banques et des opérateurs numériques », précise Nuria Fernandez. Axa s’est par exemple associé à la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal (CNASS) pour fournir une couverture totale aux fermiers. Au Nigeria, les produits d’assurance-santé inclusive proposés en partenariat avec Telecom Palmpay et Airtel sont en forte croissance.
Le Maroc et l’Égypte comme plateformes régionales
Axa compte également sur ses deux locomotives, le Maroc et l’Égypte, pour développer ses activités sur le continent. Le royaume chérifien constitue une plateforme opérationnelle desservant les filiales au Gabon, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, grâce à sa capacité informatique importante et à son expertise accrue dans certains secteurs d’activité (automobiles, grands comptes et réseau de distribution d’agence). « Notre objectif est de mieux servir ces pays depuis le Maroc lorsque cela s’avère nécessaire », confirme Nuria Fernandez. La filiale marocaine d’Axa, avec Orange Middle East and Africa, détient une participation majoritaire dans DabaDoc, une start-up spécialisée dans la prise de rendez-vous et consultation médicale qui s’est étendue en Afrique subsaharienne.
La filiale égyptienne a été pionnière dans le soin intégré avec OneHealth. Le réseau de centres médicaux physiques et de plateformes numériques pour un suivi longitudinal du patient est également présent au Nigeria. Le Caire a aussi été le laboratoire d’une expérimentation inédite de partenariat public-privé. Dès son arrivée, une des principales missions de Nuria Fernandez a été d’accompagner la coentreprise de microfinance créée en octobre 2024 avec Post for Investment, le bras d’investissement d’Egypt Post. « Ce partenariat est, de mon point de vue, un bon exemple d’innovation au service des clients les plus vulnérables », estime la dirigeante espagnole un peu plus d’un an après sa mise en place, au point qu’un projet similaire est en cours de préparation, sans qu’Axa ne donne plus de détails pour le moment.
Grands travaux, un marché porteur à saisir
Le dernier grand levier de croissance sur lequel compte Nuria Fernandez pour atteindre son objectif ambitieux concerne un secteur sur lequel Axa est déjà très bien positionné: l’assurance et la réassurance des grands travaux. Couloir de Lobito, infrastructures liées à la Coupe du monde de football au Maroc, projets énergétiques et miniers… Les sites d’ampleur et les multinationales à assurer ne manquent, et ne manqueront, pas dans les années à venir. Axa évoque des projets portuaires et de transports urbains et interurbains importants sans, une nouvelle fois, donner plus de précisions.
Via sa participation (7,15 %) dans le capital d’Africa Re, premier réassureur du continent, le géant français avance un argument de poids pour convaincre les États lorsqu’il s’agit de choisir le réassureur de grands projets: la gestion locale des risques qui évite la fuite des devises à l’étranger.
Deux filiales sous surveillance
Preuve supplémentaire qu’Axa mise sur ce marché des grands projets en Afrique: l’arrivée de Gilles Fromageot sur le continent quelques jours après celle de Nuria Fernandez. L’actuel dirigeant d’Axa Maroc a été, pendant trois ans et demi, le directeur Asie d’Axa XL et connaît donc très bien les besoins spécifiques des marchés émergents.
Finalement, les seuls points noirs susceptibles de freiner Axa dans son plan de développement en Afrique viennent de l’intérieur. Selon l’ « indice de durabilité des entités Axa » (AESI) qui comprend des critères de bonne gouvernance (achat durable, respect des droits des salariés, environnement et droits de l’homme en tant qu’assureur et investisseurs, etc.), deux des 32 entités du groupe participant à l’AESI étaient conformes à moins de 63 % aux exigences du plan de vigilance. « Ces deux entités, situées dans la région Afrique, feront l’objet d’un suivi particulier afin de les aider à mettre en œuvre leurs plans de remédiation », indique le document universel 2024 d’Axa.
*Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, République du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.
Source: JeuneAfrique
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