Africa-Press – Djibouti. Depuis que la Guinée s’est vu retirer l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2025, un énième sujet de rivalité oppose le Maroc et l’Algérie. Du côté de Rabat comme de celui d’Alger, le président de la fédération de football aimerait ramener l’organisation de la coupe à la maison. Mais c’est un match un peu inégal qui oppose Fouzi Lekjaâ à Djahid Zefizef.
En Afrique, et sans doute aussi un peu ailleurs, tous ceux qui suivent d’assez près les affaires du ballon rond ont appris à connaître le premier, président depuis 2014 de la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Et pas seulement parce que, après que le dirigeant de 52 ans a pris le risque, trois mois avant la phase finale de la Coupe du monde 2022 au Qatar, de changer de sélectionneur – Walid Regragui a remplacé Vahid Halilhodzic –, le Maroc s’est hissé à la 4e place, réalisant la meilleure performance africaine de l’histoire de la compétition.
Diplomatie sportive marocaine
Le natif de Berkane est également 4e vice-président de la Confédération africaine de football (CAF), membre du Conseil de la Fifa, et continue de suivre de très près les affaires de la Renaissance sportive de Berkane, club qu’il a longtemps présidé. En quelques années, celui qui est aussi ministre délégué au Budget depuis 2021 dans le gouvernement d’Aziz Akhannouch s’est imposé comme l’un des hommes forts du football continental, en faisant du Maroc un pays où l’organisation de tournois internationaux est récurrente. « Même si certains s’agacent de voir le royaume sur tous les fronts », glisse un dirigeant de fédération.
Ont notamment été accueillis la Coupe du monde des clubs de la FIFA (2014 et 2023), le Championnat d’Afrique des nations (Chan 2018), la phase finale de la Ligue des champions féminine en 2022, puis la CAN féminine la même année – celle-ci fera son retour pour l’édition 2024. En outre, le royaume chérifien s’était aussi porté candidat pour organiser la Coupe du monde 2026, finalement attribuée au trio composé des États-Unis, du Mexique et du Canada. Et il est aujourd’hui considéré comme le favori pour recevoir dans deux ans le gratin du football africain, à l’occasion de la 35e édition de la CAN. Pour défendre son dossier, que l’on dit très solide et dont l’issue doit être décidée dans les prochaines semaines au Caire, où se réunit le comité exécutif de la CAF, le Maroc pourra compter sur le poids de Lekjaâ dans les instances du football africain et récolter les fruits de la diplomatie sportive voulue par le roi Mohammed VI, dont le président de la FRMF est l’un des principaux animateurs.
LE NIGER, LE BURKINA FASO, LA GAMBIE OU LA GUINÉE DISPUTENT SOUVENT LEURS MATCHS « À DOMICILE » AU MAROC
Depuis sa première élection à la tête de la FRMF, Fouzi Lekjaâ, qui bénéficie de l’entière confiance du souverain, a su développer un système de partenariats avec de nombreuses fédérations africaines, principalement subsahariennes. À ce jour, l’instance en a signé 45, notamment dans les domaines sportif et administratif. Le Maroc accueille régulièrement des membres de ces fédérations partenaires pour des formations et des séminaires, et met ses stades à leur disposition quand cela est nécessaire. Ainsi, des pays comme le Niger, le Burkina Faso, la Gambie ou la Guinée, qui ne disposent pas de stades homologués par la CAF, disputent souvent leurs matchs « à domicile » au Maroc.
Instabilité algérienne
« On ne peut pas comparer le poids du Maroc avec celui de l’Algérie au niveau des instances. Ces partenariats pèseront au moment de la désignation du pays hôte de la CAN 2025. Lekjaâ est influent, il a mis des choses en places, car il est en poste depuis plusieurs années. C’est tout le contraire de la Fédération algérienne de football [FAF], qui change sans cesse de président », souligne Jean-Baptiste Guégan, enseignant et auteur de plusieurs livres consacrés à la géopolitique sportive.
Depuis la fin de la gouvernance de l’influent Mohamed Raouraoua, en 2017, l’instance algérienne n’est, en effet, pas vraiment un îlot de stabilité. Cela ne fait même pas dix mois que Djahid Zefizef (62 ans) à la tête de FAF, après été élu en juin 2022. En cinq ans, trois présidents (Kheireddine Zetchi, Charaf-Eddine Amara et, donc, Zefizef) se sont succédé. Un mouvement perpétuel qui n’a évidemment pas servi les intérêts du football algérien sur le continent.
Zefizef, qui doit son poste aux plus hautes autorités politiques – « personne ne peut occuper cette fonction sans l’aval d’Alger », rappelle un journaliste local sous couvert d’anonymat –, présente quelques points communs avec son homologue marocain. PDG du groupe Agrolog, il est, lui aussi, un fidèle serviteur de l’État et connaît bien les arcanes du football algérien, puisqu’il a été dirigeant de l’AS Khroub et a occupé différentes fonctions au sein de la FAF sous les magistères de Raouraoua, dont il reste proche, de Zetchi, puis d’Amara.
Proche de Belmadi
Contrairement à son prédécesseur, le président de la FAF entretient de bonnes relations avec Djamel Belmadi, le sélectionneur des Fennecs, véritable héros national depuis que l’Algérie a remporté la CAN 2019 en Égypte. Et il partage avec Lekjaâ une réelle discrétion médiatique, réservant ses rares interventions à des médias nationaux.
Depuis son élection, Djahid Zefizef, qui doit composer avec l’omniprésent ministre des Sports, Abderezak Sebgag, là où Fouzi Lekjaâ jouit d’une plus grande autonomie, a vu l’Algérie organiser le Championnat d’Afrique des nations (Chan), considéré par les observateurs comme une réussite. Le dirigeant n’a cependant rien pu faire pour permettre au Maroc de venir disputer la compétition après le refus d’Abdelmadjid Tebboune, le chef de l’État, d’ouvrir l’espace aérien à l’avion des Lions de l’Atlas. Jusqu’à la décision sans appel des autorités, Zefizef s’était pourtant montré confiant, tandis que Lekjaâ, inflexible quant à sa volonté de rejoindre l’Algérie sans passer par un pays tiers, bénéficiait, lui, du soutien total du roi et du gouvernement…
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press