Entretien Sur L’Instrument De Calcul Japonais

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Entretien Sur L'Instrument De Calcul Japonais
Entretien Sur L'Instrument De Calcul Japonais

Africa-Press – Djibouti. « Mon objectif est de voir nos enfants devenir des spécialistes dans les domaines scientifiques grâce au soroban » Fathia Hassan Farah, Cadre du MENFOP et Spécialiste du Soroban
Ancienne enseignante de mathématiques, aujourd’hui cadre au MENFOP, Fathia Hassan Farah milite pour l’introduction du soroban, le boulier japonais, dans le système éducatif djiboutien. Dans cet entretien exclusif, elle partage sa vision sur l’introduction du Soroban un outil de calcul utilisé par les japonais pour effectuer des opérations arithmétiques, dans le système éducatif de notre pays. Figure incontournable de l’innovation pédagogique à Djibouti, Fathia Hassan revient au cours de cet entretien, sur l’impact du soroban dans les classes pilotes, et dévoile ses projets ambitieux pour démocratiser cette méthode au service de l’excellence scolaire.
La Nation: Présentez vous au public, Mme Fathia Hassan Farah, votre parcours en tant que enseignante en Mathématique?
Fathia Hassan Farah: J’étais enseignante de mathématiques de 2003 à 2013 dans des nombreux établissements dont le lycée de Balbala, de Tadjourah, au collège Hayel Saïd et au collège de Boulaos. Ensuite, j’ai été proviseure au lycée hôtelier d’Arta. Aujourd’hui, je suis cadre à la direction générale des formations professionnelles du MENFOP.

Parlez nous du soroban en quoi, il est important pour l’apprentissage dans les établissements scolaires?

Le soroban, ou boulier japonais, joue un rôle important dans l’apprentissage scolaire pour plusieurs raisons pédagogiques, cognitives et culturelles. Tout d’abord, il renforce les bases du raisonnement mental. Le soroban aide les élèves à visualiser les nombres et à comprendre les mécanismes des quatre opérations fondamentales: addition, soustraction, multiplication et division. Avec la pratique, les enfants développent leur mémoire visuelle et leur capacité de calcul mental rapide, car ils parviennent à « voir » mentalement le boulier sans le manipuler physiquement. Deuxièmement, il améliore la concentration et la discipline. L’utilisation du soroban exige attention, précision et rigueur. Les élèves apprennent ainsi à se concentrer pendant de longues périodes, ce qui constitue un atout pour l’ensemble des disciplines scolaires. Troisièmement, le soroban complète et renforce l’enseignement traditionnel des mathématiques. Il ne le remplace pas, mais le rend plus concret et accessible. Il permet une meilleure compréhension du système décimal, des retenues, des unités et des dizaines grâce à une manipulation tangible.

Quatrièmement, son efficacité est reconnue à l’international. Le Japon, la Chine ou encore le Maroc, ont intégré le soroban dans certaines écoles avec des résultats très positifs sur les performances des élèves en calcul. Il est considéré comme un outil d’excellence pour former des esprits logiques, rigoureux et méthodiques. Enfin, le soroban repose sur l’action concrète. Les enfants manipulent, expérimentent, se corrigent eux-mêmes, ce qui rend l’apprentissage plus engageant, interactif et durable.

En quoi consiste le soroban ce traditionnel art japonais?

Le soroban est composé de tiges et des boules. On vous dira que c’est la calculatrice traditionnelle japonaise. Mais il est bien plus qu’une calculatrice.

Comment avez-vous découvert le soroban et qu’est-ce qui vous a convaincue de l’adopter comme méthode éducative à Djibouti?

J’ai découvert le soroban il y a deux ans grâce à un enseignant japonais qui s’appelle Ota Takashi et c’est d’ailleurs lui qui m’a aidé à mettre en place ce projet. Puis je me suis mis à me documenter sur internet. Et c’est là que j’ai découvert l’importance de cet outil arithmétique. D’ailleurs le Maroc qui est leader africain en science et technologie a popularisé le soroban.

Quel est la réception du soroban parmi les parents et les élèves dans les établissements scolaires?

Depuis son introduction dans certaines écoles et ateliers, le soroban suscite un véritable engouement. Les élèves, même les plus jeunes, se montrent rapidement captivés par la manipulation des boules et les défis mentaux proposés. Ils prennent plaisir à apprendre en jouant, et progressent vite en calcul mental.

Du côté des parents, la surprise est souvent grande devant les résultats. Beaucoup témoignent d’une amélioration visible de la concentration, de la mémoire et même de la confiance en soi de leurs enfants. Le soroban est perçu comme une méthode sérieuse et motivante, capable de réconcilier les enfants avec les mathématiques, tout en leur donnant une longueur d’avance. Enseignantes que nous avons formée moi et Ota nous ont temoigné la même concernant la conciliation avec les mathématiques.

Quel est l’apport pour l’apprentissage des jeunes?

Le soroban offre à la jeunesse bien plus qu’une méthode de calcul: c’est un outil de formation intellectuelle. En exerçant le cerveau à visualiser, à raisonner et à mémoriser, il renforce les capacités mentales fondamentales comme la concentration, l’attention, la logique et la rapidité de décision. Dans un monde où les distractions numériques sont nombreuses, le soroban aide les jeunes à se recentrer, à structurer leur pensée, et à prendre goût à l’effort. Il leur donne une base solide pour réussir à l’école, mais aussi dans la vie, en cultivant la rigueur, la persévérance et la confiance en soi. C’est un investissement précieux dans leur avenir.

Combien de temps l’apprentissage du soroban peut-elle être assimilé par les jeunes?

L’apprentissage du soroban commence très tôt, souvent dès l’âge de 5 ou 6 ans, et les premiers résultats sont visibles en quelques semaines seulement.

En général, en un laps de temps de 1 à 3 mois, l’enfant maîtrise les bases de reconnaissance des chiffres, du déplacement des boules, et des premières additions et soustractions. De 6 mois à 1 an, il devient capable de faire des calculs plus rapides et plus complexes, parfois même sans regarder le boulier (ce qu’on appelle anzan, ou calcul mental). Avec une pratique régulière (10 à 15 minutes par jour), certains enfants atteignent en 1 à 2 ans un niveau impressionnant, capable de rivaliser avec une calculatrice. L’important n’est pas la vitesse, mais la progression régulière. Le soroban s’adapte au rythme de chaque enfant, tout en développant des compétences durables.

Existe-t-il des partenariats nationaux ou internationaux qui soutiennent votre initiative?

Oui, l’Ambassade du Japon à Djibouti et l’agence japonaise de coopération (JIKA) m’ont soutenu en mettant à ma disposition des volontaires durant la période de la formation.

Quels sont vos projets d’avenir pour introduire cette méthode japonaise dans les établissements publics?

Parmi mes projets d’avenir pour introduire le soroban dans les établissements publics djiboutiens, plusieurs actions concrètes sont envisagées. Tout d’abord, il s’agira de former les enseignants. Des sessions de formation seront organisées à l’intention des instituteurs volontaires, afin qu’ils puissent intégrer progressivement cette méthode dans leur pédagogie quotidienne, dès le premier cycle de l’enseignement.

Je prévois la création de clubs de soroban dans des écoles pilotes. Ces clubs parascolaires permettront aux élèves de pratiquer le soroban de manière ludique, sous la supervision d’un formateur qualifié, renforçant ainsi leur intérêt pour le calcul mental et la logique.

Dans un autre axe important de ce projet, nous comptons élaborer un programme adapté au contexte djiboutien. Cela inclut la conception de supports d’apprentissage simples et accessibles, rédigés en français, pour faciliter l’intégration progressive du soroban dans le programme officiel de l’éducation nationale.

Par ailleurs, des évaluations régulières seront menées sur le terrain afin d’observer l’impact réel de la méthode sur les apprentissages, notamment en termes de concentration, de logique et de motivation des élèves. Les résultats obtenus serviront de base pour envisager une généralisation du modèle à d’autres établissements.

Enfin, la sensibilisation du grand public constitue une composante essentielle du projet. Des démonstrations publiques, des ateliers parents-enfants et des campagnes d’information seront organisés afin de mieux faire connaître les bienfaits du soroban et de mobiliser les familles ainsi que les autorités autour de cette initiative éducative innovante.

Pourquoi Intec et quel est le lien entre Fathia Hassan et l’école?

Je ne suis qu’un parent d’élève, et mon seul intérêt est que mes enfants puissent apprendre le soroban dans leurs écoles. Je ne travaille pas à Intec (une école privée située à côté du lycée privé Guelleh Batal), et je ne perçois aucun revenu de cette école. Toute la formation que nous avons organisée a été entièrement gratuite. Mon objectif est de voir un jour nos enfants devenir des spécialistes dans les domaines scientifiques et technologiques grâce au soroban.

Le soroban et le numérique peuvent ils se compléter?

À première vue le soroban semble très éloigné du monde du numérique, pourtant, il s’inscrit parfaitement dans les objectifs éducatifs du XXIe siècle. Alors que les écrans ont envahi la vie quotidienne des enfants, le soroban propose une approche tactile, concrète et mentale de l’apprentissage. Il renforce également les capacités cognitives profondes telles que la concentration, le raisonnement et la visualisation mentale. C’est justement les compétences fondamentales nécessaires pour réussir dans un monde numérique exigeant.

 

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