Africa-Press – Djibouti. Dans un contexte où les transferts de fonds représentent une source de financement extérieure importante pour l’Afrique, la nouvelle taxe américaine pourrait pénaliser les économies africaines, et entraîner une baisse des flux formels, au profit de circuits informels, plus risqués.
Le président américain Donald Trump a signé, le 4 juillet dernier, le « One Big Beautiful Bill Act », une loi budgétaire qui introduit, entre autres mesures, une taxe de 1% sur les transferts de fonds envoyés depuis les États-Unis vers l’étranger. Cette taxe entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2026, selon le texte validé par le Congrès américain.
Initialement proposée à 3,5 %, dans la version de la Chambre des représentants, la mesure a finalement été fixée à 1%, dans le cadre d’un compromis visant à financer des dépenses fédérales liées à l’immigration et à la sécurité intérieure.
Une mesure à fort impact pour l’Afrique
Ces transferts de fonds, ou remises migratoires, constituent une source essentielle de revenus pour de nombreuses économies africaines. Les États-Unis sont le principal pays d’origine des flux mondiaux de transferts pour plusieurs pays africains, notamment le Kenya et le Nigeria. Pour le continent, qui dépend de plus en plus de cette manne financière, la nouvelle taxe américaine fait craindre un ralentissement des envois, avec à la clé des répercussions économiques en chaîne.
D’après les données des Nations unies, l’Afrique a reçu 100 milliards de dollars de transferts de fonds en 2023, soit environ 6 % du PIB continental. Ce montant dépasse largement l’aide publique au développement (42 milliards $) et les investissements directs étrangers (48 milliards $) perçus sur la même période. Sur la dernière décennie, les remises ont progressé de 57 %, tandis que les IDE ont chuté de 41 % pour les pays à revenu faible et intermédiaire, a indiqué la Banque mondiale.
« Les transferts de fonds sont l’une des rares sources de financement extérieur privé dont la croissance devrait se poursuivre dans les années à venir. Ils doivent être davantage mobilisés pour financer le développement, notamment via des instruments comme les obligations de la diaspora », souligne Dilip Ratha, économiste principal à la Banque mondiale.
Des pays africains plus exposés que d’autres
Si des économies majeures comme le Nigeria, l’Égypte, le Kenya ou le Maroc reçoivent les volumes les plus élevés de fonds, certains pays plus petits en sont bien plus dépendants. En 2023, les transferts représentaient plus de 20 % du PIB au Lesotho ou aux Comores, selon la Banque mondiale.
La taxe américaine de 1 % vient s’ajouter aux frais déjà pratiqués par les opérateurs de transfert comme Western Union ou MoneyGram. En Afrique subsaharienne, les coûts restent les plus élevés au monde: envoyer 200 dollars coûtait en moyenne 7,9 % au quatrième trimestre 2023, contre 7,4 % un an plus tôt, selon les chiffres de la Banque mondiale. Cette charge accrue pourrait pousser de nombreux expéditeurs à se tourner vers des canaux informels, moins onéreux mais plus risqués et difficiles à tracer.
Selon une étude du Center for Global Development (CGD), l’instauration de cette taxe devrait entraîner une baisse moyenne de 1,6 % des volumes de transferts. Le Nigeria, principal bénéficiaire sur le continent, verrait ainsi ses envois diminuer de près de 168,2 millions de dollars, tandis que l’Égypte subirait une perte estimée à 54,15 millions. Le Kenya et le Ghana ne seraient pas épargnés, avec des baisses respectives de 38,11 et 33,63 millions de dollars.
Si les recettes fiscales attendues par les États-Unis sont modestes à l’échelle fédérale, les impacts pour les pays récipiendaires, eux, pourraient être durables. Moins de devises dans les économies locales, recul de la consommation, baisse de l’investissement des ménages représentent autant de risques qui pourraient accentuer les vulnérabilités économiques de plusieurs pays africains.
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