Le krill antarctique prend la fuite en présence… d’excréments de manchot !

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Le krill antarctique prend la fuite en présence... d’excréments de manchot !
Le krill antarctique prend la fuite en présence... d’excréments de manchot !

Africa-Press – Djibouti. Ce que l’on appelle communément “krill”, petit crustacé ressemblant à une crevette, désigne en réalité l’ordre des Euphausiacés (Euphausiacea) qui comprend entre 80 et 90 espèces. L’une d’elles, Euphausia superba, aussi nommé « krill antarctique », est par ailleurs l’une des espèces les plus abondantes du monde ! Cette dernière se retrouve dans les eaux australes et se nourrit principalement de phytoplancton (organisme photosynthétique microscopique vivant dans l’eau). Ce zooplancton (organisme marin microscopique ou de petite taille, se nourrissant d’autres êtres vivants) est un maillon clé du réseau trophique antarctique. L’étude des différentes réponses comportementales d’Euphausia superba aux stimuli environnementaux permet de mieux comprendre et anticiper le fonctionnement des écosystèmes marins de l’océan Austral.

Pour la première fois, des chercheurs de l’Institut de Technologie de Géorgie et du Laboratoire Bigelow pour les Sciences Océaniques se sont intéressés au comportement individuel du krill antarctique en présence de guano (excréments d’oiseaux marins) de manchot Adélie (Pygoscelis adeliae), un signal présumé de prédateur. Publiée le 20 mars 2025 dans la revue Frontiers, leur étude démontre qu’une simple présence d’excréments dans l’eau pousse les individus à adopter des comportements d’évitement.

Le krill est sensible aux signaux chimiques

Parmi les nombreuses espèces de krill, Euphausia superba est sans aucun doute la plus grande avec une taille de 6 centimètres en moyenne, ce qui en fait un invertébré expérimental de choix. Bien que ce zooplancton soit principalement étudié pour son comportement en banc, Nicole Hellessey, chercheuse postdoctorale au Bigelow Laboratory for Ocean Sciences et auteure principale de l’étude, et ses collègues se sont focalisés cette fois-ci sur le comportement individuel. Une partie de la même équipe avait montré, dans une étude parue en 2019 dans la revue Polar Biology, que le krill est sensible aux signaux chimiques liés à la nourriture, aux partenaires et à la pollution, et adapte son comportement en conséquence. Cette fois-ci, les chercheurs ont voulu mesurer un éventuel changement de comportement du krill antarctique en présence de guano de manchots Adélie, l’un de ses prédateurs.

Pour tester la réaction du krill antarctique aux excréments, l’équipe de Nicole Hellessey a placé quelques spécimens dans un canal artificiel d’eau, reproduisant les conditions de luminosité et de courant d’une profondeur de 40 mètres dans l’océan Austral. L’équipe a enregistré à plusieurs reprises, avec deux caméras automatisées, le comportement de quatre krills individuels, différents à chaque observation, en variant la vitesse d’écoulement de l’eau et sa composition (algues, guano, ou les deux).

« Un signal chimique seul suffit à dissuader le krill de se nourrir »

Lors de la présence de guano dans le canal, les résultats démontrent un changement de comportement marqué par une nage 1,2 à 1,5 fois plus rapide. Ce comportement natatoire comporte trois fois plus de changements brusques de direction. Cette stratégie, qui consiste à zigzaguer pour éviter un prédateur tout en maintenant la direction, est utilisée par de nombreuses espèces de zooplancton telles que les rotifères et les copépodes. Néanmoins, c’est la première fois que ce comportement est observé chez le krill antarctique en réponse à un signal chimique émis par un prédateur, ici le guano.

Le zooplancton a également réduit drastiquement son taux d’ingestion d’algues lorsque des excréments de manchots étaient ajoutés à l’eau, se nourrissant moins efficacement à cause de ses changements de direction plus fréquents. Les chercheurs ont attribué tous ces comportements à une réaction de fuite ou d’évitement.

En réduisant son taux d’ingestion, le krill pourrait voir sa valeur nutritionnelle diminuer pour ses prédateurs. À l’inverse, cela pourrait favoriser la survie de ses proies habituelles en diminuant la pression de prédation. Cette réaction d’évitement pourrait ainsi avoir un effet plus large en impactant l’ensemble du réseau trophique.

Ainsi, « un signal chimique seul suffit à dissuader le krill de se nourrir, et les signaux visuels ou mécanosensoriels (par exemple, le mouvement de l’eau) ne sont pas nécessaires pour avoir un impact significatif sur le comportement du krill », exposent les chercheurs dans leur étude.

Un comportement qui aiderait à gérer les aires marines protégées

Quels produits chimiques présents dans le guano induisent cette réaction ? Les chercheurs n’ont pour le moment aucune réponse, bien que la scientifique suppose dans un communiqué que “le krill antarctique éviterait l’odeur du krill broyé et des poissons présents dans le guano des manchots”. Les recherches sont à poursuivre, comme explorer d’autres signaux chimiques présents dans la colonne d’eau, ou d’autres prédateurs, mais cette étude est la première à mettre en évidence une réponse anti-prédatrice individualisée du krill antarctique. Ce zooplancton adopte déjà un comportement anti-prédateur collectif et social par formation de grands bancs et d’essaims.

Cette observation est donc une nouveauté et pourrait potentiellement affecter la structure des bancs, mais aussi l’ensemble de l’écosystème marin austral. Un point important dans le domaine de la préservation, souligné par Nicole Hellessey pour Sciences et Avenir ; « cette découverte nous aidera à mieux gérer les aires marines protégées en Antarctique, car la région autour des colonies de manchots pourrait être évitée par le krill. Il semble donc nécessaire de mettre en place ces protections dans d’autres zones pour préserver celles qui sont importantes pour l’alimentation du krill ».

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