Mahamoud Ali Youssouf : Un capitaine face aux tempêtes africaines

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Mahamoud Ali Youssouf : Un capitaine face aux tempêtes africaines
Mahamoud Ali Youssouf : Un capitaine face aux tempêtes africaines

Africa-Press – Djibouti. Mahamoud Ali Youssouf, tel un timonier stoïque, s’élance à l’assaut d’une Union africaine chahutée par les bourrasques d’un continent en furie. Entre guerres qui calcinent l’espoir, démocraties écorchées vives et rouages institutionnels grippés, la tâche frôle l’impossible. Armé d’un pragmatisme djiboutien affûté, il porte l’étendard d’une Afrique en quête d’elle-même. L’histoire jugera si ce fils de la Corne terrassera les tempêtes ou sombrera dans leurs abysses. Pour l’heure, le destin du continent oscille, suspendu à son souffle.

Dans quelques jours, le 15 mars 2025, un vent de renouveau soufflera sur Addis-Abeba. Mahamoud Ali Youssouf, fils aguerri de la diplomatie djiboutienne, prendra les rênes de la Commission de l’Union africaine (UA), une charge aussi prestigieuse que périlleuse. Par une coïncidence qui ne manque pas de poésie, cette intronisation survient au cœur du Ramadan, ce mois où le jeûne invite à l’introspection et à l’élan collectif.

Pour beaucoup, ce télescopage temporel résonne comme un symbole: un appel à l’unité et à la résilience, deux étoiles polaires dont l’Afrique, ballottée par des bourrasques incessantes, a un besoin vital.

Élu en février 2025 lors d’un 38e Sommet de l’UA au suspense haletant, Youssouf succède à Moussa FakiMahamat, dont le bilan, souvent jugé en demi-teinte, laisse une organisation à la croisée des chemins.

Face à lui, un continent en feu, des idéaux démocratiques en lambeaux, une machinerie institutionnelle grippée, et des rêves économiques et climatiques qui oscillent entre promesses et chimères.

L’homme de la Corne de l’Afrique, avec son pragmatisme chevronné, porte sur ses épaules un espoir fragile mais tenace.

Un continent aux flammes indomptées

L’Afrique brûle, et la paix, ce mirage caressé par l’Agenda 2063, s’éloigne à chaque pas. Au Soudan, la guerre civile, déclenchée en avril 2023, dévore tout sur son passage: plus de 12 000 vies arrachées, 6 millions d’âmes déracinées, un pays qui titube au bord du gouffre. Plus au sud, en République démocratique du Congo, la chute de Goma aux mains des rebelles du M23 en janvier 2025 a rallumé un brasier humanitaire qui engloutit plus d’un million de personnes.

Ces foyers incandescents, épinglés comme urgences majeures par Crisis Group en février 2024, exposent cruellement les failles de l’UA. Mahamoud Ali Youssouf, la voix ferme, ne s’en cache pas: « Renforcer le Conseil de paix et de sécurité, donner chair à une Force africaine permanente, ce sont des impératifs qui ne souffrent aucun délai », lançait-il en décembre dernier sous les feux d’un débat télévisé. Mais entre la noblesse des mots et la rudesse des faits, l’écart est vertigineux. Les caisses sonnent creux, la solidarité entre États membres vacille. Là où d’autres ont ployé, Youssouf saura-t-il faire jaillir l’étincelle décisive ? Le défi est de taille, et le temps, un juge implacable.

La démocratie, un astre pâli

Un vent mauvais souffle sur les idéaux démocratiques du continent, et l’UA, tel un phare vacillant, peine à éclairer la voie. Depuis 2021, les coups d’État se succèdent comme des orages imprévus: Niger, Gabon, Mali, Soudan, une litanie qui a poussé six nations hors du giron de l’Union pour « changements anticonstitutionnels».

Ailleurs, la gouvernance transparente s’effrite, rongée par des dérives autoritaires. Une étude d’Al Jazeera, parue en février 2025, dresse un constat glaçant: 93 % des résolutions prises par l’UA entre 2021 et 2023 dorment dans les tiroirs, victimes d’une résistance farouche des potentats locaux. « La Charte africaine sur la démocratie doit guider nos pas », insiste un observateur depuis Nairobi. Mais Mahamoud Ali Youssouf, fin connaisseur des arcanes diplomatiques, sait que les exhortations ne suffisent pas à briser les chaînes de l’inertie. Comment convaincre certains des chefs d’État, de dépasser l’intérêt personnel et de s’incliner devant le bien commun ? La tâche s’annonce herculéenne, le succès, un horizon incertain.

Une Union en quête d’âme ?

L’UA, ce géant aux pieds d’argile, chancelle sous le poids de ses propres contradictions. En 2016, Paul Kagame avait esquissé un rêve de réformes, une machine plus vive, plus affûtée. Mais ces ambitions se sont perdues dans les méandres des querelles intestines. Le nerf de la guerre, comme toujours, reste l’argent: en 2024, le Fonds de paix plafonne à 381 millions de dollars, loin des 400 millions espérés. Plus cinglant encore, 75 % des décisions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples s’évanouissent dans l’indifférence générale, un affront qui dit tout du fossé entre les proclamations et les actes. Le nouveau président Mohamed Ali Youssouf, fort de son réalisme djiboutien, devra trouver le ton entre audace et patience. Réveiller une institution engourdie, c’est un peu comme ranimer une flamme sous la pluie: possible, mais ô combien ardu.

L’AfCFTA, une promesse au bord du précipice

Sur le terrain économique, un nom scintille comme une lueur dans la nuit: la Zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA). « Une chance unique », proclamait MAY lors de son discours d’investiture, vantant son pouvoir de galvaniser le commerce entre les nations africaines. Pourtant, ce rêve patine, entravé par des murailles de taxes et des routes qui s’effritent. Alors que la jeunesse africaine fait face aux maux quotidiens, un cri d’alarme lancé par la Banque mondiale, l’AfCFTA oscille entre espoir et défi colossal. Pour qu’elle prenne vie, il faudra des trésors d’investissements et une symphonie régionale que l’UA, jusqu’ici, peine à diriger. La partition est écrite, mais l’orchestre reste à accorder.

Le climat, un cri dans le désert

L’Afrique, martyrisée par les colères du ciel, ploie sous les sécheresses et les déluges. Un rapport d’Africa Practice, dévoilé en décembre 2024, fustige l’apathie des nations riches, avares de leurs subsides.

MAY, lui, mise sur des outils comme les marchés de carbone, avalisés à la COP29, pour drainer des fonds vitaux. Mais sans un sursaut planétaire, ce combat risque de n’être qu’un murmure perdu dans l’immensité d’un monde sourd. L’urgence est là, criante, et l’inaction, une blessure ouverte.

Un homme pour un destin

Porter la voix de l’Afrique au G20, désamorcer les braises entre la RDC et le Rwanda, tisser une unité face au monde: le mandat de Youssouf s’annonce comme une traversée en haute mer. Forgé dans le creuset de Djibouti, ce petit aux grandes ambitions, il apporte dans ses bagages une expérience rare et un sang-froid éprouvé.

« L’UA a soif d’un renouveau, et Youssouf pourrait en être le sculpteur », a soufflé un analyste, la voix teintée d’optimisme. Conflits, érosion démocratique, lourdeurs institutionnelles, ambitions économiques et cris climatiques: face à ces vagues déferlantes, Mahamoud Ali Youssouf est à la fois une ancre et une boussole.

L’histoire dira si ce fils du désert saura apaiser les tempêtes qui grondent sur le continent. Pour l’instant, l’Afrique, suspendue à son souffle, guette l’aube d’un possible sursaut. Alors que vous vous apprêtez à diriger la Commission de l’Union africaine, les mots de Martin Luther King Jr. résonnent avec force: « La mesure ultime d’un homme n’est pas où il se tient dans les moments de confort et de commodité, mais où il se tient dans les moments de défi et de controverse. » Les obstacles seront nombreux, mais l’espoir d’un avenir meilleur demeure vif.

Que votre mandat transforme les défis en opportunités pour l’Afrique. Bonne chance à vous dans cette noble mission, porté par la résilience et la vision d’un continent uni.

Said Mohamed Halato

Source:

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