Pourquoi Djibouti met fin à l’expérience de son fonds souverain

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Pourquoi Djibouti met fin à l’expérience de son fonds souverain
Pourquoi Djibouti met fin à l’expérience de son fonds souverain

Olivier Caslin

Africa-Press – Djibouti. Un décret présidentiel du 27 avril a acté la liquidation du fonds lancé il y a cinq ans dans le pays. Une décision faute de résultats, avancent les autorités qui assurent réfléchir à un autre modèle pour l’avenir.

Fin de partie pour le Fonds souverain de Djibouti. Le décret présidentiel est tombé de manière aussi abrupte que surprenante en plein milieu d’après-midi, le dimanche 27 avril: le Fonds souverain djiboutien (FSD) est mis en liquidation et un liquidateur a été nommé, en la personne de Hassan Issa Sultan, inspecteur général de l’État.

Ce dernier est depuis en charge des fonctions et des mandats détenus jusqu’alors par le directeur-général du FSD, le Tunisien Slim Feriani, démis de sa charge à compter de la signature du décret par le président Ismaël Omar Guelleh et dont le nom n’apparaît jamais dans le document.

Pas plus d’ailleurs que dans celui qu’a diffusé le service de presse de la présidence djiboutienne, le 30 avril. Après avoir rappelé et confirmé les décisions présidentielles, ce communiqué amorce un début d’explication, plutôt cinglant pour l’ancien patron du FSD.

Cette « décision souveraine de l’actionnaire étatique répond à une exigence de gestion des ressources de la nation », dit le texte, et elle a été prise à la suite du constat fait par les autorités « des faibles résultats en termes de création d’investissements productifs ». « Il est donc devenu évident que, dans son format actuel, le FSD ne pouvait répondre aux objectifs qui lui avaient été assignés cinq ans plus tôt », poursuit le document.

1,5 milliard de dollars sur 10 ans

Dès son lancement officiel, le 29 juin 2020, le FSD se voit confier de grandes ambitions, dont celle d’être l’outil de la Vision 2035 du président IOG. L’exemple à suivre est celui du Singapourien Temasek, et Djibouti compte sur son fonds souverain pour « investir dans des projets ayant un fort impact sur l’économie, l’emploi et la gestion à long terme des réserves financières du pays ». À lui de générer « des revenus supplémentaires pour l’État », d’initier surtout la transformation de l’économie djiboutienne et sa nécessaire diversification.

Pour cela, l’État prévoit de doter son fonds de 1,5 milliard de dollars sur dix ans et lui confie ses principaux actifs: 100 % de Djibouti Télécom ; 100 % d’Électricité de Djibouti (EDD) ; 40 % de Great Horn Investment Holding (GHIH, créé en 2016 et qui regroupe les avoirs portuaires et logistiques du pays) et 20 % des revenus annuels tirés des bases militaires. Le FSD est une société anonyme de droit privé, dont le seul actionnaire est et restera l’État djiboutien. Il est, dès sa mise en place, placé sous la présidence de Mohamed Sikieh Kayad, ancien de la Banque mondiale et conseiller économique à la présidence.

Difficultés dès le départ

Bien né donc, malgré la pandémie de Covid-19, le FSD n’a pourtant cessé de faire face à des difficultés. En plus d’être impacté par la pandémie puis la guerre en Ukraine, comme l’ensemble de l’économie mondiale, le fonds souverain djiboutien a également dû compter avec l’instabilité récurrente de l’Éthiopie et les tensions géopolitiques qui traversent la sous-région ces dernières années.

Il a aussi souffert, dès sa naissance, d’une gouvernance erratique. Nommé directeur-général du FSD le 20 juillet 2020, le Sénégalais Mamdou Mbaye, ancien directeur exécutif du Fonds souverain du Sénégal (Fonsis), doit démissionner moins d’un an plus tard, après un audit mené par l’inspection générale de l’État, déjà…

Six mois plus tard, l’ancien ministre tunisien de l’Industrie et des PME, Slim Feriani, le remplace. Passé par l’université George Washington, dans la capitale fédérale des États-Unis, le financier ne fait jamais vraiment l’unanimité auprès des Djiboutiens, pendant les trois ans et demi de son mandat. Souvent malmené par les médias qui s’interrogent sur son action, il plaide, lui, pour la nécessaire remise en ordre du fonds. Il faut attendre le début de 2023 pour voir le FSD signer son premier contrat, en tant que co-investisseur, pour la réalisation d’une centrale solaire dans le désert du Gand Bara.

Trop maigre bilan

Contraint par les difficultés économiques de Djibouti, le directeur-général du FSD estime également ne jamais avoir disposé des moyens financiers promis à l’origine du projet, alors que certains « bijoux » de l’État n’ont pas été valorisés comme annoncé, à l’exemple de la privatisation partielle de Djibouti Telecom qui continue de se faire attendre. Début 2024, le FSD arrive à boucler, pour quelques centaines de milliers de dollars, un second projet, portant sur la création de la première société de financement participatif du pays, destinée à soutenir les PME et les start-ups djiboutiennes. Et c’est tout. Un bilan jugé donc bien maigre par les autorités djiboutiennes, comme elles l’indiquent dans leur second communiqué.

Annoncé déjà sur le départ début 2024, soit bien avant la fin de son mandat de trois ans prévus alors en décembre, Slim Feriani semblait avoir inversé la tendance avec l’organisation, en mai de cette même année, du premier forum du FSD en direction des investisseurs internationaux. Ce que n’a cependant pas réussi à faire la seconde édition qui s’est déroulée les 7 et 8 avril, malgré les commentaires élogieux sur les médias sociaux, relayés par le DG. Le Tunisien est désormais éconduit au moment où l’horizon judiciaire pourrait s’obscurcir dans son propre pays.

Au-delà de la personne, c’est aussi le modèle qui semble être aujourd’hui remis en cause par des autorités djiboutiennes peut-être lassées d’attendre. « Le gouvernement a entamé une réflexion sur la mise en place demain d’un outil mieux adapté, capable de répondre aux objectifs stratégiques du pays », conclut ainsi le communiqué du 30 avril, sans donner plus de détails sur les raisons du brutal arrêt de l’expérience en cours.

Source: JeuneAfrique

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