Sécurité maritime du Gabon : le gouvernement a-t-il toujours bluffé ?

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Sécurité maritime du Gabon : le gouvernement a-t-il toujours bluffé ?
Sécurité maritime du Gabon : le gouvernement a-t-il toujours bluffé ?

Africa-Press – Gabon. Malgré les équipements militaires aéronautiques et navals exhibés lors des défilés militaires, malgré tout le dispositif déployé entre la Pointe-Denis et Wonga-Wongé pour la sécurité d’un régulier hôte de marque et pour les villégiatures du chef de l’Etat, le Gabon n’a pas pu voler au secours de ses citoyens en danger à 20 mn à vol d’oiseau de sa capitale. Le pays pratique-t-il le leurre à l’irakienne ? Les rafiots voguent toujours dans les eaux du pays et la piraterie maritime n’a pas été éradiquée. Pour un aggiornamento dans la politique de sécurisation des eaux territoriales du Gabon.

Quid de la Brigade nautique de la Gendarmerie du Port-môle de Libreville où trônent bien souvent deux hors-bords toujours hors des eaux ? Qu’en est-il du patrouilleur de type P200 baptisé Jean Léonard Mbini, d’une vitesse économique 1500 nautiques, offert par la Chine en juin 2021 ? Où sont passés les deux Rodman-66 (patrouilleurs capables naviguer entre 450 et 550 milles sans revenir au port et capables de gérer des tempêtes de force 6) ? Où sont, de même, le bateau de surveillance à propulsion RPM 20, les embarcations rapides de la Gendarmerie nationale, de la Garde Républicaine et de la Direction générale du corps des Sapeurs-pompiers ? A quoi sert donc la demie-dizaine d’hélicoptères ayant défilé le 17 août 2022 et censés, selon les présentateurs officiels, surveiller les côtes nationales et évacuer des personnes le cas échéant ?

Comment donc tout cet équipement, basé dans la province de l’Estuaire donc sur le littoral et surtout à Libreville n’a-t-il pas pu être déployé alors qu’une alerte donnée par l’Esther Miracle, navire en détresse, a pu être captée à Port-Gentil par l’armateur Peschaud et pas par ceux qui sont censés surveiller les eaux territoriales ? Soit l’équipement est rangé sitôt l’exhibition festive terminée ; soit la chaine de commandement pour le déclenchement du dispositif est trop lourde, l’armée gabonaise étant en effet une administration visqueuse dont les hiérarques n’ont jamais la décision, devant toujours eux-mêmes en référer à une plus haute hiérarchie.

Piraterie maritime et brainstorming autour du Président

Depuis quelques années pourtant, le Gabon est confronté à une question de sécurité maritime. Le constat est implacable après plusieurs incidents de piraterie et le récent naufrage ayant coûté la vie à 21 personnes. Plusieurs actes de piraterie se sont en effet produits au large des côtes gabonaises. En mai 2020, six membres d’équipage de deux chalutiers ont été kidnappés par 13 pirates armés. En février 2021, un bateau de pêche chinois a été saisi par des pirates. Il y a également eu d’autres actes de piraterie, comme l’attaque de l’OSV Tampen par des hommes armés en septembre 2021. Ce qui naturellement n’est pas sans susciter des interrogations relatives à l’efficacité des moyens de surveillance et de réaction en cas de danger dans les eaux territoriales gabonaises.

Malgré une réunion du président gabonais avec les acteurs concernés par les questions de défense et de sécurité, en septembre 2021, le sauvetage des naufragés de l’Esther Miracle a mis en évidence la lenteur voire le manque de réactivité des entités concernées. La séance de travail entre le chef de l’Etat, son Premier ministre d’alors (Ossouka Raponda) et les acteurs concernés par la défense et la sécurité (ministres de la sécurité maritime, commandants en chef des différents corps et même services de renseignement), visait le renforcement de la stratégie de sécurisation de l’espace maritime gabonais. Rien apparemment n’a été fait par la suite, vu que les entités impliquées ont brillé par leur lenteur ou leur manque de réactivité dans le sauvetage des naufragés de l’Esther Miracle.

Bluff, exhibition de muscles factices, manipulation des esprits ?

Peut-ête le pays pratique-t-il un leurre à l’irakienne. La technique, notamment usitée durant la guerre du Golfe, consiste à duper l’ennemi, l’impressionner, le déstabiliser ou faire diversion en présentant des tanks factices, de répliques d’avions de combats ou des lance-roquettes gonflables. Ce n’est absolument le cas au Gabon, le pays n’étant pas en guerre, mais on pourrait le penser si tant est que les moyens exhibés lors des défilés militaires ne servent qu’à marquer la conscience du public sur les moyens de défense ou de répression et à impressionner les invités de marque.

Or, ce qu’on pourrait appeler tragédie de l’Esther Miracle pourrait toujours se reproduire. Ainsi que l’a confié à Gabonreview un expert maritime ayant travaillé en dernier lieu sur le projet Gabon Bleu, de nombreux bateaux voguant au Gabon «sont des rafiots, ils sont très très souvent en difficulté». Il est donc urgent de rendre opérationnel tout ce dispositif et d’utiliser le matériel acquis autrement que pour les défilés militaires.

Faire attention c’est prévenir, anticiper. Ce n’est pas réagir ou agir a postériori. «Attention c’est devant !», renseigne une rengaine urbaine populaire. Un aggiornamento s’impose dans le secteur maritime gabonais, aussi bien militaire que civil.

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