
Africa-Press – Gabon. Au terme du Dialogue national inclusif (DNI), le 30 avril dernier, au Gabon, les commissaires ont proposé la suspension de tous les partis politiques. Une recommandation participant de la réforme en profondeur du pays. En plus, les leaders du Parti démocratique gabonais (PDG), ex-parti au pouvoir, seront inéligibles pendant trois ans. Ces mesures ont suscité une vive polémique au point que le 17 mai dernier, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Hermann Immongault, a dû expliquer que «les recommandations issues du DNI ne sont pas encore revêtues d’une quelconque autorité, encore moins dotées de la force juridique».
Au Gabon, certaines recommandations du dernier Dialogue national inclusif (DNI) passent mal. Tel est le cas de la suspension des partis politiques. Cette mesure, bien qu’étant à l’étape des recommandations, a amené le chef du département de l’Intérieur et de la Sécurité, Hermann Immongault, à s’exprimer et à éclairer l’opinion. En suspendant ces formations, on indexe leur fonctionnement actuel caractérisé notamment par un nombre jugé plus qu’exagéré, soit 104, «dont certains n’ayant jamais tenu un congrès ou concouru au suffrage universel». Cette suspension a donc pour finalité une meilleure réorganisation de l’environnement politique du pays.
«Des chiffres largement au-dessus du nombre même d’électeurs»
La recommandation de la suspension des partis politiques est vue par certains acteurs politiques comme une sanction de trop. Sanction d’autant plus qu’elle impacte le fonctionnement, disent-ils, de la démocratie. Le gouvernement de la Transition, de son côté, estime qu’il n’en est rien. Le ministre de l’Intérieur fait observer qu’«une simple arithmétique nous montre que ce serait 936.000 Gabonais qui militeraient dans ces partis». «Des chiffres largement au-dessus du nombre même d’électeurs», a-t-il fait noter, indiquant que la réalité est tout autre.
Hermann Immongault relève que le constat fait par les Gabonais est fortement négatif s’agissant de ces écuries politiques. «Et les qualificatifs animaliers utilisés, à l’exemple de «partis gazelles», une espèce animale au demeurant très prisée dans notre culture alimentaire, rendent compte d’une réalité dont tout le monde a connaissance», a-t-il déclaré.
En termes d’évolution quantitative des partis politiques, en 1990, il y avait 73, 47 en 2011, 51 en 2012, 56 en 2015, 60en 2017, 74 en 2018 et 104 en 2023. La plupart de ces formations ne disposant pas de siège et l’occupation spatiale est parfois insignifiante. De même, a souligné le ministre de l’Intérieur, elles n’ont pas d’élus locaux et/ou nationaux et affichent de manière notoire une absence d’autonomie suite à la signature des chartes de regroupement (majorité/opposition), ainsi qu’un manque réel de militants.
Finalité: une meilleure réorganisation de l’environnement politique du pays
«Nous parlons bien de suspension et non de dissolution, qui ne figure, d’ailleurs, nullement dans les recommandations issues du Dialogue national inclusif. Cette confusion sémantique doit être levée», a-t-il dit, ajoutant que selon les orientations du peuple gabonais, cette suspension a pour finalité une meilleure réorganisation de l’environnement politique du pays.
Le gouvernement se chargera de mettre en place un nouveau cadre législatif, modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°16/2011 du 14 février 2012 portant modification de la loi n°24/96 du 6 juin 1996 relative aux partis politiques, «en y apportant un certain nombre de réformes qui répondraient à l’aspiration d’un État encore plus démocratique».
Ce nouveau cadre juridique, a expliqué le premier flic du pays, énoncera des conditions préalables à la reprise des activités des partis politiques. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été clairement recommandées par le peuple gabonais via le DNI à savoir, pour les partis politiques d’avoir (au minimum) dix-huit mille adhérents sur l’ensemble du territoire (contre neuf mille dans la loi actuelle) ; de justifier d’un état d’adhésion unique pour les adhérents.
Hermann Immongault assure ainsi qu’«avec l’attestation du NIP-Numéro d’identification personnel- que le MIS délivre depuis le 3 avril dernier, il sera désormais possible de s’assurer qu’il n’y a pas de multiples émargements (1 citoyen, 1 NIP, 1 parti politique)».
Construire une démocratie avec des partis politiques forts et bien structurés
La nouvelle législation devrait imposer à ces officines politiques de disposer d’un siège ; d’avoir un compte bancaire ; de se positionner parmi les quatre blocs idéologiques retenus (Droite, Gauche, Centriste et extrême droite, NDLR) et d’observer l’obligation faite aux responsables des partis d’avoir une idéologie politique clairement identifiée.
«Si de tout temps les partis ont pu constituer des groupements politiques, nous ne doutons pas un seul instant de leur capacité à s’agréger autour d’une idéologie clairement établie ; exercice qui participera, assurément, au renforcement du débat d’idées», a-t-il espéré, précisant également que «cette exigence de réorganisation s’accompagne, ipso facto, d’une dissolution pure et simple des partis politiques qui n’auront pas pu remplir ces critères dans un délai bien précis [qui restera à fixer]».
Pour le ministre de l’Intérieur, «les Gabonais veulent construire une démocratie avec des partis politiques forts et bien structurés, qui concourent librement au suffrage universel. Tout comme en Économie avec la loi du marché, les partis qui ne feront pas le poids sur le terrain s’étioleront pour disparaître d’eux-mêmes».
En attendant la mise en place de tous ces éléments, Hermann Immongault a souligné que jusqu’à présent, «les recommandations issues du DNI ne sont pas encore revêtues d’une quelconque autorité, encore moins dotées de la force juridique». «Il faut qu’au préalable elles soient traduites en textes législatifs ou réglementaires», a-t-il dit.
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