Mal aux Dents: la Faute des Poissons Anciens

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Mal aux Dents: la Faute des Poissons Anciens
Mal aux Dents: la Faute des Poissons Anciens

Africa-Press – Gabon. Imaginez un poisson, couvert d’une lourde armure minéralisée, nageant dans les mers de l’Ordovicien (-485,4 à – 443,4 millions d’années) boueuses et grouillantes de prédateurs. Comment détecter les changements subtils de température, de profondeur ou les risques de collision avec d’autres créatures? Selon une étude publiée dans la revue Nature, ces animaux auraient développé un ingénieux système sensoriel sur leur exosquelette: des bosses, analogues des dents, constituées de dentine et d’émail et nommées odontodes. Certains poissons modernes en portent toujours.

Nuit blanche au synchrotron

Tout commence par une nuit blanche au synchrotron d’Argonne, aux Etats-Unis. Yara Haridy, postdoctorante à l’Université de Chicago, scanne des fragments fossiles à la recherche de celui qui pourrait correspondre au plus ancien vertébré. Pour ce faire, elle a collecté, auprès de musées, des spécimens du Cambrien (il y a 485 à 540 millions d’années) afin de les scanner et d’y déceler des signes révélateurs de caractéristiques propres aux vertébrés. L’un de ces signes, du moins chez les poissons plus récents, est la présence de dentine à l’intérieur des odontodes.

Lorsqu’ils ont commencé à examiner les images des scanners, l’un des échantillons d’un fossile, daté du Cambrien et appelé Anatolepis, semblait présenter les caractéristiques d’un poisson vertébré. Il possédait une série de tubules, sous les odontodes, remplis d’une matière portant la signature chimique de la dentine. Mais les images ultra-précises réalisées ont permis de conclure que ces structures étaient plus proches de celles des arthropodes. « Nous avons vite compris que la dentine vertébrée était très simple comparée à la complexité des sensilles des arthropodes. Chez les vertébrés, elle est faite de tubes simples reliant l’extérieur à la cavité centrale, alors que les sensilles possèdent une grande diversité de structures additionnelles », explique Yara Haridy.

Une origine sensorielle

L’équipe a donc conclu que Anatolepis était un invertébré et non pas un ancien poisson comme l’avait affirmé une étude publiée dans la revue Nature, en 1996. C’est finalement chez un autre fossile, Eriptychius, un vrai poisson (ce coup-ci) vieux de 465 millions d’années, qu’ont été identifiés de véritables odontodes contenant de la dentine. Chez les poissons modernes à peau denticulée, comme les raies, les requins ou les poissons-chats, ces structures externes sont encore connectées à des nerfs. Ce qui plaide pour une origine sensorielle de la dentine: les premières dents ne servaient pas à manger, mais à sentir.

« Nos dents actuelles sont très sensibles aux pressions fortes ou aux températures extrêmes. Nous supposons que les poissons cuirassés comme Eriptychius ressentaient ces stimuli quand ils heurtaient quelque chose ou lorsque l’eau devenait trop froide, leur permettant ainsi d’adapter leur comportement », explique la paléontologue.

Une sensibilité ancestrale toujours présente

Pour mieux comprendre comment ces anciennes fonctions persistent chez les animaux modernes, les chercheurs ont également étudié des espèces actuelles comme les requins et les poissons-chats. Résultat: ces animaux possèdent toujours des structures sensibles ressemblant aux otodontes, notamment des denticules dermiques, reliés directement à des nerfs comme nos propres dents.

Ainsi, cette découverte soutient l’hypothèse dite « outside-in », selon laquelle les dents auraient d’abord évolué sur les exosquelettes, en tant que capteurs, puisqu’elles auraient été recyclées pour des usages internes, grâce à une réutilisation génétique astucieuse. Les premières dents internes n’étaient d’ailleurs pas associées à la bouche: elles se trouvaient au fond de la gorge de certains poissons ancestraux dénués de mâchoires, les agnathes.

La sensibilité de nos dents serait donc un héritage direct de ces poissons primitifs. Avec une pointe d’humour, Yara Haridy conclut: « Si vous avez mal chez le dentiste, vous pouvez toujours maudire les agnathes ! »

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