Maladie D’Alzheimer: un Test Sanguin Facilite le Diagnostic

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Maladie D'Alzheimer: un Test Sanguin Facilite le Diagnostic
Maladie D'Alzheimer: un Test Sanguin Facilite le Diagnostic

Africa-Press – Gabon. Tests de la mémoire, imagerie médicale et ponction lombaire… À la suite de l’apparition de troubles cognitifs, il faut plusieurs examens pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer. Après les tests cognitifs, l’imagerie médicale (TEP-scan) est nécessaire pour observer l’atrophie cérébrale causée par la maladie sur le cerveau. En complément, le prélèvement de liquide céphalo-rachidien, grâce à une ponction lombaire entre les vertèbres, était jusque-là incontournable dans le diagnostic. Lui seul permettait de doser la présence des biomarqueurs spécifiques d’Alzheimer.

Cet examen a beau être pratiqué en routine, « il effraie bon nombre de patients, dont certains refusent même de s’y soumettre « , constate le Pr Philippe Amouyel, directeur de la Fondation Alzheimer. Mais c’est une petite révolution qui se dessine pour le diagnostic de la maladie: cet examen sera bientôt remplacé par un simple test sanguin – bien moins invasif que la ponction lombaire tant redoutée. Le premier du genre vient en effet d’être autorisé aux États-Unis par la Food and drug administration (FDA).

Ce nouveau test part à la recherche des deux mêmes biomarqueurs que ceux retrouvés dans le liquide céphalo-rachidien. La protéine bêta-amyloïde, d’abord, qui s’accumule sous forme de plaques dans le cerveau et empêche le bon fonctionnement des neurones. Ensuite, la protéine tau qui, elle, s’agrège à l’intérieur des neurones et fibrille (elle « tournicote ») jusqu’à les empêcher de communiquer. « Lorsqu’un patient est atteint de la maladie, son cerveau en présente de grandes quantités. On les dose facilement dans le liquide céphalo-rachidien », explique Philippe Amouyel.

Mais des quantités infinitésimales de bêta-amyloïde et de tau ont aussi été retrouvées dans le sang, sans qu’on ne comprenne vraiment comment. « L’hypothèse actuelle est que les protéines passent d’abord dans le liquide céphalo-rachidien et sont ensuite drainées dans le sang au moment de sa réabsorption dans la circulation sanguine « , souligne le Pr Markus Otto, neurologue à l’université Martin-Luther de Halle-Wittenberg, en Allemagne, et spécialiste de la protéine tau.

Une fois le dosage établi, le test n’a pas vocation à donner une réponse de type « oui ou non », comme le ferait un test de grossesse, par exemple. « Les biomarqueurs augmentent au fur et à mesure que la maladie progresse. Mais la maladie ne se ‘déclenche’ pas automatiquement à partir d’un certain taux « , explique le neurologue Sebastian Palmqvist, maître de conférences à l’université de Lund, en Suède, et auteur de plusieurs études sur la protéine tau.

Des examens complémentaires doivent l’accompagner

Dans le cas du Lumipulse, le test autorisé par la FDA, c’est le ratio entre les concentrations de la protéine bêta-amyloïde 42 et de la protéine p-tau 217, mesurées dans le plasma sanguin, qui détermine si des plaques de protéines ont envahi le cerveau ou non. Pourquoi plutôt le ratio entre les deux protéines que simplement mesurer leur quantité? « La mesure des marqueurs sanguins est toujours liée à des biais, explique le Pr Sylvain Lehmann, directeur de l’Institut des neurosciences de Montpellier. L’heure du prélèvement peut jouer un rôle. Une fonction rénale altérée (des problèmes aux reins, ndlr) peut aussi modifier les valeurs. Tout cela augmente de façon artificielle les niveaux détectés. Or, si l’un des facteurs est un peu augmenté par un biais, l’autre le sera aussi. Mais le ratio entre les deux reste inchangé.  » Cette valeur permet de réduire le nombre de cas indéterminés, qui restent dans une zone grise, et d’identifier plus facilement les individus qui ne sont pas atteints de la maladie. Reste que le test doit toujours être accompagné d’une interprétation clinique, avec des examens complémentaires.

D’autant que le Lumipulse n’est pas infaillible. Plusieurs études montrent qu’il possède une sensibilité et une spécificité d’environ 90 % chacune. Cela signifie qu’il arrive à identifier correctement un malade dans 90 % des cas et à identifier une personne non malade dans 90 % des cas. Dans les cas restants, les patients sont diagnostiqués à tort avec la maladie d’Alzheimer ; ou le diagnostic les identifie comme sains alors qu’ils sont bien atteints. Dans les deux situations, l’erreur est lourde de conséquences. Aussi bien pour la personne non malade qui se sait « condamnée » que celle atteinte qui se pense hors de danger.

Pourtant, Sylvain Lehmann reste enthousiaste. « Oui, cela veut dire qu’il y a une personne sur dix chez qui on se trompe. C’est bien pour cela que ce test ne doit pas être utilisé tout seul, mais chez des gens déjà suspects. Si on l’utilise en population générale, on va se retrouver avec un nombre de faux étourdissant. Il n’est donc pas question de l’utiliser en dépistage.  » Mais ce nouvel outil est plus que bienvenu dans la confirmation du diagnostic et la recherche contre Alzheimer. « C’est déjà extraordinaire. On se dit qu’on ne pourra pas avoir mieux. Même en anatomopathologie, lorsqu’on regarde directement le cerveau des patients au microscope, on n’arrive pas à un résultat parfait.  »

Priorité est donnée aux malades de plus de 65 ans

Au moment de son autorisation, la FDA elle-même a prévenu: le Lumipulse n’est pas destiné à devenir un test de dépistage massif ni un test de diagnostic à utiliser seul. « Il s’agit d’une aide au diagnostic lorsque la maladie est déjà installée. Ces tests n’ont pas vocation à prédire si un individu risque de développer la maladie dans sa vie « , précise Philippe Amouyel. Il s’adresse en priorité aux patients présentant déjà des symptômes et âgés de plus de 65 ans.

« Ces tests ne donnent pas une réponse absolue. Ils ne fonctionnent pas très bien sur des patients dont la démence commence tôt dans la vie ou sur des individus jeunes avec des troubles cognitifs légers. Et dans un nombre important de cas, le résultat qu’il donne ne permet pas de tirer de conclusions « , prévient Pedro Rosa-Neto, neurologue à l’université McGill à Montréal, au Canada, dont les travaux montrent que l’efficacité du test dépend de l’âge et de l’intensité des symptômes du patient chez lequel il est utilisé.

À la FDA, la validation du Lumipulse est passée par une procédure spéciale qui permet d’autoriser un dispositif médical lorsqu’il démontre des performances équivalentes à celles d’un test déjà approuvé. En l’occurrence, le test sanguin montre des résultats comparables – et non supérieurs – à ceux obtenus par des analyses du liquide céphalo-rachidien. Mais il sera bien plus simple à mettre en œuvre et devrait donc accélérer la prise en charge.

L’autorisation semble arriver à point nommé, peu après l’approbation de médicaments contre la maladie en juillet 2023 aux États-Unis, puis en 2024 et 2025 par l’Agence européenne du médicament. Sans eux, les tests diagnostiques auraient soulevé un important problème éthique. « Avant que nous ayons ces traitements, il était un peu bancal de diagnostiquer les gens et de leur dire que rien ne peut être fait pour eux. Avec ces thérapies qui réduisent la plaque dans le cerveau et ralentissent le déclin cognitif, on entre dans l’ère thérapeutique « , estime le Pr Robert Rissman, neuroscientifique à l’Institut de recherche thérapeutique sur la maladie d’Alzheimer de l’université de Californie à San Diego, aux États-Unis.

Dans la course contre la maladie d’Alzheimer, le temps semble désormais être devenu un facteur clé. Les études ont montré que les plaques bêta-amyloïdes commencent à s’installer quinze ans avant l’apparition des premiers symptômes. L’arrivée de tests simples et efficaces laisse espérer des diagnostics bien plus précoces. Mais seulement si une thérapie peut être proposée aux patients. « Pour le moment, il n’est pas question de diagnostiquer Alzheimer avant l’apparition des symptômes. Mais d’ici un à deux ans, nous saurons si les molécules désormais disponibles sont aussi efficaces chez les patients qui ne présentent pas encore de signes cliniques. Si les résultats sont positifs, alors nous pourrons commencer à tester les gens avant qu’ils ne perdent la mémoire « , espère Sebastian Palmqvist.

Seuls quelques laboratoires les utilisent en France

Reste à savoir quand l’Europe, et a fortiori la France, pourra officiellement sauter dans le train en marche. Pour le moment, ce test n’est utilisé que dans une poignée d’infrastructures, comme à Paris, Bordeaux, Lille ou Lyon. « Cela demande des laboratoires équipés de machines ultraspécialisées, utilisées uniquement dans des centres experts « , précise Philippe Amouyel.

Au CHU de Montpellier, Sylvain Lehmann utilise ces tests depuis septembre 2024. « L’argent reste l’un des facteurs limitants. Il faut acheter des consommables, l’acte n’est pas remboursé et aucune recommandation sur le parcours de soins n’a été émise pour le moment « , regrette le neurologue. Contacté par Sciences et Avenir, Fujirebio, le laboratoire qui commercialise le Lumipulse, n’a pas souhaité révéler si une demande d’autorisation avait déjà été déposée auprès de l’Agence européenne du médicament.

« Ces tests aident au recrutement de participants pour nos recherches »

Robert Rissman est neuroscientifique à l’Université de Californie à San Diego (Etats-Unis). Il a reçu le prix Alzheimer 2024.

Sciences et Avenir: L’introduction des tests sanguins a-t-elle changé quelque chose à la recherche contre Alzheimer?

Robert Rissman: Nous avons eu recours à bon nombre de ponctions lombaires par le passé. On peut dire que les participants n’étaient pas enchantés. Certains ont même refusé par crainte, d’autres n’habitaient pas assez près d’une structure capable d’en faire. Depuis que nous utilisons des tests sanguins, il nous est beaucoup plus facile de recruter des participants aux essais.

Sciences et Avenir: Avec quels résultats?

La mise en place de tests sanguins a considérablement facilité notre travail. Pour recruter des participants, nous avons commencé par nous appuyer sur des TEP-scan. Plus de 70 % de candidats potentiels étaient écartés après l’examen, en raison de quantités insuffisantes de bêta-amyloïde dans leur cerveau. Depuis l’introduction des tests sanguins comme étape de présélection, moins de 30 % des personnes passant un scanner TEP ont été jugées inéligibles.

Sciences et Avenir: Quels profils de patients utilisez-vous?

Nous dépistons de jeunes personnes saines et aux capacités cognitives normales avec ces tests sanguins, afin de savoir si elles commencent à accumuler des plaques amyloïdes dans le cerveau. Nous aimerions voir si, en limitant le développement de la plaque, le déclin cognitif peut être évité. Cela représente un espoir de freiner la maladie le plus tôt possible chez les patients.

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