Africa-Press – Gabon. Dans un pays où la peur avait trop longtemps dicté sa loi, Edwin Ballack Obame Mebiame a avancé sans plier, le regard accroché à la liberté. Étudiant frondeur devenu figure de l’opposition, il a traversé la prison comme on traverse la nuit, forgeant dans l’épreuve une force que nul barreau n’a pu briser. Son parcours, de la ferveur militante au combat électoral prochain, demeure l’odyssée d’un homme qui a transformé l’injustice en victoire intérieure et la souffrance en destin. Retour sur une vie de résistance et de courage.
À Libreville, son nom résonne souvent comme celui d’un survivant de l’histoire politique récente. Le 30 août dernier, lorsque le lieutenant Kelly Ondo Obiang, figure du putsch avorté de 2019, a rendu hommage à ses compagnons de lutte à sa sortie de prison, Edwin Ballack Obame Mebiame était du lot. Ce salut public amène à revisiter l’itinéraire singulier d’un jeune opposant de la première heure, façonné par la répression et la persévérance.
Ballack Obame Mebiame a surgi du tumulte universitaire tel un éclaireur de conscience. À l’Université Omar Bongo, il avait refusé la torpeur des générations dociles. Tribun charismatique, organisateur infatigable, ses mots, tranchants comme des lames, avaient fait vaciller l’habitude de l’indifférence.
En 2013, face aux caméras de France 24, il avait guidé le journaliste Julien Pain à travers les ruines de l’enseignement supérieur gabonais, exposant au monde ce que tant d’autres se contentaient de murmurer. Avec son pas décidé dans les couloirs décrépis des amphithéâtres, il avait offert au monde l’image d’un Gabon dont la jeunesse refusait de se taire. Ce jour-là, il avait franchi le seuil de l’anonymat pour entrer dans la légende des insoumis.
Devenu coordonnateur des jeunes de l’Union Nationale, parti d’opposition, Ballack n’était pas seulement organisateur de campagnes et de manifestations: il devenait l’âme ardente d’un mouvement.
Les services spéciaux, sans preuves, mais mus par la peur de son ascendant, l’avaient alors marqué du sceau de la suspicion. Dans les ténèbres des intrigues, ils le soupçonnaient d’avoir trempé dans l’incendie qui, en avril 2015, avait consumé l’ambassade du Bénin à Libreville, nuit où la fureur populaire, attisée par la mort d’André Mba Obame, transforma la douleur en brasier. Dès lors, Ballack était devenu gibier pour les chasseurs du régime.
Puis l’histoire s’était assombrie. Le 21 janvier 2019, l’aube eu pour lui la couleur de la captivité. Accusé de complicité dans la tentative de coup d’État de Kelly Ondo Obiang, il fut été happé par la mécanique glaciale de la répression. Dix-sept jours de garde à vue, puis l’enfer dans la tristement célèbre prison de Gros-Bouquet, ‘’Sans-Famille’’: une cellule de neuf mètres carrés, l’air saturé de moiteur et de silence, trois compagnons d’infortune et l’attente interminable. Là, il a façonné son courage dans l’obscurité, affrontant la peur comme on dompte un fauve. Même le non-lieu prononcé en 2021 n’avait pas suffi: le parquet avait insisté, et le 28 juillet de la même année, le tribunal l’avait condamné à deux ans et sept mois de prison pour «tentative de trouble à l’ordre public». Mais il avait déjà payé, et le 8 septembre, il franchisait la porte des hommes libres, le regard plus incandescent que jamais.
Sa libération n’avait pas marqué la fin du récit, mais l’amorce d’un nouveau chant. En décembre 2023, le général Brice Oligui Nguema, artisan du Gabon post-Ali Bongo, l’a appelé à la Présidence comme on reconnaît un frère d’armes.
En septembre 2025, il porte les couleurs de l’Union nationale (UN) aux législatives, incarnation d’une jeunesse prête à transformer la douleur en destin. Ainsi, Ballack Obame a écrit une odyssée où la prison devient creuset, où l’injustice devient élan, et où la résistance se mue en victoire silencieuse. Dans la mémoire du pays, il demeurera l’un de ces voyageurs de l’ombre que rien n’a pu soumettre, un héros moderne dont la voix porte le souffle indompté de la liberté.
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